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«Nous avons maintenant une décision qui confirme que ces insultes néfastes que nous voyons beaucoup, surtout en ligne, en particulier de la part de l'extrême droite, ne sont pas du domaine de l’intérêt public.»
Les personnes qui tiennent des propos anti-LGBTQ+ ne peuvent pas faire valoir certaines protections de la liberté d’expression pour se dégager de toute responsabilité juridique. C’est ce que soutient l’avocat d’un artiste de drag à la suite d’une décision rendue par un tribunal ontarien.
Le jugement de la Cour supérieure de justice de l'Ontario ouvre la voie au client de l'avocat Douglas Judson pour intenter une action en diffamation contre un homme qui aurait utilisé sa page Facebook auto-identifiée «média/information» pour accuser les artistes de drag d'avoir un comportement de prédateur.
«Nous avons maintenant une décision qui confirme que ces insultes néfastes que nous voyons beaucoup, surtout en ligne, en particulier de la part de l'extrême droite, ne sont pas du domaine de l’intérêt public», s’est réjoui Me Judson en entrevue avec La Presse Canadienne.
Les plaignants dans le dossier sur lequel s’est penchée la Cour supérieure de justice de l'Ontario sont une personne qui agit comme drag king et une organisation à but non lucratif de défense des droits de la communauté LGBTQ+ à Dryden, en Ontario.
Dans leur requête, les plaignants dénonçaient que l'homme a qualifié l'artiste de drag de «prédateur (groomer)» et laissé entendre que l'organisation organisait des événements pour les prédateurs sexuels dans sa publication sur Facebook.
L'homme a ensuite déposé une requête préalable au procès demandant à la juge de rejeter la plainte, affirmant que celle-ci visait à étouffer ses commentaires sur une question d'intérêt public.
Il a fait valoir que son message, qui comprenait un article de la CBC avec une image de l'artiste de drag, portait sur la prétendue promotion d'un spectacle dans une bibliothèque de Dryden par le diffuseur.
Au moment de la publication, la page de l’homme comptait 4400 mentions «J’aime» et 6500 abonnés.
La juge a cependant refusé la tentative de l’homme d’écarter la poursuite, tranchant que «prédateur (groomer)» est une insulte et que ses commentaires décrivant les artistes de drag comme tels perpétuent des mythes et des stéréotypes blessants à propos des personnes LGBTQ+.
La juge Tracey Nieckarz a statué que la poursuite n'avait pas «les caractéristiques d'une procédure de "bâillon", mais plutôt une légitime défense de la réputation contre des allégations graves».
Elle a rejeté l'argument de l'intérêt public mis de l’avant par le défendeur et écrit qu'une simple lecture de ses commentaires indique qu'ils concernent les motivations des organisateurs et des participants au spectacle de drag.
«Je suis d'accord avec les plaignants sur le fait que perpétuer de tels stéréotypes et mythes sur les membres de la communauté 2SLGBTQI ne constitue pas un discours d'intérêt public», a-t-elle écrit dans sa décision datée du 14 décembre.
La décision ouvre la voie à la poursuite de la plainte en diffamation. Le fond de l'affaire n'a pas été débattu devant les tribunaux.
Me Judson a l’intention de demander aux tribunaux d'entendre cette affaire, tout comme la plainte en diffamation d'un autre client contre le même homme, qui concerne des déclarations présumées similaires concernant des spectacles de drag.
Le prévenu, qui se représentait lui-même devant le tribunal, n'a pas immédiatement répondu à une demande de commentaires envoyée par courriel.
«Nous espérons qu'un jugement comme celui-ci pourra envoyer un message fort», a souligné Me Judson.
Cette décision, a-t-il ajouté, envoie un «signal très positif» aux personnes LGBTQ+, comme quoi «il existe des outils juridiques en place qui peuvent fournir un certain soutien et une certaine imputabilité lorsque des incidents comme celui-ci se produisent».