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Le principal suspect, un octogénaire ayant déjà résidé à Montréal mais désormais établi en Floride, aurait été arrêté et ferait l'objet d'une demande d'extradition.
La Police provinciale de l'Ontario (PPO) a résolu une affaire de meurtre datant de près de 50 ans. Un homme ayant vécu à Montréal en est le principal suspect.
Quarante-huit ans après la découverte de celle qui était jusqu'alors connue comme étant «la Dame de la rivière Nation», la PPO a confirmé lors d'un point de presse virtuel, mercredi, que la victime était bel et bien Jewell Parchman Langford, âgée de 48 ans au moment de son décès.
«Pendant 47 ans, la famille de Jewell Langford ne savait pas où elle était ni ce qui lui était arrivé, a souligné le coroner en chef de l'Ontario, le Dr Dirk Huyer. Grâce aux avancées technologiques et scientifiques et à la collaboration de plusieurs partenaires, nous avons enfin pu répondre à ces questions. Notre travail se résume à découvrir la vérité pour les familles et de ne jamais abandonner, peu importe le temps qui passe.»
Son corps avait été retrouvé dans la rivière Nation le 3 mai 1975 par un agriculteur ontarien, tout près du pont de l'autoroute 417 où des traces de sang avaient été retrouvées. L'état du cadavre laissait croire qu'elle se trouvait dans l'eau depuis un certain temps.
Les pieds et les mains ligotés avec des cravates, la femme était enveloppée dans des serviettes vertes. Son linceul improvisé contenait aussi un chiffon-j, un câble coaxial noir et un suspendeur de tringle à rideaux.
L'enquête à l'époque n'avait pas permis d'identifier la victime. La PPO avait rouvert le dossier en août 2017 dans l'espoir d'en arriver à un dénouement. Plusieurs avis avaient été diffusés et même une récompense de 50 000 $ avait été offerte pour permettre de résoudre ce mystère.
Une sculpture en argile trois dimensions avait été réalisée par un artiste médicolégal et analyste de la reconstruction afin de reconstituer le visage de la femme, et ce, pour faciliter son identification.
Au moment de relancer l'enquête, il y a six ans, le corps de la victime avait été exhumé afin d'y prélever des échantillons d'ADN, indique le détective Daniel Nadeau.
Dans la première moitié de 2019, la PPO a sollicité le projet DNA Doe, une organisation sans but lucratif fondée en 2017 qui se spécialise dans l'identification de personnes disparues.
Après quelques mois de recherche, notamment en comparant l'ADN recueilli à celui consigné dans plusieurs bases de données, il a été possible de confirmer que la femme était Mme Parchman Langford, dont la disparition avait été signalée par ses proches.
Bénévole au Projet DNA Doe, Bryan Worters indique que l'identification de la victime avait été facilitée par ses origines américaines. «Les bases de données que nous utilisons contiennent surtout des échantillons américains», a-t-il mentionné en entrevue.
«Nous avons utilisé la recherche généalogique, c'est-à-dire en comparant l'échantillon d'ADN avec des membres potentiels de la famille, a-t-il ajouté. Une nièce de Mme Langford a fourni un échantillon et les résultats ont indiqué une correspondance de tante à nièce.»
Les nombreux articles de journaux portant sur la disparition de Mme Langford et sur sa présence possible au Canada ont permis de résoudre l'équation. «Nous disposions de suffisamment d'informations et de preuves circonstancielles pour les transmettre à titre de piste à la police provinciale de l'Ontario», indique M. Worters.
«Ce qui est déchirant, c'est que la mère de Jewell, qui l'a cherchée pendant des années, est malheureusement décédée sans savoir ce qui est arrivé à sa fille», avait pour sa part déclaré la chargée de projet C. Lauritsen sur la page dédiée à Mme Langford sur le site du Projet DNA Doe.
La famille de la victime, originaire de Jackson, dans le Tennessee, a toujours suivi l'enquête de près. La dépouille de Jewell Langford lui a été retournée par le bureau du coroner de l'Ontario.
«Nous avons rencontré la famille pour lui faire part de nos conclusions, a relaté M. Nadeau lors du point de presse. Ça a été un moment très difficile et émouvant, mais les proches de Mme Langford ont désormais assez d'informations pour entamer leur deuil.»
Le principal suspect, un octogénaire d'origine canadienne ayant déjà résidé à Montréal mais désormais établi en Floride, connaissait sa victime, a précisé l'inspecteur Nadeau, qui s'est fait avare de détails à son sujet pour ne pas entraver la suite des procédures.
Il a cependant confirmé que les preuves amassées indiquent que le crime se serait produit en Ontario et non au Québec.
Rodney Nichols, âgé de 81 ans, a été arrêté et fait l'objet d'une demande d'extradition.
«Ça fait plusieurs mois qu'on a émis le mandat d'arrestation et qu'on travaille avec le département de la justice pour faire avancer le dossier, a indiqué l'inspecteur Nadeau en entrevue avec La Presse Canadienne. Nous attendons des nouvelles pour la suite des choses.»
La PPO aurait préféré attendre l'arrivée de l'accusé en sol canadien avant d'annoncer le dénouement de cette affaire, mais la sortie de l'histoire dans certains médias lui a forcé la main, a-t-on indiqué.
Néanmoins, le dénouement de cette triste histoire est une source de fierté et de soulagement pour l'inspecteur Nadeau, qui travaille sur l'affaire depuis bientôt six ans.
«Beaucoup d'efforts et de temps ont été investis, on arrive à un résultat et on est vraiment contents de nos partenariats pour y arriver. C'est le fun de pouvoir identifier le corps, de le retourner à sa famille et de pouvoir fermer le dossier», dit-il.
En cinq ans, le Projet DNA Doe a permis d'identifier plus de 100 personnes à travers les États-Unis.
Quelques cas sont encore sous enquête au Canada, mais l'identification des corps est complexe parce que moins d'informations sont disponibles dans les bases de données génétiques utilisées par l'organisme.
M. Worter a dit se pencher sur deux autres cas en Ontario, soit celui d'une femme retrouvée en juin 2009 en bordure de l'autoroute Transcanadienne dans le secteur de Kenora, et celui d'une femme noire dont le corps a été découvert en octobre 2006 tout près de Clarington.
Le bénévole espère que les avancées dans le cas de Mme Langford permettront de mettre ces autres affaires en lumière et de pouvoir donner des réponses à des familles qui attendent depuis plusieurs années de savoir ce qui a pu arriver à l'un de leurs proches.