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Les scientifiques ont pu épier de près, pour la première fois, les causes de la disparition du glacier Thwaites, que l'on surnomme le «glacier de l'Apocalypse».
Les scientifiques ont pu épier de près, pour la première fois, les causes de la disparition du glacier Thwaites ― que l'on surnomme le «glacier de l'Apocalypse», en raison de son potentiel énorme de fonte et de hausse du niveau des océans ― et les nouvelles sont à la fois bonnes et mauvaises.
Un robot de quatre mètres ayant la forme d'un stylo qui a nagé sous le glacier, à l'endroit précis où il commence à surplomber la mer, a révélé un endroit «où il font tellement rapidement, qu'il y a tout simplement de la matière qui s'écoule du glacier», a dit la créatrice du robot, la scientifique polaire Britney Schmidt de l'université Cornell.
Les scientifiques n'avaient jusqu'à présent pas été en mesure d'observer cette portion inaccessible, mais d'une importance cruciale, du glacier. Mais en insérant le robot Icefin dans un petit trou long de près de 600 mètres, ils ont constaté le rôle crucial que jouent les crevasses dans la fracturation de la glace, ce qui malmène le glacier encore plus que la fonte.
Crédit image | Schmidt/Lawrence/Icefin/NASA PSTAR RISE UP via AP
«C'est comme ça que le glacier se désintègre, a dit Mme Schmidt. Il ne s'amincit pas et ne disparaît pas. Il tombe en morceaux.»
Mme Schmidt est l'auteure principale de deux études publiées le 15 février dans le prestigieux journal scientifique Nature.
Cette fracturation «accélère potentiellement la disparition progressive du glacier, a estimé Paul Cutler, le directeur du programme Thwaites de la National Science Foundation qui était sur place il y a quelques jours. Sa disparition ultime pourrait être due à cette désintégration».
Ces travaux découlent d'un financement de 50 millions $ US accordé notamment par le Royaume-Uni et les États-Unis pour étudier le glacier Thwaites, le plus vaste du monde sur la terre et dans la mer.
Le glacier, qui a la taille de la Floride, est surnommé le «glacier de l'Apocalypse» parce que le niveau de la mer pourrait augmenter de 65 centimètres sur plusieurs siècles si toute la neige et toute la glace qu'il contient devaient fondre.
La fonte du glacier est alimentée par ce qui se passe dessous, où il est grugé par de l'eau plus chaude, un processus appelé «fonte basale», a dit Peter Davis, un océanographe du British Antarctic Survey qui est le premier auteur des deux études.
«Thwaites est un système qui change rapidement, beaucoup plus rapidement que quand nous avons entamé ces travaux il y a cinq ans et même que quand nous étions sur place il y a trois ans, a souligné la chercheuse Erin Pettit, de l'université Oregon State, qui n'a pas participé à ces travaux. Je m'attends certainement à ce que le changement rapide se poursuive et s'accélère au cours des prochaines années.»
Richard Alley, un glaciologue de l'université Pennsylvania State qui n'a pas non plus participé à ces études, a estimé que les nouveaux travaux «jettent un regard important sur les processus qui affectent les crevasses qui pourraient éventuellement se fracturer et entraîner la perte de la majeure partie du glacier».
Les bonnes nouvelles: une grande partie de la zone sous-marine plate qu'ils ont explorée fond beaucoup plus lentement qu'ils ne l'anticipaient. Les mauvaises nouvelles : ça ne change pas grand-chose à la quantité de glace perdue par la portion terrestre du glacier et qui fait monter le niveau de la mer, a dit M. Davis.
La fonte du glacier est beaucoup moins problématique que son retrait, a-t-il ajouté. Plus le glacier se désintègre et recule, plus la glace flotte sur l'eau. Quand la glace est sur terre et qu'elle fait partie du glacier, elle ne fait pas hausser le niveau de la mer. Mais quand elle se détache et tombe dans l'océan, elle contribue par déplacement au niveau de l'eau, tout comme un glaçon déposé dans un verre fait monter le niveau du liquide qu'il contient.
D'autres mauvaises nouvelles: ces nouvelles informations proviennent de la portion orientale, plus grosse et plus stable, du glacier Thwaites. Les chercheurs n'ont pas pu se poser et forer la portion principale du glacier, qui se désagrège beaucoup plus rapidement. Ils ont aussi trouvé des crevasses dans certains coins de la portion orientale, là où la désintégration est plus prononcée.
Pour prendre la pleine mesure de la situation, il faudrait aller étudier la fonte de la glace sous la portion principale du glacier. Mais cela nécessiterait un hélicoptère, plutôt qu'un avion, et serait incroyablement difficile, a dit le co-auteur des deux études, le chercheur Eric Rignot de l'Université de la Californie à Irvine.
La surface de la portion principale du glacier «est tellement abîmée par des crevasses qu'on dirait des cubes de sucre. Il n'y a nulle part où poser un avion», a dit M. Cutler.
En plus d'eau qui fondait et de crevasses, le petit robot a filmé plusieurs formes de vie, surtout des anémones de mer, qui nageaient sous la glace.
«C'était vraiment 'cool' de les trouver accidentellement dans cet environnement, a dit Mme Schmidt. On était tellement fatigués qu'on s'est demandé si on voyait vraiment ce qu'on voyait. Il y avait ces petits extra-terrestres étranges (les anémones) qui se baladaient dans l'interface entre la glace et l'océan.
«Et en arrière-plan il y avait ces petites étoiles scintillantes qui ressemblent à des rochers et des sédiments qui provenaient du glacier. Et puis les anémones. Quelle expérience fantastique!»