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Même ceux qui en auraient le plus besoin refusent encore souvent de demander une aide professionnelle, révèle un sondage dévoilé lundi par le Regroupement pour la valorisation de la paternité.
Un père québécois sur sept ayant des enfants âgés de 0 à 18 ans ressent une détresse psychologique élevée, mais même ceux qui en auraient le plus besoin refusent encore souvent de demander une aide professionnelle, révèle un sondage dévoilé lundi par le Regroupement pour la valorisation de la paternité.
«Dans l'ensemble de la population des pères québécois, ça fait à peu près 130 000 pères, a dit le professeur Carl Lacharité, du département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières, qui a participé à l’élaboration du sondage. C'est du monde à la messe, comme on dit.»
Rendue publique dans le cadre de la dixième Semaine québécoise de la paternité et à quelques jours de la fête des Pères, l'enquête SOM précise que la situation est encore pire chez les pères qui gagnent moins de 35 000 $ par année ou qui sont sans emploi, puisque près du tiers d'entre eux affirment ressentir une détresse psychologique élevée.
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Le quart des pères qui ont traversé une séparation au cours des cinq dernières années sont dans la même situation.
Vingt-neuf pour cent des pères dont l'indice de détresse psychologique est élevé ont admis avoir eu des idées suicidaires au cours de la dernière année, un chiffre quatre fois plus élevé que la moyenne de 7 %.
Les pères anglophones (19 %), allophones (17 %), célibataires (19 %) et ceux ayant été maltraités pendant leur enfance (17 %) sont également quelque peu surreprésentés au chapitre de la détresse psychologique élevée.
Les sondeurs ont demandé aux participants s'ils se sont sentis «nerveux», «à ce point fatigué(s) que tout était un effort», «désespéré(s)», «agité(s) ou incapable(s) de tenir en place», «si déprimé(s) que plus rien ne pouvait (les) faire sourire» ou «bon(s) à rien» au cours du dernier mois. Le pourcentage de papas qui ont répondu «Tout le temps/la plupart du temps/parfois» allait de 25 % pour «bon à rien» à 54 % pour «nerveux».
Malgré tout cela, 83 % des participants au sondage ont indiqué ne pas avoir consulté une ressource ou un intervenant psychosocial au cours de la dernière année. On note toutefois que le tiers des pères ayant une détresse psychologique élevée ont demandé une aide professionnelle ― ce qui veut aussi dire que les deux tiers ne l'ont pas fait.
Ces résultats, a dit le professeur Lacharité, sont un «appel à l'empathie à l'égard de ce que les pères peuvent vivre».
«Dans un sondage comme celui-ci, ils nous disent ce qu'ils ressentent, ce qu'ils vivent, a-t-il expliqué. Ils ne nous disent pas nécessairement ce qu'ils expriment à leur entourage et donc on se retrouve un peu avec le stéréotype (du père invulnérable), puis de l'autre côté, il y a des pères qui craquent, qui commettent des gestes irréparables. Mais entre les deux, il y a plein de choses, et ce sondage nous montre un peu ce plein de choses.»
Plusieurs pères ont témoigné d'un certain sentiment de solitude dans l'exercice de leur rôle parental.
Par exemple, plus de la moitié des papas interrogés ont confié qu'ils ne peuvent pas compter ― ou qu'ils peuvent rarement compter ― sur l’aide de leurs parents (59 %) ou de leurs beaux-parents (64 %) dans l’exercice de leurs responsabilités familiales.
Le recours à de l’aide de la part d’autres membres de la famille ou d’amis est encore moins fréquent (respectivement 69 % et 76 % n'y ont que peu, voire pas, accès).
«Ça augmente encore plus les difficultés qu'ils vont vivre, a prévenu le professeur Lacharité. Donc le fait de créer des liens, de dire "viens, ne t'isole pas, on va en discuter, on va en parler, on va examiner les choses ensemble, les décisions que tu dois prendre, t'es pas tout seul, on va en parler ensemble".»
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Enfin, la proportion de pères qui se disent insatisfaits de leur relation avec leur coparent oscille autour de 15 %, mais elle bondit à 35 % chez les pères monoparentaux, surtout ceux qui ont vécu une séparation au cours des cinq dernières années. La qualité de la relation avec le coparent a été évaluée en fonction de critères comme «le partage des tâches liées aux soins et à l'éducation des enfants», «la qualité des communications (entre les coparents)» et «le sentiment d'être valorisé dans votre rôle de père par votre coparent».
Près de 60 % des pères qui ont participé à cette enquête ont révélé avoir subi une forme de violence (physique, psychologique ou sexuelle) pendant leur enfance.
Sur une note plus positive, la vaste majorité des papas estiment avoir toutes les habiletés nécessaires pour être un bon père. Plus du quart d'entre eux admettent toutefois peiner à gérer les difficultés qui peuvent survenir au quotidien.
Si de multiples chercheurs se sont intéressés à la détresse psychologique associée à la pandémie de COVID-19, leurs travaux ont essentiellement porté sur la détresse des mères ou encore sur celle des enfants, a déploré le professeur Lacharité.
«On a beaucoup de données de recherche qui montrent que ça a eu un impact sur la vie des familles, mais (...) on parlait peu de ce qui se passe avec les pères, a-t-il dit. Pourtant, dans les familles, les pères sont un personnage qui est tout aussi important que le personnage des mères.»
Malgré cela, environ 60 % des pères qui ont répondu au sondage ont dit avoir l'impression que la société valorise davantage le rôle de la mère que le leur.
La dixième édition de la Semaine québécoise de la paternité est présentée du 13 au 19 juin 2022, sous le thème «Papa, as-tu besoin d’aide? Parce que tous les parents peuvent avoir besoin de soutien».
Les résultats de l'enquête ont été obtenus à l’aide d’un sondage en ligne réalisé par SOM du 1 au 11 mars 2022 auprès d’un échantillon représentatif de 2119 pères québécois ayant au moins un enfant de moins de 18 ans et qui s’identifient personnellement à ce rôle parental.