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Le gouvernement caquiste a déjà fait savoir mardi qu'il allait contester la décision du juge Galatsiatos.
Un juge de la Cour du Québec conteste la constitutionnalité d'un volet de la Charte de la langue française adoptée par le gouvernement caquiste.
Selon le juge Dennis Galatsiatos, l'obligation de rendre disponible «immédiatement et sans délai» une traduction en français d'un jugement en anglais aura des effets discriminatoires sur les justiciables anglophones, en cela qu'elle ralentirait considérablement le processus judiciaire en matière criminelle.
L'article 10, l'obligation de rendre disponible immédiatement et sans délai une traduction en français d'un jugement, est une disposition de la Charte de la langue française qui doit entrer en vigueur le 1er juin.
Il s'agit à l'origine du procès criminel d'une conductrice, Christine Pryde, accusée de conduite dangereuse, de conduite avec les facultés affaiblies et de négligence criminelle ayant causé la mort d'une cycliste, Irene Dehem, le 18 mai 2021, dans le West Island. L'accusée avait demandé un procès en anglais.
«Cela impliquerait que Mme Pryde, la Couronne et la famille d'Irene Dehem devront tous attendre plusieurs semaines ou mois supplémentaires (...) pour recevoir le jugement final, même s'il sera prêt bien avant cela, sur une étagère, en attendant une traduction des services judiciaires, qui devra ensuite être revue, corrigée et approuvée», écrit le juge Galatsiatos.
«Pendant ce temps, toutes les parties intéressées se verront refuser la conclusion qu’elles attendent avec impatience depuis la collision mortelle de 2021.»
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Le gouvernement caquiste a déjà fait savoir mardi qu'il allait en appeler de la décision du juge Galatsiatos, qui ne s'applique d'ailleurs qu'à l'affaire qu'il a jugée.
«Ce jugement n'a aucun sens», a affirmé le ministre de la Justice et procureur général du Québec, Simon Jolin-Barrette, en mêlée de presse mardi à l'Assemblée nationale. Il est incidemment également le ministre qui a piloté la réforme de la Charte de la langue française adoptée il y a un an.
L'article 10 n'est pas discriminatoire et «ne vise pas à retarder les choses», a-t-il assuré.
«Il est important que les Québécois puissent entendre, comprendre et lire les jugements des tribunaux québécois. La langue de la justice au Québec, c'est le français», a plaidé le ministre.
La décision du juge rendue le 1er mai est «tout à fait inusitée», a renchéri M. Jolin-Barrette, puisque le juge se prononce sur un enjeu qu'aucune des deux parties dans le procès de Christine Pryde n'avait soulevé.
La défense a refusé de contester la constitutionnalité de l'article 10, mais l'avocat a exprimé que les retards générés par l'article 10 seraient «importants», a tenu à souligner le magistrat.
Il rappelle que dans sa requête en arrêt des procédures, la défense plaidait que cela portait préjudice aux accusés de langue anglaise, que cela les discriminait en matière criminelle en raison de leur langue, et qu'ils devront attendre plus longtemps que ceux de langue française pour recevoir un jugement.
Le juge Galatsiatos voit dans l'article 10 une «preuve solide» de la violation de la séparation des pouvoirs entre le judiciaire, l'exécutif et le législatif.
«Cela implique le fonctionnement de base de la procédure criminelle dans chaque procès en anglais», écrit-il.
Il estime qu'il est de sa responsabilité de «préserver l'équilibre des pouvoirs constitutionnels» entre les deux ordres de gouvernement, puisque la loi sur le français est québécoise, tandis que le Code criminel est du ressort du fédéral.
Dans sa démarche, le juge pose donc trois questions: puisque le Code criminel relève du fédéral, est-ce que l'article 10 s'applique à la procédure criminelle? Considérant les retards additionnels causés par la traduction, l'article 10 s'immisce-t-il dans la mise en oeuvre du droit criminel et des droits linguistiques reconnus dans le Code criminel? La doctrine de la prédominance du fédéral s'applique-t-elle, rendant ainsi inopérante dans la procédure criminelle l'exigence d'une traduction immédiate et simultanée?
L'opposition officielle avait soumis un amendement à l'étude du projet de loi sur le français langue officielle pour que la traduction soit rendue disponible dans un «dans un délai raisonnable», a rappelé le chef libéral Marc Tanguay mardi.
«Il a refusé l'amendement, Simon Jolin-Barrette, en disant: 'non, non, non, il n'y aura pas de problème'. Grand devin. On voit ce qui se passe ce matin.»
Le député péquiste Pascal Paradis a pour sa part soutenu qu'il n'y avait pas de preuve que l'accusée dans cette affaire avait dû attendre et avait été victime de retard.
Son collègue Pascal Bérubé est favorable à l'accès aux jugements en français, mais se désole de cette mesure qu'il juge «symbolique», parce qu'elle n'accroît pas l'attraction et le poids du français, par rapport à rendre le cégep en français obligatoire, par exemple.
«Nous, on avait cette volonté que les jugements soient traduits, bien sûr, mais on a aussi la volonté de combattre les délais dans le système judiciaire, donc il faut voir où est le point d'équilibre», a fait savoir la co-porte-parole féminine de Québec solidaire, Christine Labrie.