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Dans une vidéo de l'incident qui circule sur les réseaux sociaux, l'homme demande aux agents s'ils lui ont passé les menottes parce qu'il est noir.
Le Service de police de Montréal (SPVM) a lancé samedi une enquête administrative après qu'un homme noir eut été menotté par des agents qui le soupçonnaient de tenter de voler... son propre véhicule.
L'incident soulève de nouveau des inquiétudes sur le profilage racial par les corps de police.
Une vidéo circulant sur les réseaux sociaux montre les images d'un homme en colère qui demande à des policiers les raisons pour lesquelles ils l'ont menotté avant de vérifier que l'automobile lui appartenait bel et bien. Il leur a notamment demandé s'ils avaient agi ainsi parce qu'il était noir.
«Le SPVM a ouvert une enquête administrative avec les instances officielles pour faire la lumière sur l'événement de jeudi dernier. Nous sommes sensibles au bouleversement et à l'émotion vécus par le citoyen ainsi qu'aux réactions suscitées par l'événement», a indiqué le corps policier, samedi en fin d'après-midi.
Plus tôt, le ministre de la Sécurité publique du Québec, François Bonnardel, a indiqué que des vérifications seraient faites auprès du SPVM.
«La vidéo qui circule soulève des questions. Nous sommes très sensibles aux commentaires qui circulent. Nous allons faire les vérifications qui s'imposent auprès du SPVM afin qu'ils fassent la lumière sur le contexte qui entoure les événements qui ont été filmés», a commenté le ministre sur Twitter.
Alain Vaillancourt, le responsable de la sécurité publique au comité exécutif de la Ville de Montréal, a demandé à la direction du SPVM de faire toute la lumière sur la situation et prendre les mesures nécessaires afin que ces gestes ne se reproduisent plus.
«Une situation comme celle vécue par ce citoyen affecte le sentiment de confiance entre la police et nos communautés montréalaises. Or ce lien de confiance est primordial, non seulement pour le travail policier, mais pour le caractère convivial de notre ville», a-t-il déclaré.
La cheffe du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade, s'est indignée de cette situation.
«La situation soulève d'ÉNORMES questions et n'est pas sans rappeler plusieurs événements récents. Aller au fond des choses, c'est le strict minimum. Changer les choses pour vrai, voilà ce qui devrait être fait», a-t-elle dit.
La vidéo, qui semble avoir été filmée dans le stationnement du Marché Central, est d'une durée de six minutes.
Au début de cette vidéo, l'homme se plaint du traitement qu'on lui a infligé.
«Êtes-vous blessé? s'enquiert un des policiers. Non, vous n'êtes pas blessé.»
«Ça fait mal», réplique l'homme qui tente de lever ses bras, alors qu'il est menotté derrière son dos.
«Mais je n'ai même pas frappé», tente de se défendre le policier en civil.
«Ce n'est pas mon véhicule? Je te pose la question», poursuit l'homme.
Un des policiers dit alors à l'homme qu'il va lui expliquer la situation. L'homme demande qu'on lui retire les menottes avant de parler. Les agents constatent qu'ils n'ont pas la clé sur eux.
Pendant qu'ils attendent l'arrivée d'une auto-patrouille, l'homme demande s'il est traité de cette façon parce qu'il est noir.
«Pas du tout», lui répond un des policiers.
Le SPVM a donné sa version des faits dans une série de gazouillis. Il raconte que deux enquêteurs experts en vols de véhicules avaient remarqué un VUS Honda CRV garé dans un stationnement de centre commercial. Le véhicule en question présentait des marques typiques et évidentes de tentative de vol sur l'une des serrures
Les policiers auraient alors entrepris «des démarches d'enquête» afin de déterminer s'il s'agissait d'une voiture volée. Pendant qu'ils vérifiaient, un citoyen s'est dirigé vers celle-ci pour en prendre possession.
«C'est à ce moment qu'il a été détenu temporairement aux fins d'enquête par les deux policiers. Le citoyen a été libéré inconditionnellement et sans accusation une fois les vérifications complétées. L'enquête est terminée», conclut le SPVM.
Le corps policier n'a pas parlé de la clé manquante. Le SPVM n'a pas répondu à une demande de commentaire de La Presse Canadienne.
Alain Babineau, le directeur à la sécurité publique à la Coalition Rouge, qui compte 27 ans d'expérience au sein de la GRC, explique si des policiers peut poser des menottes à une personne qui représente une menace, cela signifie une arrestation en fin de parcours.
«Une détention pour enquête doit être très brève. On doit permettre à cette personne de s'en aller. Si une personne est menottée, ce n'est plus une enquête, mais une arrestation. Et si c'est une arrestation, cette personne a droit à un avocat et ainsi de suite», raconte-t-il.
Il craint que l'homme ait été menotté parce que les policiers l'ont perçu comme étant potentiellement violent.
Un des éléments du profilage racial, c'est que tous les hommes noirs «sont perçus comme étant intrinsèquement violents».
«C'est pour ça que la question du profilage racial doit être soulevée.»
M. Babineau demande que la police présente ses excuses à l'homme. Il souhaite aussi que les officiers supérieurs rencontrent les policiers impliqués pour revoir leur pouvoir et obligations.
«C'est dans la culture policière de dire que nous n'avons jamais tort. C'est ça qui est incorrect avec notre culture. Il faut changer cela.»
Fo Niemi, directeur général du Centre de recherche-action sur les relations raciales, dit espérer que l'homme déposera une plainte auprès du Comité de déontologie policière afin de déterminer ce qui s'est déroulé avant le début de la vidéo.
Il réclame lui aussi des excuses auprès de l'homme menotté.
«L'incident démontrer comme les conducteurs noirs ne peuvent se sentir en sécurité à Montréal. Ils ne peuvent même pas sentir libres de conduire leur propre véhicule sans faire l'objet de suspicion de la police, déplore M. Niemi. C'est pour ces raisons que les gens viennent nous voir pour nous dire que c'est la perte de sensation de liberté qui leur font perdre confiance en la police.»
De son côté, la Fraternité des policiers et des policières de Montréal s'est plutôt indignée... des commentaires de politiciens.
«Dans une société de droit, les élus devraient s'abstenir de partager leurs impressions sur le caractère d'une opération policière avant que tous les faits ne leur soient connus. Ils éviteraient notamment ainsi d'alimenter le désengagement policier», a-t-on commenté sur Twitter.