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Tout a commencé avec un studio d'art si petit et si mal équipé que les graveurs ouvraient les fenêtres sur l'hiver arctique pour ventiler l'endroit des produits chimiques toxiques.
Aujourd'hui, c'est une source d'images et d'imagination de renommée internationale qui orne les murs et les tables des Canadiens et des amateurs d'art du monde entier, ainsi qu'une entreprise qui offre tout aux Inuits, du logement public à la réparation de petits moteurs.
«Nous sommes très occupés», déclare Pauloosie Kowmageak, président de la West Baffin Cooperative, la plus ancienne organisation artistique autochtone du Canada, qui célèbre cette année son 65e anniversaire. Elle est appelée dans sa communauté d'origine de Kinngait, au Nunavut, simplement «la coopérative», mais elle est mieux connue comme le premier des studios de gravure qui a fait connaître la vision inuite au monde et a donné au Canada certaines de ses œuvres d'art les plus emblématiques.
L'art de Kinngait, anciennement Cape Dorset, est apparu sur des timbres-poste tels que La chouette enchantée de Kenojuak Ashevak, entre autres. Il a été présenté aux ambassadeurs et a représenté le Canada lors de grandes foires d'art mondiales telles que la Biennale de Venise.
«C'est un élément important de la culture canadienne», a expliqué Darlene Wight, conservatrice de l'art inuit au Musée des beaux-arts de Winnipeg, propriétaire de la plus grande collection d'œuvres de ce type au monde.
La coopérative a vu le jour en 1959, fruit des efforts visant à améliorer la production, la qualité et la commercialisation de l'art que les Inuits réalisaient depuis des siècles. Des studios comme West Baffin ont donné aux créateurs inuits la chance de passer de la sculpture au domaine plus lucratif de la gravure.
C'était une époque difficile, se souvient le graveur Niveaksie Quvianaqtuliaq, qui travaille au studio depuis 34 ans.
«Nous n'avions pas de matériel adéquat, a-t-il raconté. Lorsque nous utilisions des produits chimiques agressifs, notre ventilation était si faible que nous devions ouvrir les fenêtres et les portes. En janvier, lorsque tous les produits chimiques étaient sortis, vous pouviez voir votre souffle.»
Ce n'est plus le cas.
Le studio — aujourd'hui, affirme-t-il, l'imprimerie la plus ancienne au Canada — est équipé des derniers équipements de gravure sur pierre, de gravure, de pochoir et de lithographie, ainsi que d'un studio de dessin. Il possède une galerie, un restaurant et un espace de vente au détail dans le Centre culturel Kenojuak, de 1000 mètres carrés.
Plus de 100 personnes y travaillent, ce qui en fait le plus grand employeur de la ville, a indiqué M. Kowmageak.
«Économiquement, nous aidons la communauté.»
Les artistes et graveurs qui traduisent leurs créations sur papier sont presque tous locaux. Beaucoup appartiennent à la deuxième ou à la troisième génération d'artistes.
«Nous sommes heureux que cela continue au sein des familles, a dit M. Kowmageak. Nous essayons également de l'étendre au système scolaire pour que cela continue.»
L'art de West Baffin a changé au fil des générations, a détaillé Mme Wight.
Les images ancrées dans les activités traditionnelles sur la terre, les mythes anciens et la vie des animaux évoluent pour inclure des éléments de la vie inuite moderne. Les oeuvres sont également devenues plus sophistiquées sur le plan technique, passant progressivement de simples silhouettes à l'incorporation de couleurs et de perspectives.
«Cela devient de plus en plus diversifié», a affirmé Mme Wight.
«Le sujet est définitivement en train de changer, passant de la vie plus rurale que vivaient leurs parents à une perspective plus urbaine. C'est ce que font tous les plus jeunes : ils ne font pas de scènes de chasse.»
Au cours de la vie de la coopérative, cet art a également acquis une reconnaissance internationale.
En 1999, Jacques Chirac, alors président français, a fait un détour à Kinngait pour rencontrer des artistes et faire des achats. Mme Wight a organisé des expositions d'art inuit dans la principauté européenne de Monaco — en présence du prince Rainier — ainsi que dans la ville italienne de Vérone.
«Les Italiens pensent qu'ils ont la mainmise sur le marché de l'art, mais c'était vraiment amusant de les voir explorer les sculptures, les gravures, les dessins et les textiles», a évoqué Mme Wight.
Mme Wight prépare actuellement une exposition de Ningiukulu Teevee pour Londres, en Angleterre. Des spectacles célébrant l'anniversaire de la coopérative sont actuellement programmés à Miami et à Fredericton.
West Baffin est devenu un lien entre la vie sur une île isolée de l'Arctique et le reste du monde. Les visiteurs internationaux sont fréquents — plus récemment, une délégation de la Corée du Sud.
M. Quvianaqtuliaq a étudié à la Nova Scotia College of Art and Design et a travaillé avec des graveurs à Albuquerque, au Nouveau-Mexique.
«Nous sommes désormais partout dans le monde», a-t-il déclaré.
«Je regarde en arrière et je regarde autour de moi et je n'arrive pas à croire que je suis ici, à travailler avec tous les artistes. J'aime mon travail.»