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Les circonstances nébuleuses entourant les décès de André Lemieux, Mohamed Belhaj, Alex Levis-Crevier ont mené à l’élaboration d’une enquête publique dont le rapport a été déposé jeudi.
Le 4 août 2022 au petit matin, les forces tactiques du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) se présentent dans un motel du nord de la métropole afin de maîtriser un homme malade qui a orchestré une folie meurtrière qui a coûté la vie à trois innocentes victimes en près de 24 heures. Armé et barricadé dans sa chambre, Abdulla Shaikh, l'auteur des meurtres, est tué au terme d’un échange de coups de feu avec les policiers.
Les circonstances nébuleuses entourant les décès de André Lemieux, Mohamed Belhaj, Alex Levis-Crevier ont mené à l’élaboration d’une enquête publique dont le rapport a été déposé jeudi.
Voyez le récapitulatif de Marie-Michelle Lauzon dans la vidéo qui accompagne ce texte.
Dans son document de 58 pages, la coroner Géhane Kamel conclut qu’il est «tout à fait vraisemblable» que Shaikh ait planifié «de longue date ces gestes avec un objectif précis dont seul lui aurait pu nous donner des réponses.» Me Kamel estime aussi que le comportement du présumé tueur en est un qui n’est pas typique d’une psychose», mais plutôt de «quelqu’un qui a un trouble de personnalité qui a planifié scrupuleusement ces actions».
Rappelons qu'Abdulla Shaikh, 26 ans, avait reçu un diagnostic de schizophrénie et avait déjà été hospitalisé à Laval, avait-on appris dans la foulée des trois meurtres.
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«Les gestes irréparables commis par M. Shaikh menant aux décès de MM. Lemieux, Belhaj et Lévis-Crevier et, ultimement à son propre décès, se sont déroulés alors qu’il était sous le mandat de la Commission d’examen des troubles mentaux (CETM) après avoir été jugé non criminellement responsable suivant des infractions commises en 2018», rappelle le rapport.
Malgré le «risque important à la sécurité publique», Shaikh était autorisé à continuer à vivre à l’extérieur d’un établissement de santé mentale.
«Aurait-on pu éviter ce drame?» se questionne Me Kamel, qui écrit que «la psychiatrie ne soit pas une science exacte, comme pourrait l’être la médecine physique, certains éléments devraient être considérés comme des drapeaux rouges.»
Parmi ceux-ci, Me Kamel retient notamment «les délais interminables en matière d’accusations criminelles», mais aussi le fait qu’il ne «participe pas de manière soutenue avec l’équipe du Suivi intensif dans le milieu (SIM)», un programme offert aux adultes présentant des troubles mentaux graves.
Me Kamel retient aussi le manque «d’alternative de suivi» après la fermeture de son dossier avec le SIM» ainsi que «le fait également que l’on repose nos interventions sur la famille alors qu’elle est émotivement prise entre l’arbre et l’écorce.»
La coroner en vient aussi à la conclusion que «le manque de ressources est un problème réel», mais que «les structures de suivis pour les personnes qui sont réfractaires le sont également.» Elle affirme sans détour que «les besoins en santé mentale sont criants alors que les ressources sont rares.» Cette situation est dénoncée depuis longtemps par les forces de l'ordre.
«C'est important au niveau législatif d'agir rapidement pour donner des outils aux systèmes de santé, aux policiers pour essayer des citoyens et éviter des drames qu'on pourrait éviter actuellement», a expliqué le superviseur retraité du Service de police de la Ville de Montréal, Stephane Wall, à Noovo Info.
Au terme des audiences publiques, la coroner a émis 23 recommandations à différentes autorités, dont le ministère de la Santé et des Services sociaux, à qui elle conseille de «s’assurer d’une couverture médicale suffisante, notamment quant au ratio psychiatres/clients sur le territoire visé» en plus de «bonifier et développer des ressources dédiées au suivi et à l’hébergement des clientèles complexes, notamment dans des unités spécifiques de psychiatrie légale». Elle a aussi recommandé la création d'un tribunal spécialisé.
«Malheureusement, on tente de réinventer la roue à travers ces recommandations et de régler des problèmes qui n'en sont pas vraiment ou du moins qui n'en ont pas été dans le cas précis de M. Shaikh», a souligné l'avocat spécialisé en droit de la santé, Me Patrick Martin-Ménard, à Noovo Info.
Avec les informations de Marie-Michelle Lauzon pour Noovo Info