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Les critiques fusent de toutes parts après que le premier ministre Justin Trudeau a donné une exemption aux provinces maritimes.
Le premier ministre Justin Trudeau a confirmé mardi qu'il n'y aura pas d'autres exclusions à la tarification du carbone, y compris pour le chauffage au gaz naturel, alors que les critiques se multiplient à l'encontre de sa décision d'exempter temporairement le mazout de chauffage de cette politique et que son cabinet tente de faire taire des accusations de favoritisme.
«Il n'y aura absolument aucune autre exemption ou suspension du prix sur la pollution», a martelé le premier ministre mardi lors d'une mêlée de presse à la Chambre des communes.
M. Trudeau et plusieurs de ses ministres ont défendu mardi l'exemption de trois ans sur le mazout de chauffage. Ils ont fait valoir qu'il s'agit d'une mesure visant à garantir que les Canadiens qui utilisent ce carburant aient le temps et les fonds nécessaires pour passer aux thermopompes électriques.
Questionné par les journalistes sur la raison pour laquelle seul le mazout de chauffage aura droit à une exemption temporaire, M. Trudeau a expliqué que cette source d'énergie est plus chère, plus émettrice et qu'elle affecte de façon disproportionnée «des résidences à revenu modeste».
«Donc, de remplacer avec des thermopompes à travers le pays, c'est la façon de réduire nos émissions», s'est défendu le premier ministre.
En plus d'exclure temporairement le mazout de la tarification du carbone, les libéraux vont doubler le supplément à la remise sur le prix du carbone pour les Canadiens des régions rurales, et vont étendre un programme de subventions qui, pour certains citoyens à faible revenu, couvrira le coût total de l'installation de thermopompes.
M. Trudeau a fait cette promesse la semaine dernière, après avoir résisté pendant des mois aux appels de son groupe parlementaire du Canada atlantique qui lui mettait de la pression en faveur d'un allègement du coût de la vie. Cette décision est aussi survenue alors que les libéraux sont en baisse dans les sondages et que la question de l'abordabilité continue de leur nuire sur l'échiquier politique.
Toutefois, comme l'exemption se limite au mazout domestique _ qui est majoritairement utilisé dans les provinces de l'Atlantique _ les premiers ministres des Prairies et de l'Ontario ont immédiatement crié au scandale.
La première ministre de l'Alberta, Danielle Smith, a notamment exigé que l'exclusion soit étendue au gaz naturel, qui est utilisé pour chauffer quatre foyers sur cinq dans sa province.
De son côté, le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, a déclaré que la tarification du carbone devrait être entièrement abandonnée.
Le ministre des Finances du Manitoba, Adrien Sala, a pour sa part estimé mardi que les Manitobains méritent l'équité, et qu'il discutera avec les libéraux de ce qui peut être fait pour aider sa province.
En Saskatchewan, le premier ministre Scott Moe a affirmé qu'il allait ordonner à SaskEnergy de cesser complètement de percevoir la tarification du carbone sur le gaz naturel. Cette décision pourrait s'accompagner de sanctions légales en vertu de la législation fédérale.
Au milieu des critiques, le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a qualifié le plan de M. Trudeau d'approche de division, notant que son parti préconisait plutôt de supprimer la TPS sur toutes les sources de chauffage domestique, les reconnaissant comme un bien essentiel qui ne devrait pas être taxé.
Même Mark Carney, l'ancien gouverneur de la Banque du Canada, considéré depuis longtemps comme un possible candidat à la direction du Parti libéral, a soutenu mardi lors d'une conférence sur le climat, à Ottawa, qu'il n'était pas d'accord avec l'exemption accordée au mazout.
«De nombreux Canadiens sont en difficulté. Ils ne sont pas en difficulté à cause de la taxe sur le carbone, qui est réduite. Ils sont en difficulté à cause de la forte augmentation du prix de l'énergie et du prix des aliments, de l'impact sur les salaires, des effets persistants de la COVID, également», a noté M. Carney lors d'une période de questions après avoir prononcé un discours lors du Sommet du leadership Net-Zéro.
«J'aurais cherché d'autres moyens de fournir ce soutien que la voie choisie.»
La tarification fédérale sur le carbone a été appliquée pour la première fois en 2019, obligeant toutes les provinces et tous les territoires à avoir leur propre prix équivalent sur la pollution ou à utiliser celui d'Ottawa.
Ce phénomène augmente chaque année, l'idée étant qu'une lente augmentation du coût des combustibles fossiles incite les Canadiens à trouver des moyens d'en utiliser moins, réduisant ainsi la pollution par les gaz à effet de serre.
Une remise est accordée aux ménages tous les trois mois, au lieu d'une fois par an, pour compenser l'augmentation des coûts. L'objectif est que les familles voient qu'elles ne sont pas dans une situation pire qu'avant à cause du prix du carbone, et qu'elles soient incitées à économiser encore plus d'argent en réduisant leur utilisation de combustibles fossiles.
Lors des deux dernières élections, M. Trudeau a fait campagne en promouvant la tarification du carbone, et l'annonce selon laquelle le mazout bénéficierait d'une exemption temporaire marque le premier retrait des libéraux par rapport à l'une de leurs politiques phares.
Les accusations de favoritisme régional à des fins politiques se sont intensifiées dimanche, lorsque la ministre du Développement économique rural, Gudie Hutchings, a laissé entendre, lors de la période des questions de CTV, que les provinces des Prairies devraient élire davantage de libéraux si elles veulent que leurs voix soient entendues sur la nécessité d'un allègement de la tarification du carbone.
Le ministre du Logement et député de la Nouvelle-Écosse, Sean Fraser, a maintenu que cette exemption temporaire sur le prix du carbone n'est pas une question de politique et que de nombreuses politiques affectent différemment les nombreuses régions du pays.