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«La façon la plus durable de sortir de la pauvreté est l'emploi», dit le ministère du Travail et de la Solidarité sociale.
Des militants jugent que le nouveau Programme de revenu de base, qui est entré en vigueur au début de l'année, exclut encore trop de personnes ayant de faibles revenus.
Selon le gouvernement québécois, ce sont 84 000 personnes subissant «des contraintes à l’emploi sévères et persistantes» qui peuvent profiter de ce nouveau programme. Les personnes admissibles peuvent bénéficier d'une augmentation allant jusqu'à 28% de leurs prestations. De plus, elles peuvent gagner jusqu'à 14 532 $ par année sans que cela diminue le montant de la prestation.
Elles peuvent aussi avoir 20 000 $ dans un compte d'épargne sans que cela diminue la prestation de base. Elles pourront aussi vivre avec un conjoint dont le revenu ne dépasse pas 28 000 $ sans que cela ait des répercussions.
Ce programme qui coûtera environ 1,5 milliard $ au Trésor québécois permettra aux bénéficiaires «de recevoir l'un des revenus d'aide sociale les plus élevés au Canada», se félicite le ministère du Travail et de la Solidarité sociale dans un courriel.
Si des militants anti-pauvreté louent ce programme, disant qu'il est un pas dans la bonne direction pour aider les gens à joindre les deux bouts, ils regrettent que les critères d'admissibilité excluent trop de personnes à faibles revenus.
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Jean Lalande, un porte-parole d'un comité de défense des droits des assistés sociaux de Pointe-Saint-Charles, convient que le programme aborde certains des problèmes de l'aide sociale traditionnelle. Les gens pouvaient être découragés de tenter d'améliorer leur situation à cause des réductions de prestation qu'ils subissaient s'ils gagnaient ou épargnaient de l'argent.
Selon lui, le programme devrait être offert à tous ceux qui vivent de l'aide sociale, notamment à tous ceux qui reçoivent des prestations mensuelles minimales de 770 $. Ces bénéficiaires doivent parfois consacrer jusqu'à 80% ou 90% de leur budget à leur loyer.
Tout comme M. Lalande, Serge Petitclerc du Collectif pour un Québec sans pauvreté, rappelle que les conditions d'admissions à l'aide sociale sont déjà très restrictives. Une personne inapte au travail à cause de sa santé peut attendre des années avant que sa condition soit reconnue formellement. Quand une demande est finalement approuvée, il y a de fortes chances que la santé du demandeur se soit détériorée à cause de l'extrême pauvreté dans laquelle il vivait.
Pour avoir droit au Programme de revenu de base, un demandeur doit avoir eu des contraintes sévères à l’emploi pendant au moins 66 mois au cours des 72 mois précédents.
Mais ce critère peut en léser un certain nombre de prestataires. Ainsi Sylvain Caron, un résident de Rawdon, âgé de 64 ans. Il souffre d'un problème de mobilité qui l'empêche de travailler, ce que le gouvernement ne lui a reconnu qu'il y a deux ans et demi. En conséquence, il reçoit 300 $ de moins par mois.
M. Caron, qui travaille pour la Coalition, explique qu'il a dû vendre son véhicule. Il dépend du transport adapté, ce qui a abouti en «une perte d'autonomie».
William Moore, un Montréal âgé de 58 ans, est aussi exclu du programme même s'il ne peut pas travailler depuis 2013. Mais comme, pour le gouvernement, ses contraintes liées à des maux de dos et des genoux ne sont que «temporaires», il ne reçoit que 930$ par mois.
Selon lui, tous les pauvres devraient recevoir assez d'argent pour satisfaire leurs besoins fondamentaux. «Cela changerait en mieux la vie de tout le monde. Présentement, beaucoup de gens souffrent et ne peuvent survivre», lance ce bénévole de plusieurs groupes luttant contre la pauvreté.
Le gouvernement québécois ne semble pas l'intention d'étendre le programme. Il mentionne qu'il existe d'autres programmes pour venir en aide aux pauvres qui n'y sont pas admissibles. Notamment, des mesures sont en place pour aider ceux qui veulent retourner sur le marché du travail.
«La façon la plus durable de sortir de la pauvreté est l'emploi», dit le ministère du Travail et de la Solidarité sociale.
François Blais, un ancien ministre libéral qui avait contribué à rédiger une ébauche du programme, dit que celui-ci a toujours été «une mesure ciblée» visant à aider un groupe qui vit dans une extrême pauvreté et qui ne pourra vraisemblablement pas retourner sur le marché du travail.
Même s'il dit comprendre les arguments de ceux qui voudraient que le programme soit étendu à tous les bénéficiaires de l'aide sociale, il juge qu'il sera difficile de le faire. Selon M. Blais, il faudrait alors mettre en œuvre un programme qui inclurait aussi les travailleurs à faible revenu.
L'actuel professeur de l'Université Laval, défend une telle réforme qui pourrait être mise en œuvre en augmentant les crédits d'impôt remboursables pour les personnes à faible revenu. Mais pour l'instant, le Programme de revenu de base est «un bon départ», dit-il.