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«On ne peut passer sous silence la concomitance parfaite entre la demande de l'employée [...] et le congédiement.»
La Fondation du Centre de prévention du suicide de Québec a congédié de manière «illégale» une employée, quelques heures après avoir dénoncé le harcèlement psychologique qu'elle subissait de la part d'un autre collègue.
C'est ce que démontre une décision du Tribunal administratif du travail (TAT) rendue le 7 octobre dernier. On conclut que le congédiement de l'employée n'était pas légal et on ordonne que la plaignante soit réintégrée dans ses fonctions dans les huit jours suivants la décision. De plus, on a ordonné à l'employeur de verser à la plaignante, à titre d’indemnité, la somme équivalente au salaire et aux autres avantages dont l’a privé le congédiement.
L'employée qui oeuvrait comme coordonnatrice des activités de communication depuis le 1er mai 2023 s'était plainte des agissements «déplacés» d'un collègue.
Ce dernier — n'étant pas son supérieur — lui a passé des remarques et autres «blagues» désobligeantes «faisant allusion à son origine ethnique», ce qui a alourdi le climat de travail «l'indisposant grandement» dans l'accomplissement de ses tâches professionnelles.
Pour remédier à la situation, la femme s'est d'abord adressée à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) pour avoir des conseils et connaître ses droits. «On lui a recommandé alors d’aborder la question de front avec le collègue et d’engager le dialogue avec lui afin que la situation se résolve», a-t-il écrit dans la décision.
Le 21 septembre 2023, l'employée en discute avec le collègue en question. Elle «est soulagée, voire libérée, après s’être livrée à cet exercice», fait-on savoir dans la décision. Lors de cette même journée, elle s'est entretenue avec la directrice générale pour lui parler des «comportements dérangeants» de son collègue. En lui parlant, elle espérait son soutien, mais la directrice est restée «plutôt de glace, ne parlant que du travail à accomplir».
En après-midi, l'employée est convoquée dans une rencontre avec le collègue et la directrice générale. On parle de la Journée mondiale de la prévention du suicide et de certains problèmes rencontrés lors de l’événement. Des questions ont été posées à la plaignante, qui ne pouvait pas répondre à tout ce qu'on lui demandait vu qu'elle n'avait pas tous les détails. Par la suite, le sujet du Marathon de Québec est abordé. L'employée indique qu'elle ignorait si elle sera en mesure d’être présente lors de cet événement pour représenter l’organisme, soulignant qu’il faudrait songer à une personne pouvant la remplacer. «Elle ne refuse cependant pas d’y participer», indique le TAT dans sa décision.
À son retour dans la salle, la directrice générale demande à la plaignante de démissionner de son emploi. «Stupéfaite, cette dernière refuse. Elle n’a aucunement l’intention de démissionner, rappelant alors que son seul problème est en lien avec le harcèlement qu’elle dit subir au travail», a-t-on poursuivi dans les faits.
Devant ce refus, la directrice générale lui dit qu'elle va préparer une lettre de congédiement. «La plaignante souhaite connaître les raisons justifiant une telle mesure inattendue, ce à quoi la directrice répond qu’elle en a plusieurs, se gardant toutefois d’en faire l’énonciation. Au moment de sortir de la rencontre, l'employée se rend compte que tous les accès au système informatique lui ont été retirés», a-t-on écrit. «Plus tard, ayant quitté les lieux, la plaignante reçoit une lettre laconique.»
Comme le prévoit la loi, la femme a porté plainte selon l’article 122 de la Loi sur les normes du travail, auprès de la CNESST, le 5 octobre 2023. L'employeur s'est défendu en exposant les nombreux manquements de l'employée. «L’employeur invoque que la plaignante était en probation et qu’il a décidé de rompre le contrat de travail, cette dernière ne satisfaisant pas aux exigences», a-t-on précisé dans la décision du TAT.
Toutefois, cet argument n'a pas suffi pour convaincre le TAT, qui a plutôt penché en faveur de l'employée. «La litanie de reproches dirigés contre l'employée est générale et très peu convaincante. Les manquements mis de l’avant sont peu détaillés et souvent non situés dans le temps. Certains d’entre eux n’ont même pas été portés à l’attention de la plaignante en temps utile», a indiqué le tribunal dans sa décision.
Le tribunal soutient qu'il y a eu bel et bien un lien entre la plainte de l'employée et le congédiement survenu quelques heures après.
«On ne peut passer sous silence la concomitance parfaite entre la demande de l'employée d’un milieu de travail exempt de harcèlement et le congédiement qui survient quelques heures après le 21 septembre 2023», a soutenu le tribunal dans sa décision.