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Toute personne ayant reçu un diagnostic d'Alzheimer devrait pouvoir signer une demande anticipée d'aide médicale à mourir.
Toute personne ayant reçu un diagnostic d'Alzheimer devrait pouvoir signer une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Telle est la principale recommandation apparaissant dans le rapport de la commission spéciale formée d’une douzaine de députés de tous les partis, qui a été déposé mercredi à l’Assemblée nationale.
Ce rapport, qui contient au total 11 recommandations adoptées à l’unanimité, relance le débat sur ce sujet délicat, d’ordre éthique, qui polarise l’opinion publique et les parlementaires depuis des années.
La balle est désormais dans le camp du ministre de la Santé, Christian Dubé, qui devra décider s’il dépose un projet de loi donnant suite aux recommandations de la commission, en indiquant dans quelle mesure il souhaite accélérer le processus pour qu’il soit adopté avant la fin du présent mandat.
Si les élus acceptent de modifier la loi actuelle, la demande anticipée pourrait en fait être formulée par toute personne majeure ayant reçu un diagnostic de maladie grave et incurable menant à l’inaptitude.
En mars, la commission, présidée par la députée caquiste Nancy Guillemette, avait reçu le mandat de se prononcer sur la pertinence de modifier la loi sur les soins de fin de vie, de manière à élargir ou non l’accès à l’aide médicale à mourir (AMM) aux personnes inaptes, qu’on pense à celles souffrant de la maladie d’Alzheimer, et celles souffrant de troubles mentaux.
« Au nom du principe de précaution », la commission ne recommande cependant pas d’élargir l’accès à la loi « aux personnes dont le seul problème médical est un trouble mental ». Dans bien des cas, quand on parle de maladie mentale, il peut être difficile « de poser le bon diagnostic », ont fait valoir plusieurs spécialistes aux membres de la commission, qui a préféré faire preuve de prudence.
En conférence de presse, Mme Guillemette a indiqué que les membres de la commission souhaitaient qu’un projet de loi soit déposé à l’Assemblée nationale « dans les meilleurs délais ».
Selon les membres de la commission, leur position est le reflet « des grandes tendances » d’opinions observées dans la société québécoise à ce sujet ces dernières années. Il existe actuellement, selon eux, un « consensus social » en faveur d’un élargissement de la loi destiné aux personnes devenues inaptes.
L’important, a fait valoir la députée péquiste Véronique Hivon, membre de la commission et considérée comme la « mère » de la loi actuelle, consiste à s’assurer que tout élargissement légal sera « extrêmement bien encadré ».
Le rôle des médecins sera déterminant pour assurer la bonne gestion des demandes anticipées. Le médecin traitant devra s’assurer du caractère libre et éclairé de la requête. Il devra aussi s’assurer que le patient comprend bien la nature du diagnostic et l’évolution attendue de sa maladie.
Le requérant pourrait même écrire sur le formulaire le stade de la maladie où il souhaite que le traitement létal lui soit administré. Il devra identifier un « tiers de confiance », chargé d’alerter les autorités médicales lorsqu’il jugera le moment venu de donner suite à ses volontés. Cette personne aura en quelque sorte la responsabilité « d’agiter le drapeau », a illustré Mme Hivon, en rappelant qu’en ce domaine des soins de fin de vie le Québec demeurait « un précurseur ».
Selon les vœux de la commission, le formulaire devrait être signé en présence de deux témoins et d’un médecin, et la procédure pourrait à l’avenir être administrée soit par un médecin, soit par une infirmière praticienne spécialisée (IPS). Il reviendra aux autorités médicales de statuer à savoir si la demande est conforme aux critères fixés et décider du moment opportun d’y donner suite.
Fruit d’un long travail de réflexion, le rapport va dans le sens de « l’évolution logique de la loi » actuelle, a fait valoir un autre membre de la commission, le député solidaire Vincent Marissal, convaincu que les changements proposés vont « mieux respecter les volontés » des personnes malades. « La population est prête » pour ces changements, selon lui.
La loi actuelle, adoptée en 2014, fixe des critères très stricts pour pouvoir réclamer d’un médecin qu’il abrège nos souffrances. Le consentement éclairé du patient, jusqu’à l’article de la mort, est au cœur du processus, sauf exception. Les personnes ayant reçu un diagnostic d’Alzheimer n’y ont donc pas accès, en aucune circonstance.
Depuis l’adoption de la loi, plus de 7000 personnes ont pu abréger leurs souffrances grâce à l’AMM au Québec, dont 2270 l’an dernier. La moyenne d’âge est de 73 ans. Trois sur quatre souffraient d’un cancer.
Actuellement, pour y avoir droit, un patient doit notamment être majeur, atteint d’une maladie grave et incurable, et affirmer éprouver des souffrances physiques ou psychiques intolérables. Surtout, pratiquement jusqu’à son dernier souffle, il doit être apte à consentir au traitement final. Depuis juin dernier, la loi a cependant été assouplie dans le sens d’autoriser un délai de 90 jours entre le consentement donné et l’administration du traitement, si le patient est devenu inapte dans l’intervalle.
Une consultation sur ce sujet délicat a été menée durant sept jours au printemps dernier et au mois d’août. Au total, 77 personnes et organismes ont été entendus et 75 mémoires ont été déposés. Des experts étaient venus exhorter les élus à élargir l’accès à la procédure, affirmant que certains grands malades renonçaient à prendre leurs médicaments, s’exposant à d’horribles souffrances, de crainte de perdre conscience et de ne plus y avoir droit le moment venu.
Au moment de l’adoption de la loi, le patient devait être « en fin de vie » pour accéder à l’AMM, mais ce critère a été éliminé en 2020, en réponse à un jugement de la Cour supérieure donnant raison à Nicole Gladu et Jean Truchon, qui éprouvaient de graves problèmes de santé sans être à l’agonie.