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Le président américain Joe Biden a carrément traité son homologue russe Vladimir Poutine de «criminel de guerre» pour le carnage en Ukraine, où des hôpitaux et des maternités ont notamment été bombardés.
Le président américain Joe Biden a carrément traité son homologue russe Vladimir Poutine de «criminel de guerre» pour le carnage en Ukraine, où des hôpitaux et des maternités ont notamment été bombardés.
Mais faire de quelqu’un un criminel de guerre n’est pas aussi simple. Il y a des processus et des définitions qui doivent être respectés pour déterminer qui en est un et la punition qui doit être infligée.
La Maison-Blanche évite d’appliquer la désignation à M. Poutine, en expliquant qu’une enquête est nécessaire. Mais après que M. Biden ait utilisé le terme mercredi, la porte-parole Jen Psaki a expliqué que le président avait «parlé avec son cœur» et a répété qu’un processus existe avant une détermination formelle.
Le président américain Joe Biden | Crédit photo - Patrick Semansky pour l'Associated Press
Mais dans le langage courant, «criminel de guerre» est devenu une description générique pour tout individu particulièrement horrible.
«Clairement Poutine est un criminel de guerre, mais le président s’exprimait d’un point de vue politique», a dit David Crane, qui se penche sur des crimes de guerre depuis des décennies et a agi comme procureur en chef du Tribunal spécial de l’ONU pour la Sierra Leone, qui a jugé l’ancien président libérien Charles Taylor.
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Les enquêtes concernant les agissements de M. Poutine ont déjà commencé. Les États-Unis et 44 autres pays collaborent pour faire la lumière sur d’éventuels crimes, après l’adoption par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies d’une résolution créant une commission d’enquête. Une autre enquête a été lancée par le Tribunal pénal international, une agence indépendante installée aux Pays-Bas.
«Nous sommes au début du commencement», a dit M. Crane, qui dirige maintenant le Global Accountability Network, qui collabore notamment avec le TPI et l’ONU. Dès le jour de l’invasion, son organisation a mis sur pied un groupe de travail pour compiler des informations criminelles en vue d’éventuelles accusations. Il croit que M. Poutine pourrait être accusé d’ici un an, mais il n’y a pas de délai de prescription.
Voici comment ça fonctionne.
La description s’applique à quiconque contrevient au droit des conflits armés, des règles qui ont été adoptées par les leaders de la planète pour encadrer le comportement des pays en temps de guerre.
Ces règles ont été modifiées et élargies au cours du dernier siècle, notamment sur la base des Conventions de Genève adoptées après la Deuxième Guerre mondiale et de protocoles ajoutés plus tard.
Véhicules et bâtiments endommagés dans le centre-ville de Kharkiv en Ukraine après des bombardements russes. | Crédit photo - Pavel Dorogoy
Les règles visent à protéger ceux qui ne participent pas aux combats et ceux qui ne peuvent plus combattre, y compris des civils comme les médecins et les infirmières, les combattants blessés et les prisonniers de guerre. Des traités et des protocoles stipulent qui peut être visé et avec quelles armes. Certaines armes sont interdites, notamment les armes chimiques et biologiques.
Les entraves les plus graves aux conventions, celles qui correspondent à des crimes de guerre, comprennent les morts intentionnelles, la destruction et l’appropriation de biens, sans que cela ne soit justifié militairement. D’autres crimes de guerre incluent de prendre des civils pour cible, l’utilisation d’une force démesurée et de boucliers humains, et la prise d’otages.
Pour les dernières nouvelles sur la guerre entre la Russie et l'Ukraine, voyez le dossier Noovo Info.
Le TPI porte aussi des accusations de crimes contre l’humanité pour des gestes commis dans le cadre d’attaques systémiques lancées contre des civils. Il est notamment question de meurtre, d’extermination, de torture, de viol et d’esclavage sexuel.
M. Poutine pourrait être accusé et reconnu coupable de crimes de guerre par le biais de la doctrine de «responsabilité du commandement», qui stipule que les commandants peuvent être tenus pour responsables s’ils ordonnent des crimes ou sont en position d’être informés de crimes, et qu’ils ne font rien pour s’y opposer.
Quatre chemins permettent habituellement d’enquêter sur des crimes de guerre, mais chacun a ses propres limites. Le premier passe par le Tribunal pénal international.
Une deuxième option serait de voir l’ONU transférer les travaux de la commission d’enquête à un tribunal hybride international de crimes de guerre pour accuser M. Poutine.
Une explosion est vue dans un immeuble d'appartements après le tir d'un char de l'armée russe à Marioupol, en Ukraine | Crédit photo - Evgeniy Maloletka
Une troisième serait de créer un tribunal pour que M. Poutine soit jugé par des nations ou des parties prenantes, comme l’OTAN, l’Union européenne et les États-Unis. Les tribunaux militaires de Nuremberg, pour juger les leaders nazis après la Deuxième Guerre mondiale, en sont un bel exemple.
Finalement, certains pays disposent de leurs propres lois pour juger les crimes de guerre. L’Allemagne, par exemple, enquête déjà sur M. Poutine.
Ce n’est pas clair. La Russie ne reconnaît pas la juridiction du Tribunal pénal international et ne lui remettrait aucun suspect. Les États-Unis ne reconnaissent pas le TPI non plus. M. Poutine pourrait être jugé dans un pays choisi par l’ONU ou par un consortium de nations concernées. Mais lui mettre la main au collet ne serait pas simple.
Oui. Des tribunaux de Nuremberg et Tokyo après la Deuxième Guerre mondiale jusqu’aux plus récents tribunaux ad hoc, des dirigeants ont été accusés pour leurs gestes dans des pays comme la Bosnie, le Cambodge et le Rwanda.
L’ancien leader yougoslave Slobodan Milosevic a été jugé par un tribunal onusien à La Haye pour son rôle dans le conflit sanglant lors de la désintégration de la Yougoslavie au début des années 1990. Il est mort en prison avant que le tribunal ait pu se prononcer. Son allié bosno-serbe Radovan Karadzic et le chef militaire bosno-serbe Ratko Mladic ont été accusés et purgent des peines de prison à vie.
Charles Taylor, du Libéria, a été condamné à 50 ans de prison après avoir été reconnu coupable d’avoir commandité des atrocités dans la Sierra Leone voisine. L’ancien dictateur tchadien Hissène Habré, qui est mort l’an dernier, était devenu le premier ancien chef d’État à être reconnu coupable de crimes contre l’humanité par un tribunal africain. Il avait été condamné à l’emprisonnement à vie.
Par Colleen Long, Mike Corder et Eric Tucker pour l'Associated Press