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Le gouvernement du Québec a lancé, lundi, un appel d’offres qui prévoit l’octroi aux agences privées de plus de huit millions d’heures de travail par année.
La dépendance aux agences privées dans le réseau de la santé n’est pas à la veille d’être réduite.
Le gouvernement du Québec a lancé, lundi, un appel d’offres qui prévoit l’octroi aux agences privées de plus de huit millions d’heures de travail par année à des employés en soins infirmiers et en assistance, soit des infirmières, infirmières cliniciennes, infirmières auxiliaires, préposés aux bénéficiaires et auxiliaires, ces fameuses employées devant alléger les tâches administratives des infirmières.
Québec vise ainsi à combler des heures de travail dans l’ensemble des régions du Québec à coup de dizaines, parfois de centaines de milliers d’heures par année selon les régions.
Les contrats qui seront octroyés aux agences sont d’une durée de six mois, mais l’appel d’offres comprend trois options de renouvellement de même durée, de sorte qu’il couvrira en fait deux ans. Un calcul sommaire sur la base de 35 heures par semaine sur 52 semaines indique que cela représente l’équivalent d’un peu plus de 4600 emplois à temps plein.
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De plus, des contrats similaires ont déjà été octroyés cet automne pour près d’un million d’heures par année à des agences pour des ergothérapeutes, physiothérapeutes, travailleurs sociaux, inhalothérapeutes et autres emplois reliés à ces professions. Dans ce dernier cas, on parle d’un total de près de 855 000 heures par année réparties dans l’ensemble des régions, là aussi pour une durée potentielle de deux ans.
Puisque, dans ce dernier cas, les contrats ont déjà été octroyés, on en connaît la valeur et celle-ci se chiffre à 60 millions $ par six mois, soit un total de 240 millions pour la durée complète de 24 mois. Sur la même base de calcul sommaire que ci-dessus, on parle ici de l’équivalent de 470 emplois à temps plein. Du côté des soins infirmiers, comme les contrats ne sont pas encore octroyés, on n’en connaît pas la valeur, mais puisque les besoins tels que chiffrés sont similaires à l’an dernier, on peut s’attendre à plus de 750 millions $, le total de l'an dernier, tous postes confondus, ayant atteint 875 millions $.
Ces contrats surviennent alors que le ministre de la Santé, Christian Dubé, répète sur tous les tons depuis des mois qu’il cherche à s’affranchir des agences. Mardi, en entrevue au Journal de Montréal, il affirmait même qu’il se penchait sur un projet de loi pour encadrer le recours aux agences, projet de loi qui pourrait être déposé dès la prochaine session parlementaire en janvier.
L’idée d’un projet de loi pour encadrer une pratique pourtant déjà encadrée par des obligations contractuelles laisse la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) perplexe. En entrevue avec La Presse Canadienne, sa vice-présidente, Françoise Ramel, peine à suivre le discours du ministre: «C'est sûr qu'on est surpris parce qu'il parle des deux côtés de la bouche. D'un côté il parle de faire un projet de loi contre la main-d’œuvre indépendante, puis de l'autre côté, il fait un appel d'offres avec tellement d'heures.»
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La crise dans l’ensemble des établissements de santé du Québec, qui manquent tous de personnel, ne lui laisse guère le choix, reconnaît-elle sans peine: «On est conscient aussi qu'on ne peut pas éradiquer l'appel à la main-d'œuvre indépendante du jour au lendemain comme ça. Il faut que ce soit progressif.»
«C'est sûr que c'est une dépendance du réseau qui est énorme. On a vraiment besoin actuellement de ce personnel, mais où est ce qu'ils vont le trouver?», s’interroge Françoise Ramel. Cependant, elle se réjouit des termes de l’appel d’offres qui vient obliger les employés des agences à effectuer du temps supplémentaire obligatoire lorsque les établissements le leur demandent.
Aussi, les agences se voient interdites d’embaucher une employée qui a quitté le réseau depuis moins d’un an: «Ce qu'il y a aussi de bien dans cet appel d'offres, c'est qu'il a mieux cadré le temps supplémentaire obligatoire pour les agences et mieux cadré le délai avant de réembaucher une personne qui part dans le réseau. Ça pourrait aider à freiner l'hémorragie du personnel. Sauf qu’on ne fera pas revenir le personnel comme ça s’il n’y a pas de meilleures conditions de travail, d'attraction et de rétention de personnel qui sont mises en place.»
Il est évident que ces embauches de personnel d’agences privées, qui sont loin de diminuer, risquent d’être au cœur d’une négociation qui s’annonce ardue, les positions de Québec et des syndicats étant très loin les unes des autres.
Personnel non infirmier: Montérégie en tête
L’octroi des contrats de l’automne dernier pour le personnel non infirmier (ergothérapeutes, physiothérapeutes, travailleurs sociaux) démontre où les pénuries de personnel sont les plus graves et contient ainsi quelques surprises. Ce n’est pas Montréal, qui se classe deuxième avec l’obtention de plus de 178 000 heures de travail d’agences (sur un an, comme tous les chiffres qui suivent), qui remporte la palme, mais bien la Montérégie avec plus de 280 600 heures.
En région: Abitibi et Mauricie en pénurie
Dans les régions, la ventilation de ces contrats montre que l’Abitibi-Témiscamingue présente les besoins les plus criants et de loin, se classant troisième derrière Montréal avec un octroi de 92 000 heures, malgré une population restreinte. Vient ensuite la Mauricie-Centre-du-Québec, où les agences privées obtiennent près de 72 000 heures de travail et Lanaudière, avec plus de 67 000 heures.
L'Outaouais et l'Estrie en bonne posture
À l’inverse, les contrats indiquent que les besoins semblent minimes en Outaouais (680 heures octroyées sur un an) et en Estrie (879 heures) et tout de même fort modestes dans les régions de Laval (8308 heures), des Laurentides (8523 heures) et de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine (9500).
Fait à noter, la pénurie semble extrêmement sévère du côté des travailleurs sociaux et techniciens en travail social qui accaparent dans plusieurs régions près de la moitié et parfois plus que la moitié des heures octroyées aux agences privées.
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Dans le cas de l’appel d’offres visant les soins infirmiers et d’assistance, qui est toujours en soumission et pour lequel, de ce fait, moins de détails sont connus, La Presse Canadienne a relevé les besoins les plus criants, soit au-delà de 100 000 heures par année.
Montréal: des besoins majeurs
Ainsi, sans surprise, on constate qu’à Montréal, les CIUSSS du Centre-Sud et du Nord de l’île ont besoin à eux deux de 405 000 heures pour des infirmières, de 480 000 heures de préposés. Lorsqu’on ajoute le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île, on voit des besoins de plus de 780 000 heures d’auxiliaires, ces fameuses aides devant alléger la tâche administrative des infirmières.
Montérégie, Laurentides et Côte-Nord en difficulté
La Montérégie demeure championne côté préposés aux bénéficiaires avec un besoin de 738 800 heures dans le seul CISSS de la Montérégie-Ouest. Le CISSS de la Montérégie-Centre, lui, a des besoins d’infirmières pour 120 000 heures. Le CISSS des Laurentides, pour sa part, veut combler près de 560 000 heures de préposés et plus de 236 000 heures d’infirmières et la Côte-Nord offre 322 000 heures à des préposés.
Besoins importants à Québec, dans le Bas-Saint-Laurent et à Laval
La Capitale-Nationale, de son coté, offre 200 000 heures pour des préposés et 100 000 heures pour des auxiliaires. Le Bas-Saint-Laurent a des besoins pour 190 000 heures d’infirmières et 175 000 heures de préposés. Enfin Laval offre un peu plus de 125 000 heures à des infirmières.