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Les amendes pour déversement illégal pourraient atteindre un million de dollars pour un particulier et 6 millions $ pour une entreprise.
Le gouvernement du Québec affirme avoir un «plan d’action» pour lutter contre les déversements illégaux de sols contaminés dans une communauté mohawk à l’ouest de Montréal, mais les résidants de Kanesatake et de la ville voisine d’Oka affirment qu’ils n’ont pas encore vu de signes de solution permanente.
Des représentants du gouvernement sont de retour dans la région cette semaine, aux côtés de la Sûreté du Québec (SQ), pour recueillir des échantillons de sol des camions en route vers Kanesatake. Cette opération survient à la suite d'une opération menée la semaine dernière pour inspecter des sites et recueillir des échantillons le long des rives du lac des Deux Montagnes, où des camions ont déversé des sols potentiellement contaminés provenant de chantiers de construction autour de Montréal.
Frédéric Fournier, porte-parole du ministère de l’Environnement, affirme que d’autres inspections pourraient être menées à l’avenir et qu’«aucun recours n’est exclu» dans le cadre des efforts du gouvernement pour réduire les déversements illégaux à Kanesatake.
Un membre de la communauté mohawk utilisant le pseudonyme Pink, qui a requis l’anonymat par crainte de représailles pour avoir dénoncé la situation, affirme que le gouvernement ne fait que «suivre le mouvement» et doute que quoi que ce soit change. «Je suis très cynique quand il s’agit de tout ce qui est performatif, parce que je ne leur fais pas confiance», a déclaré Pink, en entrevue.
Le déversement illégal de déchets est un fléau à Kanesatake depuis des années, et certains résidants disent que ce n’est qu’un symptôme d’une culture d’anarchie qui imprègne la communauté. Ils veulent que les gouvernements fédéral et provincial aident à restaurer un sentiment de sécurité à Kanesatake, qui, selon eux, est aux prises avec le crime organisé.
«Nous sommes littéralement pris en otage par ces gens qui ne font que ruiner la communauté, a soutenu Pink. Si c’était une autre communauté n’importe où au Canada, cela ne serait pas autorisé.»
Le service de police local de Kanesatake a été dissous en 2004, lorsque des conflits internes ont dégénéré en violence. La SQ patrouille dans le secteur depuis 2005, mais entre rarement dans la communauté, qui a été le théâtre de la crise d’Oka en 1990, une confrontation de 78 jours sur les droits fonciers entre des manifestants mohawks et les Forces armées canadiennes.
Des résidants se mobilisent
Un groupe de résidants d’Oka se dit prêt à prendre les choses en main si le déversement illégal continue. Dimanche, Oka/Kanesatake ReconciliAction organisera une séance de formation à la désobéissance civile pour apprendre aux résidants comment mettre en place des barrages routiers pour empêcher les camions non autorisés d’entrer sur le territoire mohawk.
Leur objectif est de faire pression sur le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, pour qu’il élabore un plan permanent pour empêcher les camions chargés de déchets d’être transportés vers des décharges illégales dans la communauté.
Le groupe a recruté une organisatrice de campagne populaire pour apprendre aux citoyens comment effectuer des contrôles routiers et désamorcer les situations instables. L’organisatrice Julie Tremblay-Cloutier a déclaré qu’environ 55 personnes s’étaient inscrites en date de jeudi, principalement d’Oka, et certaines de Kanesatake.
Il n’y a cependant pas de plan immédiat pour commencer à bloquer l’entrée des camions à Kanesatake. «Nous espérons vraiment que la manifestation de dimanche sera suffisante pour le ministre Bonnardel, car c’est lui qui a actuellement les clés pour faire quelque chose à ce sujet», a-t-elle déclaré.
Pink et Optimum, un autre membre de la communauté mohawk qui a requis l’anonymat par crainte de représailles, ont tous deux déclaré qu’ils appréciaient le soutien du groupe, mais qu’ils craignaient que les membres ne puissent réellement arrêter les camions en toute sécurité. Ils ont indiqué que le crime organisé est profondément ancré dans la communauté, ce qui a créé un climat de peur dans lequel les gens craignent de s’exprimer.
«Les risques sont grands, a dit Optimum. Et j’espère qu’ils se rendent compte à quel point il est risqué pour eux de faire cela.»
Le grand chef du Conseil mohawk de Kanesatake, Victor Bonspille, a approuvé l’événement de dimanche, affirmant qu’il espère qu’il renforcera les relations entre Kanesatake et les municipalités environnantes.
«Lorsqu’il s’agit de protéger l’environnement, la qualité de l’air, les cours d’eau et les espèces en péril, je vais toujours soutenir cette initiative», a-t-il expliqué.
M. Bonspille a déclaré que la circulation de camions dans le secteur a considérablement diminué après une vague d’attention médiatique au cours des derniers mois.
Une enquête indépendante demandée
M. Fournier a précisé que les échantillons prélevés la semaine dernière à Kanesatake sont en cours d’analyse. Le gouvernement affirme que la pollution dans la région pourrait affecter l’habitat des poissons et il espère identifier les responsables et prendre des mesures contre eux. Les amendes pour déversement illégal pourraient atteindre 1 million $ pour un particulier et 6 millions $ pour une entreprise.
Pink et Optimum demandent cependant une enquête indépendante sur le déversement illégal et l’influence plus large du crime organisé dans la communauté.
Des résidants ont commencé à s’inquiéter de déversements illégaux à Kanesatake après que le gouvernement du Québec a accordé un permis en 2015 aux frères Gary et Robert Gabriel pour exploiter un centre de recyclage industriel sur le territoire. La province a révoqué le permis et ordonné la fermeture du site en 2020, après que des inspections ont révélé que le volume de déchets dépassait largement la limite autorisée et qu’une eau noire et contaminée s’écoulait dans l’environnement. Des reportages ont révélé que l’activité sur le site s’est poursuivie même après cela.
La fermeture de G&R n’a pas arrêté le flux de camions vers d’autres sites de décharge à Kanesatake. Optimum a déclaré que certains de ces sites existaient à côté de G&R, et que d’autres ont surgi depuis sa fermeture. Les membres de la communauté acceptent le déversement de déchets sur leurs terres en raison de la pauvreté, a dit Optimum. «Nous devons gagner de l’argent. Nous devons gagner notre vie. C’est donc de l’argent facile.»
Pink et Optimum souhaitent obtenir le soutien de tous les niveaux de gouvernement pour améliorer la sécurité à Kanesatake. «Nous faisons tous partie d’une même communauté, mais nous n’agissons plus comme une communauté, a soutenu Pink. Et ce que nous voulons, c’est la sécurité et la paix.»