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Déjà une conséquence de la loi 96: des couples changent leurs plans parce qu'ils veulent leur certificat de mariage en anglais.
En date de la semaine dernière, Québec a commencé à n’émettre que des certificats de mariage en Français, selon ce que montre une lettre envoyée à des célébrants de la province.
Cet article est une traduction du contenu de CTV News.
Ce changement, le plus récent provoqué par la nouvelle loi 96, est aussi une des premières conséquences concrètes de la réforme sur la langue — le genre de changement qui demeurait plutôt incompris du public, même si le projet de loi a été adopté le 24 mai dernier.
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Appliquée le 1er juin, cette règle sur les mariages mène déjà quelques couples à changer le lieu de leur mariage, puisqu’ils veulent leur certificat en anglais, rapporte un planificateur de mariage.
«Certains ont décidé de se marier en voyage», dit la planificatrice montréalaise d’événements Jaime Korey.
D’autres, selon elle, ont simplement décidé de se marier dans une autre province. Parmi ses clients, cette autre province, c’est «principalement l’Ontario», évalue Korey, incluant la petite ville de Hawkesbury, environ à une heure de route à l’Ouest de Montréal et juste de l’autre côté de la rivière des Outaouais.
«Il y a beaucoup de lieux de célébration à Hawkesbury et lieux à Ottawa, non loin», rappelle-t-elle.
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À Ottawa, CTV News n’a pas reçu de réponses aux demandes d’entrevue mais, Sonia Girard, qui gère les demandes civiles à la Ville de Hawkesbury, rapporte à CTV News qu’elle observe une hausse récente.
«Oui, j’ai remarqué que quelques couples anglophones du Québec sont venus me voir récemment pour obtenir leur licence de mariage», écrit Girard dans un courriel.
Une proportion de 90 % des clients de Jaime Korey sont bilingues et ne sont pas affectés par la situation, calcule-t-elle. Divers autres ajustements ont un impact sur la planification de mariage à l’heure actuelle, incluant le fait d’avoir à contourner la COVID-19, ce qui peut donc pousser les gens à changer leur plan.
Mais, pour 10 % des clients de Korey, la langue d’émission du certificat de mariage a de l’importance.
«(Pour eux, ça) concerne simplement le fait que nous sommes dans une province bilingue et dans un pays anglais», explique-t-elle. Les raisons sont «sentimentales, politiques et ont un lien avec les valeurs», dit-elle. «Ils veulent leur certificat de mariage dans leur langue d’usage.
Korey savait ce qui se tramait, mais la nouvelle n’a pas été tant ébruitée. Les célébrants québécois ont reçu une lettre du Directeur de l’état civil, le 1er juin dernier, qui les informaient du changement.
Avec l’adoption de la loi 96, quelques éléments du Code civil ont changé, dit dans cette missive Nicolas Normandin, chef de service du Directeur de l’état civil. «Bien qu’il soit encore possible de remplir un formulaire de Déclaration de mariage ou d’union civile en anglais, tout certificat de mariage ou d’union civile est rédigé en français, a-t-il écrit à CTV News.
Ainsi, les certificats et les copies d’actes reliés aux mariages et aux unions civiles enregistrés au registre en date du 1er juin 2022 sont émis en français.»
Crédit: CTV News
La formulation de cet échange ne clarifie pas entièrement la situation. Un célébrant anglophone a indiqué à CTV News que, selon sa compréhension des choses, tous les formulaires — incluant la déclaration de mariage — ne seront disponibles qu’en anglais, mais les demandeurs pourront remplir les champs en français. Le certificat envoyé par la poste après chaque mariage sera en français.
À la question de la clarification de certains aspects de la nouvelle règle, l’État civil a demandé à CTV News de contacter le ministère de la Justice, dépositaire du projet de loi. Au moment d’écrire ces lignes, le ministère de la Justice n’avait pas répondu à la demande.
Pour les Québécois qui espèrent que leur certificat de mariage soit transférable à l’extérieur de la province, la nouvelle règle s’avère au moins un obstacle supplémentaire.
Un porte-parole du Département d’État américain, qui gère les demandes de visa aux États-Unis, a montré à CTV News les instructions pour faire sa demande, étape par étape. Ces instructions indiquent que les documents fournis dans une autre langue que l’anglais doivent être traduits par un professionnel.
Cela signifie que les gens qui, par exemple, se marient au Québec, puis trouvent un emploi aux États-Unis et amènent leur époux ou épouse pour y vivre et travailler également ont besoin d’un certificat de mariage traduit.
Les Canadiens ne sont pas les seuls qui auront à suivre cette étape supplémentaire, constate Elyna Kudish, une autre planificatrice de mariages à Montréal.
« Tous nos clients sont Américains ou presque », dit-elle, et leur destination de mariage est Montréal.
« Je ne peux pas parler au nom de mes collègues, mais, pour ma part, 75 % de mes affaires proviennent de New York, de Washington, de Boston et de Los Angeles. »
Les Montréalais ne réalisent peut-être pas que leur ville est attrayante en tant que destination de mariage, mais, pour « beaucoup d’Américains, c’est plus près que l’Europe et plus facile — le dollar américain a plus de valeur ici », note Kudish.
« Nous sommes connus pour notre nourriture extraordinaire, nos excellents DJs et notre incroyable ambiance de fête, énumère-t-elle. Les gens en font leur week-end. »
Kudish elle-même est allophone et parle également couramment le français et l’anglais, mais, la plupart sont anglophones, dit-elle, parce que plusieurs Québécois francophones ne se marient plus à la suite des changements culturels de la Révolution tranquille.
Elle se dit également inquiète des effets économiques du changement, puisque « le Québec transpire et respire le tourisme », et d’avoir à forcer des anglophones à remplir et signer des documents écrit en français, sans traduction possible.
« Si je me mariais dans un pays étranger et que je devais signer quelque chose dans une langue que je ne peux pas parler… Comment peuvent-ils savoir ce qu’ils signent? » demande-t-elle.
Une question importante qui n’a pas été clarifiée est de savoir si la loi 96 forcera l’émission de certificats de naissance et de décès en français seulement à partir de maintenant.
Dans la lettre de Nicolas Normandin, il est indiqué que trois articles du Code civil du Québec ont été modifiés: le 108, le 109 et le 140. Les articles à jour n’ont pas encore été publiés en ligne.
L’article 108 concerne spécifiquement la langue d’enregistrement des naissances, des mariages, des unions civiles et des décès au Québec, qui pouvait être écrit en français ou en anglais.
L’article donne les détails sur comment gérer la transcription de documents officiels dans une langue étrangère, avec des caractères spéciaux ou des signes diacritiques.
L’article 140, pendant ce temps, parle du besoin de traduction de documents officiels qui proviennent de l’extérieur du Québec. Des traductions ne sont pas requises pour les documents étrangers en anglais ou en français.
Le ministère de la Justice et l’État civil n’ont pas répondu aux questions de CTV News à savoir si les changements prescrits par la loi 96 s’étendront aux naissances et aux décès, et non seulement aux mariages et aux unions civiles.