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La réforme prévoit que les hausses de tarifs annuelles seront fixées à l'avance, plutôt qu'en fonction de l'inflation.
La hausse des tarifs d'électricité sera plafonnée à 3 % jusqu'après les élections de 2026, prévoit la réforme sur l'énergie déposée jeudi par le ministre Pierre Fitzgibbon.
Le projet de loi 69 ouvre la porte à une tarification modulée et prévoit un «fonds d'aide à la clientèle domestique d'Hydro-Québec», visant en fait à compenser la société d'État pour les pertes de revenus induites par le plafonnement à 3 %.
Il n'y aura «pas de hausse faramineuse» après 2026 ou de «choc tarifaire», a tenu à dire en conférence de presse le ministre de l'Énergie, pour tenter de rassurer les clients résidentiels et les entreprises.
Selon les modélisations, le fonds pourrait être doté de 100 à 300 millions $, mais pas avant 2028, soutient le ministre.
C'est la troisième tentative législative de la Coalition avenir Québec (CAQ) pour contrôler la tarification de l'électricité depuis 2019.
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En outre, selon le texte soumis, la Régie de l'énergie devra, à compter d'avril 2026, fixer «un ou plusieurs tarifs» de manière à «favoriser la diminution de la consommation d'électricité en période de pointe», c'est-à-dire permettre à Hydro de facturer plus cher son électricité aux heures de grande consommation, tant aux clients résidentiels qu'aux clients commerciaux.
«L'article (de loi) vise à forcer le débat, dans le fond, devant la Régie», a plaidé l'ancien sous-ministre du ministère l'Énergie, David Bahan, au côté du ministre.
«Donc, on va favoriser la modulation, puis on va voir ce qui va se passer dans le futur, puis on réagira au besoin», a ajouté M. Fitzgibbon.
«Est-ce que la tarification modulaire pourrait être utilisée comme une façon d'augmenter finalement les tarifs d'électricité ou pas?» a demandé le député péquiste Pascal Paradis en point de presse.
Québec solidaire est «très heureux» d'avoir un débat sur la tarification dynamique, a dit le député Haroun Bouazzi.
«Il y a des inégalités dans l'accès à l'énergie», a-t-il argué.
«Il y a des personnes qui vivent dans des passoires énergétiques: les 20 degrés dont ils ont besoin à la maison leur coûtent plus cher que d'autres. De l'autre côté, il y a d'autres besoins qui sont moins importants que de chauffer l'hiver: chauffer un bain tourbillon en plein hiver ou chauffer une piscine.»
Le projet de loi stipule également que la Régie de l'énergie devra tenir compte des préoccupations que pourrait lui communiquer le gouvernement.
Les futures hausses de tarifs annuelles seraient fixées à l'avance par la Régie de l'énergie, plutôt qu'en fonction du taux d'inflation comme le prévoyait une autre loi pourtant adoptée par la CAQ.
Également, le texte législatif prévoit que l'examen des tarifs résidentiels, commerciaux et industriels serait triennal, plutôt qu'aux cinq ans actuellement.
Sans mettre fin au monopole d'Hydro-Québec, le projet de loi ouvre néanmoins la porte à davantage de production privée, mais aussi l'alimentation de clients par un producteur privé.
Ainsi, Hydro-Québec pourrait céder à des producteurs privés des barrages d'une puissance allant jusqu'à 100 mégawatts, alors que le plafond est de 50 actuellement. De même, un producteur pourra construire une centrale pouvant produire jusqu'à 100 mégawatts.
En outre, un distributeur privé d'électricité serait tenu de distribuer de l'électricité à toute personne qui le demande sur le territoire où il exerce son droit, mais devrait prouver qu'il a la capacité technique pour effectuer le raccordement.
Le gouvernement Legault souhaite par le projet de loi 69 modifier l'encadrement du secteur énergétique, notamment afin de répondre à la hausse de la demande exigée pour l'important défi de la décarbonation de l'économie du Québec d'ici à 2050: il faudra ainsi produire entre 150 et 200 TWh additionnels pour y arriver.
Le gouvernement veut que le Québec soit le premier État carboneutre en Amérique du Nord, a rappelé le ministre.
«Nos processus sont beaucoup trop lents, a affirmé M. Fitzgibbon. On n'était pas prêts (à la hausse de la demande), on aurait pu réagir plus vite.»
Hydro-Québec ne serait plus contrainte à procéder par appel d'offres pour ses contrats d'approvisionnement en électricité.
Le projet de loi édicte que le ministre devra déposer un plan de gestion intégré des ressources sur 25 ans.
«Ça définit notre vision d'ensemble pour le secteur de l'énergie» et il «fixe tant nos cibles climatiques que nos cibles économiques».
Le projet de loi fera l'objet de consultations cet automne et le ministre n'a pas voulu imposer d'échéancier serré pour son adoption.
Dans un communiqué, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a salué la réhabilitation de la Régie de l'énergie dans le processus de fixation des tarifs, mais a exprimé son inquiétude sur le «choc tarifaire qui attend les PME».
La Fédération des chambres de commerce du Québec redoute également que les entreprises soient les seules à assumer les coûts.
Rappelons qu'en 2019, la CAQ avait d'abord adopté une loi qui fixait la hausse des tarifs en fonction de l'inflation en invalidant le rôle de la Régie de l'énergie.
Puis, en 2022, après l'explosion de l'indice des prix à la consommation durant la pandémie, le gouvernement caquiste a dû revenir à la charge avec une nouvelle loi, pour que l'augmentation soit fixée en fonction du taux le plus bas entre l'inflation et «le taux supérieur de la fourchette de maîtrise de l'inflation de la Banque du Canada». Ce taux n'avait pas dépassé 3 % depuis plus de 20 ans.
Le projet de loi 69 constitue donc une troisième tentative de la CAQ pour modifier les mécanismes de tarification de l'électricité en cinq ans.