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Un nouveau programme voit le jour pour enseigner le brossage de dents à l'école et dans les garderies
En plus d'apprendre aux enfants à compter, lire et écrire, les professeurs devront aussi leur montrer à se brosser les dents. Québec compte sur le personnel-école pour améliorer la santé dentaire des jeunes en lançant un nouveau programme controversé alors qu'il peine à trouver un enseignant pour chaque classe.
Le gouvernement Legault souhaite que les élèves puissent apprendre à se brosser les dents à l’école, chaque jour, sous la supervision d’une ou d’un responsable selon des informations rapportées par le Journal de Montréal. Même chose pour nos petits en service de garde éducatif à l’enfance. Les premiers tests commenceront cette année dans plusieurs régions du Québec, dont les Laurentides et la Capitale-Nationale.
En entrevue avec Noovo Info, Line Camerlain, vice-présidente de la Centrale des syndicats du Québec, estime qu’il s’agit «d’une mission impossible».
«Ce n’est pas juste de leur montrer à adopter de bonnes habitudes de vie en matière d’hygiène bucco-dentaire, ce qu’on demande aux enseignantes et aux éducatrices c’est de superviser tous les jours le brossage de dents pour chaque enfant de l’école», précise Mme Camerlain.
Voici un extrait du Programme québécois de brossage supervisé des dents avec un dentifrice fluoré en service de garde éducatif et à l’enfance et à l'école :
«Le programme de brossage des dents avec un dentifrice fluoré en service de garde éducatif à l’enfance et à l’école primaire exige, en tout temps, la supervision de l’activité par un adulte pour assurer le bon déroulement de l’activité notamment l’utilisation de la bonne quantité de dentifrice fluoré en fonction de l’âge de l’enfant.»
Les recommandations demandent également que l’éducatrice ou l’enseignante s’assure que les jeunes se lavent les mains avant et après le brossage des dents. L'opération se fera deux par deux au même lavabo. L'adulte devra également s'assurer qu'il n'y ait aucun contact entre les brosses à dents des enfants. Il faudrait compter environ 20 minutes pour effectuer cette mécanique dans une classe de maternelle.
«Ça va beaucoup trop loin dans notre responsabilité», estime Line Camerlain.
«Tu peux avoir une hygiéniste qui vient en classe, qui montre les bonnes techniques aux enfants. Tu peux organiser une activité d’apprentissage en lien avec les bonnes habitudes bucco-dentaires. Je ne suis pas contre. C’est bon d’adopter de bonnes habitudes et d’encourager les jeunes à bien se brosser les dents», ajoute Line Camerlain.
Voyez l'intervention de notre collaboratrice Geneviève Pettersen au bulletin Noovo Le Fil 17 animé par Marie-Christine Bergeron :
La vice-présidente de la CSQ estime que le programme du gouvernement du Québec n'est pas la solution.
«La pression va augmenter dans les milieux parce qu’il va falloir atteindre des cibles, un certain nombre d’écoles ou de classes ou d’élèves au fil des années. Les cibles sont floues actuellement», croit-elle.
Mme Camerlain n'en revient pas qu'un tel programme ait vu le jour sans consulter le personnel enseignant et les éducatrices de services de garde.
Le Programme québécois de brossage supervisé des dents avec un dentifrice fluoré en service de garde éducatif et à l’enfance est dans les cartons du ministère de la Santé depuis quelques années, mais son déploiement a été ralenti par la pandémie de la COVID-19.
Le plan de Québec est de prévoir deux minutes à l’horaire des petits de la maternelle pour un brossage supervisé des dents dans la classe ainsi qu’au service de garde pour les jeunes de la première année à la sixième année du primaire.
Dans les services de garde, il est recommandé de donner la priorité aux CPE et aux garderies subventionnées, peut-on lire dans le document du Programme québécois de brossage supervisé des dents avec un dentifrice fluoré en service de garde éducatif et à l’enfance.
L’implantation du programme s’amorcerait dès 2022-2023 pour les milieux scolaires de certaines régions, dont les Laurentides et la Capitale-Nationale, le tout «sur une base graduelle et volontaire» selon une lettre du CIUSSS transmis aux écoles de la région de Québec dont le Journal de Montréal a obtenu copie.
L’objectif est qu’il soit offert dans 65 % des établissements dès 2025. Le programme pourrait réduire la carie dentaire d’environ 40 % chez les enfants.
Selon des données publiées sur le site de l'Observatoire des tout petits en 2020, moins du quart des enfants de 0-5 ans (24,2 %) ont consulté un dentiste, ce qui représente par ailleurs une diminution des consultations pour le même groupe d’âge comparativement aux années antérieures (soit 30,6 % en 2016 et 28,3 % en 2006).
On peut y lire également que «les caries chez les jeunes enfants sont considérées comme étant plus risquées que chez l’adulte puisqu’elles progressent plus vite. Elles peuvent causer une douleur intense, nuire à l’alimentation et au sommeil des tout-petits et, par conséquent, aussi risquer de nuire à leur croissance.»
Réaction des enseignants
La Fédération autonome de l'enseignement (FAE) critique fortement la mise en place dès aujourd'hui de ce programme. Le syndicat estime qu'il est complètement déconnecté de la réalité du terrain et croit que demander, entre autres, aux enseignantes et enseignants du primaire de superviser le brossage de dents de leurs élèves ne relève pas de leur responsabilité.
« L'école n'est pas un fourre-tout! Bien sûr que, dans l'absolu, les enseignantes et enseignants souhaitent que leurs élèves adoptent de saines habitudes de vie, donc, par exemple, qu'ils se brossent les dents régulièrement afin d'éviter les caries. Les profs souhaitent aussi que leurs élèves aient une bonne vue pour lire, des os solides et des muscles en santé pour bien bouger, qu'ils mangent des repas équilibrés, qu'ils sachent réagir en cas d'urgence, etc. La question n'est pas là. La mission de l'école, et par ricochet des enseignantes et enseignants, est d'instruire, de socialiser et de qualifier. Est-ce l'utilisation la plus optimale et adéquate du temps et de l'expertise des enseignantes et enseignants, notamment en période de pénurie de personnel, que de leur demander de superviser le brossage de dents de leurs élèves? Poser la question, c'est y répondre! », déclare Mélanie Hubert, présidente de la FAE.
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