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Le gouvernement Legault a confirmé vendredi matin qu’il portera en appel la décision du juge Yergeau d’interdire les interceptions policières aléatoires sur la route.
Le gouvernement Legault a confirmé vendredi matin qu’il fera appel de la décision du juge Yergeau d’interdire les interceptions policières sans motif sur la route.
Lors d’une conférence de presse, le ministre de la Sécurité publique François Bonnardel a soutenu qu’il laissera «les procureurs dévoiler leurs argumentaires pour les procédures à venir». M. Bonnardel a ajouté «être très sensible et concerné par le dossier».
Dans sa décision rendue fin octobre, le juge Yergeau, de la Cour supérieure du Québec, a complètement renversé une jurisprudence établie il y a un peu plus de 30 ans par la Cour suprême, l'arrêt Ladouceur, qui permettait l'interception sans motif réel pour des raisons de sécurité routière. Il a soutenu qu'avec le temps, ce pouvoir arbitraire reconnu aux policiers «est devenu pour certains d'entre eux un vecteur, voire un sauf-conduit de profilage racial à l'encontre de la communauté noire».
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«On considère injustifié d’abolir un outil aussi important pour les corps de police, à savoir l’article 636 du Code de la sécurité routière. On considère aussi qu’il y a de meilleurs moyens de l’utiliser», a précisé le ministre Bonnardel.
Le ministre a fait valoir que les services de police avaient besoin de cet outil de travail pour vérifier par exemple la validité des permis de conduire et les cas d'alcool au volant.
Le ministre @fbonnardelCAQ annonce que Québec va en appel de la décision sur le profilage racial lors d’interceptions policières aléatoires. @NoovoInfo pic.twitter.com/6CORiXBslY
— Véronique Dubé (@verodubetele) November 25, 2022
M. Bonnardel a également annoncé la mise en place de nouvelles mesures afin de lutter contre de «possibles situations» de profilage racial des services de police à travers la province.
Des directives supplémentaires seront ajoutées dans l'actuelle loi sur la police pour que le travail des autorités policières se fasse «en absence de discrimination basée sur la race» et pour «moderniser et rendre plus accessible les processus en matière de déontologie policière.»
«Nous allons encourager financièrement les corps de police pour encourager le développement, et l'expérimentation de pratique exemplaire et innovante qui permettront de mieux lutter contre des situations de profilage racial», a ajouté le ministre.
Une tournée sera entreprise «dans les prochains jours afin de consulter les acteurs concernés par le profilage racial», a précisé le ministre responsable de la Lutte contre le racisme Christopher Skeete, également présent lors de l'annonce.
Le ministre Bonnardel a aussi rappelé d'autres initiatives qui avaient déjà été prises auparavant, comme l'ajout de 45 heures au programme de Techniques policières touchant la formation lors des interventions auprès des populations issues des communautés culturelles, ethniques et autochtones.
Chez l'opposition, Québec solidaire condamne la décision du gouvernement de porter en appel le jugement sur les interpellations aléatoires sans motif raisonnable. Le député de Laurier-Dorion, responsable en matière de Sécurité publique et de Lutte au racisme, Andrés Fontecilla, avait fait une sortie publique au début de novembre demandant au premier ministre du Québec, François Legault, de ne pas faire appel de la décision du juge Yergeau.
« C'est une immense claque au visage pour toutes les personnes racisées, en particulier pour les communautés noires du Québec. En maintenant l'article 636 qui permet les interpellations aléatoires sans motif raisonnable par les services policiers, la CAQ vient d'admettre que le profilage racial est acceptable au Québec. C'est une honte. La dernière chose dont le Québec a besoin en ce moment c'est d'un gouvernement qui pose des gestes qui nuisent à l'inclusion et à la cohésion nationale », déclare Andrés Fontecilla.
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M Fontecilla affirme qu'avec cette décision, le gouvernement va à l'encontre des recommandations de son propre Groupe d'action contre le racisme, qui proposait dans son rapport final en 2020 d'interdire les interpellations policières aléatoires.
« Si le gouvernement veut mettre fin au profilage racial, la meilleure façon d'y arriver est de ne pas porter en appel le jugement qui y met fin! J'interpelle personnellement François Bonnardel : il n'est pas trop tard pour faire la bonne chose », ajoute Andrés Fontecilla.
La décision du gouvernement du Québec est aussi déplorée par la Ligue des droits et libertés (LDL) et la Ligue des droits et libertés – section de Québec (LDL-QC) qui estiment que Québec «aurait pu et dû, en tant que législateur, abroger l’article 636 du CSR il y a déjà bien longtemps.»
«Alors que le gouvernement Legault refuse toujours de reconnaitre le caractère systémique du profilage racial et du racisme au Québec, les droits et libertés de milliers de personnes noires, racisées et autochtones continuent d’être bafoués par les corps policiers au Québec, sur les routes et dans l’espace public», peut-on lire dans un communiqué envoyés aux médias.
«La LDL déplore vivement que le gouvernement porte en appel cette décision si importante dans la lutte au profilage racial. C’est un rendez-vous manqué, alors que tant d’efforts de la société civile sont déployés pour mettre fin au profilage racial, pour intervenir contre le racisme systémique et rendre notre société inclusive et respectueuse des droits», ajoute Lynda Khelil, porte-parole de la Ligue des droits et libertés.
«Le gouvernement Legault vient de considérablement ralentir la marche des personnes noires et racisées vers l’égalité de traitement et de nuire au plein exercice de leurs droits. En termes d’antiracisme, le gouvernement Legault est le contraire d’un allié!», renchérit Maxim Fortin, porte-parole de la Ligue des droits et libertés – Section de Québec.
Par ailleurs, dans un communiqué envoyé aux médias, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a fait savoir qu'elle analysera attentivement le contenu de la requête en appel déposée par le gouvernement du Québec «afin d'évaluer quelle implication elle pourrait avoir dans la poursuite du dossier».
Sans vouloir émettre d'autres commentaires, la CDPDJ souligne qu'elle maintient «que le jugement de la Cour supérieure rendu le 25 octobre 2022 sous la plume du juge Yergeau, qui déclare inopérante la règle de common law établie par l'arrêt Ladouceur et l'article 636 du Code de la sécurité routière, allait dans le sens de plusieurs recommandations phares formulées par la Commission dans le passé en vue de lutter contre le profilage racial.»
Avec des informations de la Presse canadienne