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Avez-vous entendu ce bruit récemment en marchant dans les rues de Montréal? Si oui, prenez garde, un véhicule recule à proximité de vous!
Pscht-Pscht-Pscht. Avez-vous entendu ce bruit récemment en marchant dans les rues de Montréal? Si oui, prenez garde, un véhicule recule à proximité de vous!
Eh oui, l’époque du fameux bip-bip-bip sera peu à peu révolue.
Dans le cadre du premier volet de notre dossier sur le son qui nous entoure, nous nous sommes intéressés aux alarmes qui façonnent notre quotidien.
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Nous nous garons au parc industriel des Carrières, qui abrite de nombreux véhicules de la Ville de Montréal. Cette véritable fourmilière de camions de toutes sortes grouille à notre arrivée, en début d’après-midi. Il a neigé la veille, donc les opérations de déneigement se mettent en branle. Les déneigeuses avancent, reculent, quittent le garage, s’entremêlent. Nous ne remarquons pas, de prime abord, que des alarmes de recul retentissent depuis notre arrivée. C’est l’objectif.
Ces nouveaux signaux se font discrets. Ils se fondent dans le décor sonore de la métropole, sans déranger. Pourtant, ils remplissent leur premier mandat: alerter un travailleur ou un passant qui se trouve derrière un camion lors d’une manœuvre de recul.
Pourquoi pscht ou lieu de bip? Ces alarmes utilisent un procédé à large bande qui dirige davantage le son à l’arrière du véhicule, ce qui limite grandement les bruits stridents qui peuvent incommoder le voisinage ou toute personne ne se trouvant pas en situation de danger potentiel.
C'est d’ailleurs une des principales raisons qui a poussé la métropole à changer de cap.
«Afin de diminuer les nuisances sonores tout en garantissant la sécurité des travailleurs, la Ville de Montréal exige que toutes machineries et tous véhicules opérés en chantier, à l’exception des transports en vrac, soient munis d’une alarme de recul à large bande», nous indique un représentant de la Ville, dans un échange de courriels.
«Contrairement aux alarmes sonores conventionnelles qui impliquent un niveau sonore plus élevé, les alarmes de recul multifréquences emploient une large bande de fréquences de bruit blanc.»
Crédit: Bechir Mogaadi
Cette nouvelle directive montréalaise est en vigueur depuis mai 2021. Elle s’est toutefois fait davantage ressentir dans notre quotidien depuis les premières bordées de neige, en raison du déplacement accru des déneigeuses.
Pourtant, des citoyens croisés dans les rues de Rosemont–La-Petite-Patrie ne semblaient pas trop savoir ce que ce son signalait, certains croyant simplement que l'alarme de recul de la déneigeuse était défectueuse.
Si ce signal sonore ne nous est pas familier, réussira-t-il à nous alerter d'un danger potentiel?
«Les gens seront peut-être encore un peu surpris quand ils vont entendre la fameuse alarme pscht-pscht-pscht parce qu’ils ne sont pas encore éduqués par rapport à ces alarmes-là. Pour qu'ils puissent bien les intégrer et pour bien réagir en fonction de la perception qu'ils vont avoir de ce son, ça va prendre de la communication et de la formation», nous explique Olivier Valentin, chercheur en neuro-ingénierie au département d’otorhinolaryngologie et chirurgie cervico-faciale de la faculté de médecine de l'Université McGill.
Il n’y a donc pas de solutions miracles. La clé réside dans la sensibilisation à ces nouvelles alarmes qui sont notamment de plus en plus présentes dans le quartier Griffintown, criblé de chantiers.
À cet effet, la Ville prévoit déployer des communications «cette année» afin de sensibiliser les citoyens aux nouveaux signaux sonores.
Crédit: Bechir Mogaadi
Que ce soient les alarmes de recul ou la très perceptible sirène indiquant une opération de déneigement, les sons d’avertissement deviennent rapidement une source de gêne et de désagrément. La principale raison réside dans la conception de ces signaux sonores.
«Le design des alarmes, en général, est un peu ancien. Elles ont été conçues selon le principe “mieux vaut prévenir que guérir”. On voulait être sûr que les gens les entendent. Donc on faisait des alarmes où toute l’énergie était concentrée dans une gamme de fréquences très restreintes et qui étaient très fortes, pour être certain qu’elles émergent du bruit de fond», explique le Dr Valentin, qui a notamment participé à un projet de recherche collaboratif sur les alarmes de recul impliquant l'Université de Sherbrooke et l'Institut national des sciences appliquées de Lyon, avec l'Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST) comme collaborateur indirect.
«Quand on a une alarme à large bande, son énergie est largement répartie, donc ça sonne moins agressant pour les oreilles.»
Ce procédé à large bande pourrait s’appliquer à d’autres types d’alarmes «pour qu'elles soient mieux acceptées, finalement, par l'ensemble des citoyens d'une municipalité».
L’ajout de signaux complémentaires, notamment des indicateurs visuels, serait également une avenue souhaitable.
«On est tellement habitué à entendre ces alarmes-là qu'on y réagit plus» - Olivier Valentin
«On peut essayer de trouver de nouvelles façons de créer des avertisseurs. Peut-être pas toujours des avertisseurs sonores, mais quelque chose de plus complémentaire.»
Photo: le Dr Olivier Valentin se trouve au BRAMS, Laboratoire international de recherche sur le Cerveau, la Musique et le Son, dans un dôme de 80 haut-parleurs utilisé pour la recherche.
C’est encore relativement nouveau, ce souci de la pollution sonore, d’un environnement exempt de nuisance pour nos oreilles. Pourtant, ce qui est loin d’être nouveau, c’est que l’ouïe ne dort jamais. Notre cerveau interprète sans relâche les signaux sonores qui lui sont transmis. C’est pourquoi de plus en plus de chercheurs se penchent sur le son qui nous entoure.
«Bob Marley disait que quand la musique vous frappe, vous ne ressentez pas de douleur. Mais si, justement, on ressentait un peu plus de douleur ou de gêne lorsqu'on est exposé à la musique forte et plus généralement, aux sons élevés, peut-être qu'on se protégerait davantage contre les excès», illustre le Dr Valentin.
«Bien sûr, si on retourne 100 ans en arrière, on n'avait aucune idée qu'être exposé au bruit pendant des années, ça allait augmenter les risques d'hypertension artérielle ou d'infarctus du myocarde. Donc, c'est grâce à toutes ces recherches-là qu'on finit par prendre conscience du danger du bruit et de ses effets sur la santé.»