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Qu'est-ce que cela signifie dans la vie des victimes?
Le profilage racial est un problème systémique qui affecte le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), selon un jugement de la juge Dominique Poulin de la Cour supérieure.
Mais qu'est-ce que cela signifie dans la vie des victimes?
Ce texte est une traduction d'un article de CTV News.
L'histoire est presque toujours la même: un homme noir, peut-être dans une belle voiture ou marchant dans la rue, est arrêté par la police.
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Il demande: «Pourquoi m'avez-vous arrêté?»
Et la fin est souvent la même, que ce soit au Canada, aux États-Unis ou ailleurs: il reçoit une contravention, il est harcelé, voire tué.
«Nous devrions tous être bouleversés. Nous devrions tous être également en colère que cela arrive à un être humain», a martelé la Dre Myrna Lashley, professeure agrégée au département de psychiatrie de l'Université McGill.
Elle compare la vie des hommes noirs au livre Peau noire, masques blancs du philosophe-psychiatre Frantz Fanon.
«Tous les matins, il faut se lever et mettre ce masque, aller au travail et peut-être, sur le chemin du travail, se rendre à l'hôpital», note Mme Lashley. «Vous avez besoin d'aide, comme [Joyce] Echaquan, et vous mourez à cause du profilage racial. Vous ne pensez pas que la communauté est bouleversée?»
Pour l'avocat de la défense Kwadwo Yeboah, qui s'occupe de nombreuses affaires de profilage racial, le combat est personnel.
Il se souvient de son enfance dans le quartier de Cartierville, à Montréal, où il fuyait la police parce que, innocent ou non, il valait toujours mieux s'enfuir que de se faire prendre.
«J'essaie d'ouvrir les bras aux personnes qui ont été dans cette situation. Ils n'ont personne à qui parler», explique Yeboah à CTV New. «Cela me touche de près parce que je regarde ces gens et qu'ils me ressemblent.»
Selon lui, ce qui est difficile dans le système, c'est que les victimes de profilage racial sont obligées de prouver le bien-fondé de leur cas, plutôt que les policiers qui se défendent eux-mêmes.
«Ce qui me frustre le plus, c'est que c'est toujours la même histoire, n'est-ce pas? Je me dis toujours que les juges qui lisent ces histoires voient toujours les mêmes rapports», a déploré Me Yeboah. «Il est impossible que toutes ces personnes différentes qui disent la même chose à propos de la police mentent, n'est-ce pas?»
Il dénonce que les hommes noirs soient toujours décrits par la police de la même manière: agressifs et arrogants.
«J'ai cinq dossiers de personnes différentes, à des moments différents; la police utilise le même vocabulaire», a avancé Me Yeboah. «C'est la même chose qui m'est arrivée. La police a dit que j'étais sorti de ma voiture de manière agressive.»
Dre Lashley déplore que le problème soit celui de la société dans son ensemble.
«Nous ne pourrons pas mettre fin à cette situation tant que nous n'aurons pas changé le fonctionnement de la société, car le profilage racial repose en réalité sur des stéréotypes, et les stéréotypes font partie du racisme», explique-t-elle. «Pour l'instant, nous nous attaquons aux symptômes. Nous ne nous attaquons pas à la cause. Nous ne nous attaquons pas à la source.»
Cependant, changer la société est un exploit énorme, voire presque impossible, admet-elle.
«Nous parlons toujours de la police, mais c'est aussi le cas dans le domaine de la santé et de l'éducation», souligne Mme Lashley. «Nous parlons beaucoup de la police parce que c'est celle sur laquelle nous nous concentrons le plus, mais si nous parvenons à nous mettre dans la tête que cela s'est produit dans toute la société, nous pourrons peut-être mieux nous y attaquer.»
Elle ajoute qu'il n'est pas surprenant que les hommes noirs soient immédiatement méfiants lorsqu'ils sont approchés par un policier.
«Si vous continuez à me frapper, tôt ou tard, je réagirai, même si je suis calme. Et vous n'aimerez pas ma réaction parce que j'ai accumulé toute cette colère en moi.»
En fait, Mme Lashley, qui était auparavant vice-présidente du conseil d'administration de l'École nationale de police du Québec, dit se souvenir d'un cas particulier de profilage racial de la part d'un agent.
«Il m'arrête, s'approche de la voiture... Il me demande où je vais, ce que je fais. J'ai répondu: "Je vis ici. Je vais chercher du lait", se souvient-elle. Il m'a regardée et m'a dit: "Qui êtes-vous?"»
C'est à ce moment-là que Mme Lashley a commencé à s'énerver.
«Je l'ai regardé et j'ai dit: "Je suis la Dre Myrna Lashley." Il m'a regardée et m'a dit: "Passez une bonne soirée"», se souvient-elle. Il ne m'a jamais dit pourquoi il m'avait arrêtée. Il ne m'a jamais dit que vous aviez commis une infraction... La seule raison pour laquelle il m'a arrêtée, c'est parce qu'il a vu mon visage.»
Elle souligne que ce type de racisme généralisé est à l'origine d'un traumatisme générationnel généralisé.
«Je vais dire à ma progéniture, à mes descendants, de faire attention parce que cela m'est arrivé, que cela est arrivé à oncle Fred et que cela est arrivé à tante Jean», a-t-elle déclaré. «J'essaie d'aider mes descendants à prendre conscience de la nécessité de se protéger, mais ce faisant, je les rends aussi craintifs. Je dois donc les armer pour les aider. C'est un cercle vicieux.»
Me Yeboah ajoute qu'il rappelle toujours à ses clients qu'il est important de rester calme lors d'une interaction avec la police, même s'il reconnaît que c'est parfois plus facile à dire qu'à faire.
«J'ai des clients qui se font arrêter deux ou trois fois par semaine », affirme-t-il. «Au bout d'un certain temps, tout être humain est frustré par ce type de comportement. Ce n'est pas normal.»
Le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) a décliné la demande d'entrevue du chef Fady Dagher à CTV News.