Début du contenu principal.
Un regroupement d’organismes communautaires de Québec, de Montréal et de Repentigny demandent au gouvernement du Québec de ne pas faire appel de la décision du juge Michel Yergeau de la Cour supérieure du Québec concernant les interceptions policières aléatoires.
En octobre dernier, dans le cadre du procès intenté par Jean-Christopher Luamba qui contestait les interceptions policières aléatoires dont il fut l’objet, le juge Michel Yergeau a rendu une décision qui invalide l’arrêt Ladouceur de la Cour suprême et, donc, l’article 636 du Code de la sécurité routière (CSR) qui en découle.
Ainsi, les services de police ne pourront désormais plus effectuer des interceptions sans avoir de motif sérieux.
Dans son jugement, le juge Yergeau indiquait que cette pratique «viole les droits garantis des articles 7 et 9 et le paragraphe 15 de la Charte canadienne des droits et libertés».
«On ne peut pas comme société attendre qu'une partie de la population continue de souffrir en silence dans l'espoir qu'une règle de droit reçoive enfin de la part des services de police une application qui respecte les droits fondamentaux garantis par la Charte canadienne. Le profilage racial existe bel et bien. [...] Elle se manifeste en particulier auprès des conducteurs noirs de véhicules automobiles», avait alors expliqué le juge Yergeau.
À lire également : Profilage racial: la police ne pourra plus faire des interceptions sans motif
À la suite de son jugement, il accordait un délai de six mois pour l’entrée en vigueur de sa décision. Le gouvernement du Québec disposait ainsi de 30 jours pour faire appel du jugement.
Le regroupement d'organismes communautaires demande que le gouvernement du Québec «n'emprunte pas cette voix» qui serait « très dommageable à l’inclusion et à la cohésion nationale».
Le regroupement réclame la révocation pure et simple de l'article 636 du Code de la sécurité routière (CSR) qui stipule, depuis l'arrêt Ladouceur de 1990 : «un agent de la paix, identifiable à première vue comme tel peut, dans le cadre des fonctions qu’il exerce en vertu du présent code, exiger que le conducteur d’un véhicule routier immobilise son véhicule. Le conducteur doit se conformer sans délai à cette exigence.»
Le groupe souhaite que cet article du Code de la sécurité routière soit remplacé par celui existant avant l'arrêt Ladouceur et qui déclare: «tout agent de la paix qui, dans l’exercice des fonctions qui lui sont conférées en vertu du présent code, a un motif raisonnable de croire qu’une infraction à ce code a été commise et que les circonstances l’exigent, peut 1) faire immobiliser un véhicule routier; 2) sans la permission du propriétaire, prendre possession d’un véhicule routier, le conduire et le remiser aux frais du propriétaire.»
À VOIR | Décision pour contrer le profilage racial: «enfin», disent des organismes
Le regroupement d'organismes communautaires suggère également au gouvernement du Québec d'exiger que pour toute interpellation effectuée par un agent de police ayant un motif raisonnable de croire qu’une infraction à l’article 636 du CSR a été commise, un récépissé écrit soit remis à la personne interpellée. Ce récépissé devrait indiquer le motif et les circonstances de l’interpellation. Le regroupement estime également que «chaque corps de police devrait disposer d’une base des données anonymisée sur les interpellations faites en vertu de l’article 636 du CSR.»
Le regroupement, incluant notamment les représentants de Collectif 1629, de la Coalition Rouge, de la Table de concertation du Mois de l'histoire des Noirs, du Collectif de lutte et d'action contre le racisme, de la Ligue des Droits et libertés (section de Québec) et de l'Alliance de la Fonction publique du Canada (section Québec), demande une rencontre au ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, pour discuter de ces propositions.
Dans une lettre envoyée à M. Bonnardel lundi, le regroupement précise que les propositions de changements à l'article 636 du Code de la sécurité routière préconisent «l’interdiction des interpellations policières aléatoires».
«Pour le Groupe d’action contre le racisme, les interpellations doivent reposer sur des faits observables ou sur des informations fournissant aux policiers une raison d’intervenir. Ceci correspond à l’esprit et à la lettre de l’article 636 du CSR d’avant l’arrêt Ladouceur. Enfin, dans un Québec de plus en plus diversifié, il est nécessaire de lever toutes les barrières, dont le profilage racial, qui compromettent la cohésion et l’inclusion des Québécoises et des Québécois de toutes les origines. Nous sommes convaincus que nos propositions contribueront à rendre notre belle province davantage inclusive», peut-on lire également dans la lettre signée par Alain Babineau, directeur exécutif de la Coalition rouge et Laura Doyle Péan, co-coordonnatrice du Collectif 1629, au nom du regroupement.
Le cabinet de M. Bonnardel affirme avoir reçu la demande des organismes, dans un courriel à Noovo Info. «Nous avons bien reçu la lettre des organismes communautaires qui demandent notamment une rencontre avec le ministre. Nous sommes à analyser les demandes afin de déterminer quelles suites y donner», a répondu l’attachée de presse du ministre, Roxanne Bourque.
Le cabinet du ministre confirme également être en train d’analyser le jugement et refuse de commenter davantage le sujet.
Lors du procès intenté par Jean-Christopher Luamba, l'avocat représentant le gouvernement du Québec, Me Michel Déom, a plaidé que «le pouvoir des policiers d'interpeller des automobilistes aléatoirement serait un important outil de dissuasion pour prévenir les comportements dangereux sur la route».
À lire également : Québec défend les contrôles policiers aléatoires
Me Déom avait alors déclaré devant le juge de la Cour supérieure Michel Yergeau que le problème ne réside pas dans ce pouvoir en soi, mais plutôt dans son exercice abusif par certains policiers.
Selon l'avocat du gouvernement, il revient aux corps policiers et aux organismes de surveillance, comme les comités de déontologie, de combattre le profilage racial chez les policiers.
Au début de novembre, Québec solidaire (QS) demandait aussi au gouvernement Legault de ne pas porter en appel la décision du juge Michel Yergeau sur l’article 636 du Code de la sécurité routière qui interdira les interpellations policières sans raison valable.
C’est via son porte-parole en matière de sécurité publique et de lutte contre le racisme, Andrés Fontecilla, que QS a réclamé que le premier ministre montre «qu’il est disposé à agir de la façon la plus concrète contre le profilage racial». Le député solidaire avançait qu’un appel irait à l’encontre des recommandations effectuées par son gouvernement dans le rapport du Groupe d’action contre le racisme, publié en 2020.
Avec des informations de La Presse canadienne