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Ottawa déplorait récemment que les demandes de financement en vertu du «principe de Jordan» incluaient parfois des dépenses comme des consoles de jeux vidéo.
Ottawa a annoncé un contrôle plus serré d'un programme conçu pour garantir que les enfants des Premières Nations reçoivent les soins et le soutien dont ils ont besoin au moment où ils en ont besoin.
Le gouvernement fédéral a ainsi décidé cette semaine de ne plus approuver les demandes de financement en vertu du principe de Jordan pour des rénovations domiciliaires, des événements sportifs, des voyages à l'étranger, des mesures de soutien non médical ou des requêtes liées à l'école, sauf si cela est nécessaire pour assurer l'égalité avec les enfants qui ne sont pas issus des Premières Nations.
Ces changements surviennent près d'un an après que le gouvernement fédéral a déploré devant le Tribunal canadien des droits de la personne que les demandes de financement en vertu du «principe de Jordan» inclussent parfois des dépenses pour des choses non urgentes, comme des consoles de jeux vidéo, des séances de photos pour agences de mannequins ou des vélos.
Le Tribunal des droits de la personne a admis le mois dernier qu'il était «assez préoccupé» par cette question. Le tribunal soulignait toutefois que certaines demandes apparemment inusitées pouvaient être faites pour de bons motifs — par exemple l'achat d'un réfrigérateur pour conserver au froid les médicaments d'un enfant de Walpole Island.
«Il y a des portraits de mannequins et des consoles de jeux qui sont payés en vertu du principe de Jordan. Même si le Tribunal peut apprécier leur valeur dans la culture, la dignité, l’autorégulation, la santé mentale, etc. d’un enfant ou d’un jeune, cela n’a jamais été ce que le Tribunal avait envisagé en vertu du principe de Jordan», peut-on lire dans la décision du 29 janvier.
«Il est troublant de savoir que certaines communautés vivent dans la pauvreté, laissant les enfants dans des conditions précaires, et que d’autres utiliseraient le principe de Jordan pour accéder à des services à des milliers de kilomètres de la norme.»
Le «principe de Jordan» doit son nom à Jordan River Anderson, un garçon manitobain souffrant de multiples handicaps qui était mort à l'hôpital pendant que les gouvernements provincial et fédéral discutaient de celui qui devrait payer les soins qui lui auraient permis de rentrer chez lui.
Ce programme découle d’une plainte pour atteinte aux droits de la personne déposée en 2007 par l’Assemblée des Premières Nations et la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations. Les plaignants avaient plaidé que les enfants des Premières Nations se voyaient refuser des services égaux à ceux des autres enfants à cause de constantes batailles de champs de compétence entre les provinces et Ottawa.
Ces désaccords découlent souvent de la question de savoir si un enfant vit ou non dans une réserve, car le gouvernement fédéral est généralement responsable du financement des résidents des réserves et les provinces sont responsables du financement de ceux qui vivent hors réserve.
Dans le cadre du programme fédéral du principe de Jordan, les familles peuvent demander et recevoir plus rapidement des fonds en fonction de leurs besoins: les provinces et le gouvernement fédéral règlent ensuite les batailles de champs de compétences pour déterminer qui doit payer la note.
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En janvier dernier, le père de Jordan, Ernest, a lui-même condamné sur les réseaux sociaux les «abus» au programme. Il affirmait que les enfants qui ont des besoins urgents subissent des retards dans l'accès aux fonds à cause d'une mauvaise utilisation du programme.
Le Canada a également fait valoir devant le Tribunal des droits de la personne que la portée du principe de Jordan était devenue trop large et que les demandeurs identifiaient comme urgentes des demandes non urgentes, contribuant à un arriéré de 140 000 demandes.
Services aux Autochtones Canada a annoncé les changements apportés au programme le 10 février dernier après avoir examiné ses obligations juridiques. Dans un bulletin sur le sujet, le ministère explique qu'il examine actuellement les processus et les politiques aux niveaux régional et national.
«Cela garantira une plus grande cohérence et clarté en ce qui concerne les documents requis et les services auxquels les enfants des Premières Nations peuvent avoir accès par l'entremise du principe de Jordan», indique le bulletin du ministère.
Il décrit également les changements apportés aux demandes de groupe, précisant que les frais administratifs généraux ne seront plus couverts.
Mais Cindy Blackstock, de la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations — qui a contribué à déposer la plainte initiale qui a conduit à la création du principe de Jordan —, affirme que les changements apportés au programme par Ottawa ne sont pas fondés sur des preuves et que le gouvernement fédéral adopte une approche qui «alimente les stéréotypes coloniaux».
Mme Blackstock avait fait valoir devant le tribunal que le gouvernement fédéral se dérobait à ses obligations légales et qu'il était le seul responsable de l'arriéré des dossiers.
Dans une entrevue accordée jeudi à La Presse Canadienne, Mme Blackstock a déclaré que le Canada n'a jamais fourni de documents justificatifs pour ses allégations d'utilisation abusive et qu'il n'existe aucune preuve de l'ampleur du problème.
«Personne ne veut voir une utilisation abusive du principe de Jordan, a-t-elle plaidé. Si le Canada veut restreindre ces demandes, nous devons savoir sur quelle base clinique il se base réellement et ce qui va arriver à ces enfants qui sont maintenant laissés pour compte, en particulier parce que le Canada n'a aucune expertise dans de nombreux domaines, comme la santé, l'éducation et les services sociaux.»