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Le sort du chauffard allégué Éric Goupil est maintenant entre les mains du juge Benoit Gagnon.
Le sort du chauffard allégué Éric Goupil, qui a happé une poussette sur le boulevard de Portland en août 2022, est maintenant entre les mains du juge Benoit Gagnon. Couronne et défense ont livré leurs plaidoiries au troisième et dernier jour du procès du Sherbrookois accusé de conduite dangereuse causant des lésions.
Les deux premières journées du procès avaient notamment permis d’apprendre que Goupil avait happé la poussette et le père qui en avait le contrôle à la traverse piétonne du boulevard de Portland qui permet d’accéder à la rue Wilson. Il se trouvait dans la voie de gauche en direction ouest au moment de percuter les deux victimes, tandis que quelques véhicules s’étaient déjà immobilisés ou étaient sur le point de le faire, dans la voie de droite.
Plusieurs témoins civils ont pu observer la conduite de l’accusé dans les minutes qui ont précédé la collision. Dépassements gauche-droite, «combat de coqs» avec un autre véhicule, geste de frustration et d’impatience envers un véhicule qui se trouvait devant lui et plus encore. Néanmoins, pour l’avocat de Goupil, Me Christian Raymond, cette conduite antérieure à l’accident n’a aucun lien avec la collision.
«Les circonstances de l’accident sont très circonscrites. Vous les connaissez. La conduite que vous devez évaluer, c’est la conduite qui s’est passée à proximité du passage piéton», a plaidé l’avocat d’expérience.
«Même si vous retenez que M. Goupil a suivi de trop près le véhicule d’un couple, […] même si vous retenez qu’il a roulé 70 ou 80km/h, […] même si vous retenez qu’il y a eu des dépassements excessifs, ça n’a aucun lien avec l’accident au bas de la côte Portland», a continué Me Raymond, rappelant que la vitesse au moment de la collision avait été établie entre 50 et 52km/h. Il a aussi souligné à grands traits que l’accusé n’avait pas vu le piéton avant de le happer.
«Il regarde à droite, il n’y a pas de piéton. Il regarde à gauche, il n’y a pas non plus de piéton. Le seul moment où il aperçoit la poussette et le père qui pousse la poussette, c’est au moment de l’impact», a-t-il rappelé. Les véhicules dans la voie de droite créaient un écran dans la visibilité», a poursuivi Me Raymond. Il a aussi rappelé que Goupil avait admis avoir utilisé son cellulaire au volant le matin de l’événement, mais pas au moment de la collision.
«C’est un événement qui est malheureux, mais c’est un accident. Ce n’est pas parce qu’il y a un accident qu’il y a un coupable.» - Me Christian Raymond, avocat d’Éric Goupil
Pour l’avocat de la défense, le témoignage de son client doit aussi être retenu dans son entièreté.
«Quand vous regardez l’ensemble de la preuve, je vous soumets qu’il […] a témoigné de façon émotive. Pas dans le sens qu’il a cherché à faire pitié. Émotive parce qu’il est resté marqué de cet événement-là», a argué l’avocat, qui a ajouté que l’accusé n’a pas cherché à se «défiler» en répondant aux questions.
«Il n’y a rien dans la preuve qui fait que vous ne pouvez pas retenir sa version. Je pense que dans tous les cas, vous devez l’acquitter», a-t-il conclu.
Couronne et défense ne se sont pas retrouvées en procès pour rien. La procureure Stéphanie Landry, du DPCP, a présenté une vision totalement différente des événements.
«Un accident, c’est quand on ne peut rien y faire. M. Goupil, comme conducteur, s’il avait pris ses responsabilités comme une personne raisonnable, cette collision-là n’aurait pas eu lieu, a-t-elle tonné, en fin de plaidoiries. Ou peut-être aurait-elle eu lieu à une vitesse beaucoup moins grande, mais il n’y a rien qui a été fait, malgré tous les signaux», a continué Me Landry.
La procureure de la Couronne a mis l’accent sur l’utilisation fréquente par Goupil de son cellulaire, tout au long du trajet qui a mené à l’accident. Cet élément de preuve a été obtenu grâce à des données cellulaires.
«C’est un élément majeur. Clairement, hors de tout doute, l’attention de l’accusé était portée ailleurs que sur la route ce matin-là. C’est ça qui a causé la collision. Ce n’est pas une inattention momentanée», a souligné l’avocate.
Elle est aussi revenue sur les nombreux témoignages de témoins civils qui ont observé la conduite de Goupil avant l’accident.
«Dépasser en zigzag, suivre un véhicule de trop près d’une façon non prudente et raisonnable, ne pas s’immobiliser à une lumière rouge, a-t-elle énuméré. Vous avez l’accumulation de comportements agressifs, téméraires, qui en plus constituent des infractions au code de la sécurité routière», a poursuivi Me Landry.
Contrairement à son confrère, elle estime qu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances que Goupil à cette traverse piétonne de la rue Portland n’aurait pas agi de la même manière que lui. Elle a rappelé elle aussi que des véhicules étaient déjà immobilisés dans la voie de droite et que les lumières clignotantes étaient allumées.
«Si mon attention comme conductrice raisonnable est attirée sur la route, il n’y en a pas d’explication crédible à l’effet qu’il ne voyait pas les feux. Est-ce qu’un conducteur raisonnable aurait pris la chance de passer, sans ralentir?», a-t-elle questionné.
«Je vous soumets que tous les autres conducteurs ont prévu le risque, ou l’auraient prévu. Nonobstant le fait que M. Goupil pouvait à un certain moment donné ne pas voir le piéton.» - Me Stéphanie Landry, procureure de la Couronne
Le juge Benoit Gagnon rendra sa décision le 18 juillet prochain.