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Un Sherbrookois de 61 ans qui possédait une collection de fichiers de pornographie juvénile «parmi les plus importantes de l’histoire judiciaire» au Canada écope d’une peine de huit ans de prison.
Steven Larouche avait plaidé coupable de possession de pas moins de 545 000 fichiers et avait aussi produit 86 000 fichiers pédopornographiques en utilisant la technologie d’hypertrucage, ou deepfake.
Le juge Benoit Gagnon a de toute évidence été horrifié par le contenu de ces fichiers que possédait M. Larouche.
«De décrire ces images comme de la ‘’pornographie juvénile’’ relève de l’euphémisme. Les images révèlent l’exploitation d’enfants fragiles, d’agressions sexuelles graves et avilissantes, d’actes de torture sur des êtres humains vulnérables. Le court échantillon d’images présenté laisse sans mot. […] Les images exposées au Tribunal relèvent de ce qu’il y a de plus vil et de plus abject», écrit-il dans sa décision sur la peine de 23 pages. Larouche a possédé des fichiers de pornographie juvénile sur une période de 10 ans.
Voyez le récapitulatif de Guillaume Cotnoir-Lacroix dans la vidéo qui accompagne ce texte.
Dans cette décision, le juge revient sur le témoignage de victimes de ces agressions sexuelles qui se retrouvaient dans la collection de Steven Larouche. « Leur vision du monde est irrémédiablement atteinte, ne pouvant faire confiance à autrui. Pour d’autres victimes, c’est un sentiment de honte, de gêne et de colère du fait que d’autres personnes peuvent avoir accès aux images des abus qu’ils ont subi», écrit-il. Le juge Gagnon cible aussi certaines portions des témoignages de ces victimes.
Dans un cas en particulier, le juge écrit que Larouche avait en sa possession des «images anodines, provenant visiblement des médias sociaux, de l’enfant alors devenue adolescente ou jeune adulte. On y retrouve également des informations personnelles sur elle, son véritable nom, sa date de naissance, la ville où elle demeure, le nom de ses frères et sœurs, le nom de l’école qu’elle fréquente ainsi que son adresse sur les médias sociaux». Le juge ajoute que «la possession consciente et délibérée de telles images et informations personnelles sur les victimes, consignées dans un répertoire particularisé, démontre toute la turpitude et la culpabilité morale d’un individu tel le délinquant».
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Questionnée à savoir si certaines des victimes qui se retrouvent dans ces fichiers sont originaires de la région, la procureure aux poursuites criminelles et pénales, Me Véronique Gingras-Gauthier est demeurée prudente. «Il y a une ordonnance de non-publication au niveau des victimes, donc je ne peux donner aucune information qui pourrait tendre à les identifier. Je peux vous dire par contre qu’on a eu plusieurs déclarations de victimes qui avaient été identifiées comme étant des victimes dont les fichiers se retrouvaient dans les fichiers de M. Larouche», a-t-elle expliqué.
Me Gingras-Gauthier se dit satisfaite de la décision, alors que la Couronne plaidait initialement pour une peine de 10 ans, tandis que la défense avait demandé une peine de cinq ans. «Ce qui est important, c’est la reconnaissance que le juge donne de l’importance de dénoncer les infractions de nature sexuelle envers les enfants et particulièrement la revictimisation qui est causée par les infractions de pornographie juvénile», note la procureure, au palais de justice de Sherbrooke.
Dans sa décision, le juge a salué l’engagement des enquêteurs, qui sont forcés de visionner ces fichiers de pornographie juvénile pour mener leurs enquêtes. L’un des enquêteurs dans ce dossier avait dû quitter la salle pour reprendre ses esprits, lors de son témoignage il y a quelques mois. Il avait retenu des sanglots à plusieurs occasions en expliquant les impacts dans son travail, mais aussi sur sa vie personnelle, d’avoir à visionner ces fichiers.
«Pour avoir eu à visionner un échantillon du matériel retrouvé chez le délinquant, le Tribunal comprend la difficile tâche à laquelle ces femmes et ces hommes s’astreignent quotidiennement. Leur travail est absolument nécessaire afin de protéger nos communautés. Leur sens du devoir, au péril de leur santé, doit être souligné à grands traits», a-t-il indiqué.
Le juge Gagnon revient aussi sur les 86 000 fichiers produits grâce à la technologie de l’hypertrucage, qui permet, par exemple, «d’intégrer le visage d’une personne sur le corps d’un autre individu dans une séquence vidéo». En utilisant un logiciel, Larouche réussissait à créer des fichiers dont il est «impossible de distinguer le vrai, du faux», écrit-il.
Le juge Gagnon lance d’ailleurs un sérieux avertissement. «L’utilisation par des mains criminelles de la technologie de l’hypertrucage donne froid dans le dos. Ce type de logiciel permet de commettre des crimes qui pourraient mettre en cause virtuellement tous les enfants de nos communautés. Un simple extrait vidéo d’enfant disponible sur les réseaux sociaux, ou une capture vidéo subreptice d’enfants dans un lieu public pourraient les transformer en victimes potentielles de pornographie juvénile», écrit le juge.
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