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En décembre, quelques 4689 personnes sont entrées au Québec en passant par le chemin Roxham, un nombre supérieur à l'ensemble des candidats au statut de réfugié en 2021.
Un autocar en provenance de New York s'arrête à la gare routière de Plattsburgh. Un essaim de taxis fourgonnettes cernent le véhicule.
Une dizaine de passagers descendent de l'autocar. Des hommes célibataires, quelques couples et même une famille avec trois enfants. Quatre chauffeurs de taxi les invitent avec insistance.
«Frontera!, crient-ils. Chemin Roxham! 60 dollars! Venez! Venez!»
La majorité des passagers approchés par La Presse canadienne refusent de parler, certains se cachent le visage. Plusieurs ne portent pas de vêtements hivernaux: certains ont revêtu un simple chandail à manche courte, un manteau léger, des espadrilles. Un couple est mieux préparé à affronter les rigueurs hivernales. Il a apporté des manteaux chauds, des tuques, des gants et des bottes.
Un homme embarque dans un taxi. «D'où venez-vous?», lui demande-t-on.
«Haïti», répond-il.
Attendant avec impatience le départ du taxi, l'homme ajoute que son billet d'autocar «lui avait été acheté par un ami».
Selon certains reportages, la Ville de New York aide à fournir des billets d’autobus gratuits aux migrants qui se dirigent vers le nord pour demander l’asile au Canada. Le maire de New York, Eric Adams, a déclaré lundi à la station de télévision Fox 5 que son administration aide au «processus de redistribution de billets» pour les personnes qui arrivent dans la ville, mais qui souhaitent aller ailleurs.
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En décembre, quelques 4689 personnes sont entrées au Québec en passant par le chemin Roxham, un nombre supérieur à l'ensemble des candidats au statut de réfugié en 2021. Franchir la frontière de manière irrégulière leur permet de profiter d'une faille dans une entente canado-américaine.
En vertu de l'Entente sur les tiers pays sûrs signé en 2002, «les personnes qui entrent au Canada à un point d’entrée terrestre ne sont toujours pas admissibles à présenter une demande de statut de réfugié, et seront renvoyées aux États-Unis à moins qu’elles ne satisfassent à l’une des exceptions prévues dans l’Entente ». Toutefois, s'ils entrent au pays de façon irrégulière, ils ne seront pas retournés aux États-Unis.
Chad Provost gère un service de navette pour les migrants. Sur sa carte d'affaires, on peut lire en anglais: «Chemin Roxham à la frontière», son numéro de WhatsApp et «Service 24 heures vers et de la frontière canadienne. Transport sûr pour les demandeurs d'asile».
Selon lui, environ une centaine de migrants arrivent chaque jour à la gare routière avant de se diriger vers le chemin Roxham.
Le voici qui accepte trois passagers dans sa fourgonnette. Parfois, il accepte même de transporter gratuitement des clients vers la frontière, dit M. Provost.
«Plusieurs viennent d'endroits bordéliques. Et plusieurs veulent seulement une meilleure vie. Plusieurs n'ont pas d'argent. Certains chauffeurs vont les abandonner là, en plein froid. Le garage est fermé la nuit.»
Il n'a pas à se battre avec les autres chauffeurs de taxi pour remplir son véhicule. Le bouche-à-oreille lui a amené de nombreux clients.
«Mes clients m'appellent à l'avance pour que je les embarque entre la gare routière et le chemin Roxham», raconte M. Provost.
Jeudi soir, le long du chemin boueux menant à la frontière. Un premier panneau indique que la route est fermée. Quelques mètres plus loin, un second panneau: «arrêt». Et puis, des bacs bleus canalisent la circulation, contraignant les demandeurs d'asile à former une ligne avant d'être rencontrés par des agents de la GRC.
L'un de ces migrants est David Jesus Binto. Il est arrivé au chemin Roxham en taxi en compagnie d'un autre jeune homme. L'adolescent de 17 ans porte des espadrilles, des jeans et un vieux coupe-vent. Il raconte que son ami et lui viennent du Venezuela.
«Nous en avons entendu parler par le bouche-à-oreille. Nous avons quitté le Venezuela pour des raisons économiques», dit-il en espagnol.
A-t-il pu obtenir des billets d'autocar gratuitement ? Non, répond-il, son ami et lui ont dû les acheter eux-mêmes.
Les policiers informent les migrants que s'ils franchissent la barrière de bacs bleus pour entrer au Canada, ils seront placés en état d'arrestation.
L'avertissement n'impressionne personne. David Jesus Binto, son pote et plusieurs autres migrants marchent vers les agents de la GRC et entrent dans le pays.