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L’année 2021 a vu passer quelques jalons historiques, comme la nomination de la diplomate inuite Mary Simon comme première Autochtone au poste de gouverneure générale du Canada, ou l’élection de RoseAnne Archibald comme première femme à la tête de l’Assemblée des Premières Nations.
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Mais l’année qui s’est écoulée a surtout appelé les Québécois et les Canadiens à se pencher sur leur passé, alors que les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis tentent de bâtir un meilleur avenir.
La découverte de plus d’un millier de dépouilles d’enfants autochtones sur les sites d’anciens pensionnats a placé sous les projecteurs un pan sombre de l’histoire canadienne.
Ce sont les 215 tombes anonymes de Kamloops, en Colombie-Britannique, qui ont ouvert le bal en mai dernier. Des découvertes similaires ont rapidement suivi à Marieval (Saskatchewan, 751 tombes), à St Eugene Mission (Colombie-Britannique, 182 tombes) et sur l’Île Kuper (Colombie-Britannique, 160 tombes).
Après la macabre découverte de Kamloops, le premier ministre Justin Trudeau a ordonné que tous les drapeaux canadiens des édifices publics soient mis en berne pendant plusieurs mois. Ottawa a aussi fait du 30 septembre la « Journée nationale de la vérité et de la réconciliation ».
Des excuses ont aussi été faites en septembre par la Conférence des évêques catholiques du Canada, mais toujours pas par le pape, François 1er. Celui-ci prévoit cependant recevoir une délégation de représentants autochtones et visiter le Canada en 2022.
Le gouvernement canadien a été impliqué dans le système des pensionnats au cours des 19e et 20e siècles. On estime qu’environ 150 000 enfants y ont été amenés de force, après avoir été arrachés à leurs familles, dans le but de « tuer l’Indien dans l’enfant ». En plus de l’assimilation forcée, les survivants témoignent avoir subi de nombreux abus, autant physiques que psychologiques et sexuels.
La Commission de vérité et réconciliation a noté dans son rapport de 2015 que 3201 pensionnaires y ont perdu la vie depuis 1867. Elle estime que, pendant la première moitié du 20e siècle, les taux de mortalité y étaient de deux à quatre fois plus élevés que chez les enfants blancs.
En tout, il y a eu 12 de ces écoles (résidentielles ou de jour) au Québec durant le 20e siècle. La moitié d’entre elles étaient dirigées par le gouvernement fédéral, et l’autre moitié par des congrégations catholiques ou anglicanes.
Aucune fouille n’a encore été entreprise dans la province, mais certaines communautés y songent, indique la directrice générale de la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador, Marjolaine Siouï, en entrevue téléphonique.
Mais cela ne se fait pas du jour au lendemain, puisqu’il « y a des sites où il y a maintenant autre chose, donc il faut bien évaluer ça ». De plus, « ça doit faire l’objet de discussions communautaires, il faut le faire de façon respectueuse, mais aussi s’assurer que les gens sont bien accompagnés » dans cette épreuve.
Dans son rapport, déposé en octobre dernier, la coroner Géhane Kamel a conclu que le « racisme et les préjugés auxquels (Joyce) Echaquan a fait face ont certainement été contributifs à son décès ».
Sa première recommandation était que le gouvernement québécois « reconnaisse l’existence du racisme systémique au sein de nos institutions et prenne l’engagement de contribuer à son élimination ».
Il s’agit là d’une mesure que le premier ministre François Legault refuse de prendre, et ce, depuis la présentation du Principe de Joyce par le Conseil des Atikamekw de Manawan et le Conseil de la Nation Atikamekw, l’année dernière.
« Avec un gouvernement qui ne reconnaît pas le Principe de Joyce en soi, ça ne veut pas dire qu’il ne fera pas d’action pour pouvoir mettre de l’avant certaines des recommandations, nuance Mme Siouï. Par contre, un travail comme celui-là, ça se fait une fois qu’on reconnaît pleinement ce principe.
« Je pense qu’il y a quand même eu de la part du gouvernement du Québec certaines actions qui ont été prises et mises en place, que ce soit pour du personnel de liaison ou pour renforcer certaines mesures au sein des établissements de santé.»
Joyce Echaquan a perdu la vie le 28 septembre 2020 à l’hôpital de Joliette sous les injures racistes du personnel, comme le montre la vidéo de ses derniers moments, qu’elle a elle-même diffusée sur internet.
Bien que Mme Echaquan a vraisemblablement succombé à un œdème pulmonaire, la coroner a pointé du doigt le fait qu’elle a été « rapidement étiquetée comme une patiente en sevrage » de drogue, alors que pourtant elle ne consommait pas, comme facteur de son décès. En conséquence de ce « préjugé », ses appels à l’aide ont été ignorés, puis elle a été placée sous contention, et ce, sans être adéquatement surveillée, a dénoncé la coroner.
Pendant ce temps, au Québec, nombreuses sont les communautés autochtones qui cherchent à s’émanciper de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ).
Plusieurs groupes avaient déjà conclu des ententes avec la DPJ pour rapatrier certaines responsabilités, mais la communauté atikamekw d’Opitciwan est allée encore plus loin, en se servant d’une loi fédérale de 2019 pour se soustraire entièrement au pouvoir de Québec. Son service devrait être fin prêt en janvier prochain.
En comptant Opitciwan, « il y a quand même 16 corps dirigeants qui ont manifesté leur intention de pouvoir développer leur propre loi et de prendre en charge leur protection de la jeunesse, donc pour nous c’est un enjeu très important », dit Mme Siouï. En tout, ces projets touchent « au-dessus de 30 communautés ».
La loi de 2019, anciennement appelée « projet de loi C-92 », est contestée par Québec devant les tribunaux, puisque la province estime qu’Ottawa s’immisce dans ses responsabilités. Plusieurs groupes autochtones ont depuis appelé à cesser cette contestation.
Le jugement de la Cour d’appel devrait tomber à l’automne prochain, au plus tard. La saga judiciaire est pourtant loin d’être terminée, puisque les deux parties sont prêtes à se rendre en Cour suprême, a rappelé Mme Siouï.
« Le grand principe que les Premières Nations remettent de l’avant, c’est leur droit à l’autodétermination », dit-elle.
Le rapport de la Commission Laurent sur la protection de la jeunesse, déposé en avril, déclare que les Autochtones « sont les mieux placés pour identifier les besoins de leurs enfants et y répondre ». Il dénonce aussi le fait que, même aujourd’hui, le manque de connaissance des intervenants allochtones « engendre des effets discriminatoires et contribue à la surreprésentation des enfants autochtones en protection de la jeunesse ».
Encore aujourd’hui, plus de la moitié des enfants canadiens placés en famille d’accueil sont autochtones, alors que ceux-ci ne représentent que 7,7 % des jeunes de moins de 14 ans, selon le recensement de 2016.
Dans ce qu’on a appelé la « Rafle des années 60 », des milliers d’enfants autochtones ont été retirés de leurs familles et placés en adoption par les services de protection de l’enfance du Canada, le plus souvent au sein de familles allochtones.
Au cours des années, plusieurs de ces enfants ne sont tout simplement « jamais revenus à la maison », sans que leur famille ne sache s’ils étaient décédés ou non, a déploré Mme Siouï.
Le projet de loi 79, adopté par Québec en juin dernier, pourrait enfin permettre aux proches des disparus d’accéder à ces informations. « Il y a déjà une trentaine de familles qui ont commencé les recherches pour leurs enfants, a-t-elle indiqué. Ce sont des gens qui ont vécu avec ce traumatisme-là, de ne jamais revoir les membres de leur famille. Ce sont des blessures qui ne guérissent jamais. »