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«Si vous avez besoin d'une pause pipi, pointez votre absence et prenez-la sur votre temps libre. »
En Suisse, où le temps est de l'argent pour la célèbre industrie horlogère, un tribunal a jugé qu'un fabricant de montres était en droit de dire à ses employés : «Si vous avez besoin d'une pause pipi, pointez votre absence et prenez-la sur votre temps libre. »
Un reportage d'investigation de la chaîne publique RTS a révélé ce week-end comment un tribunal régional de l'ouest de Neuchâtel a jugé que le fabricant Jean Singer & Cie SA était en droit d'exiger de ses employés qu'ils pointent leur absence pour aller aux toilettes.
L'affaire a mis en lumière ce que certains considèrent comme une faille dans le droit du travail de ce riche pays alpin, réputé pour sa régularité.
Selon le jugement ― rendu en juin, mais dévoilé le mois dernier ― des inspecteurs du travail ont eu vent de l'obligation de pointer lors d'une visite de site pendant la pandémie de COVID-19 en 2021.
Les inspecteurs ont ordonné à l'entreprise de mettre fin à cette pratique, alléguant une violation de la législation fédérale du travail qui protège les besoins personnels des travailleurs et faisant valoir qu'elle pourrait amener les travailleurs à «se retenir ou à ne pas s'hydrater, ce qui pourrait entraîner de graves troubles physiologiques», selon l'arrêt.
Dans son action en justice contre l'ordonnance, Singer a insisté sur le fait que ses employés jouissaient d'une «grande liberté» pendant leurs pauses ― dont la durée était «laissée à la discrétion de chaque employé» ― et que le système de pointage n'impliquait pas que les responsables soient informés de la raison pour laquelle les employés les prenaient.
Pascal Moesch, avocat de l'entreprise familiale de 105 ans, a déclaré à la RTS que l'entreprise estimait qu'il s'agissait généralement d'une «interruption du travail - qu'il s'agisse d'une pause toilette, d'une pause repas, d'une pause repos, d'une pause téléphone (ou) d'une promenade dans la nature. Quelle que soit la raison de la pause, il faut pointer ».
Le tribunal a déclaré que si le droit suisse est plus clair sur des questions telles que l'hygiène des toilettes et le droit des chefs d'entreprise de prendre des décisions adaptées aux besoins spécifiques de leur entreprise, une «lacune» subsistait en ce qui concerne les pauses toilettes, ce qui laissait entendre que les législateurs pourraient devoir intervenir pour la combler.
Dans son arrêt, le tribunal écrit que «le droit suisse ne mentionne pas le droit des employés d'aller aux toilettes, alors qu'il s'agit d'un besoin physiologique fondamental».
Singer n'est pas le seul, bien qu'il ne soit pas certain que de telles politiques soient très répandues. Deux filiales du groupe Swatch, de renommée mondiale, ont également demandé à leurs employés de pointer pour aller aux toilettes, mais la société mère a déclaré qu'elle n'était pas au courant d'une telle violation de la politique de l'entreprise ― et qu'elle y a immédiatement mis fin.
«Nous ne demandons pas à nos employés de pointer lorsqu'ils utilisent les toilettes», a déclaré le service de presse de Swatch dans un courriel adressé à l'Associated Press.
«La semaine dernière, nous avons été informés de deux cas isolés dans notre groupe où cela s'était néanmoins produit, a-t-il ajouté. Dès que nous avons été informés de cette pratique, nous avons immédiatement mis la situation en conformité avec les normes du groupe dans les deux entreprises en question.»