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«À notre avis, ces hypothèses sont trop optimistes et pourraient compromettre l’atteinte des objectifs de la Stratégie canadienne pour l’hydrogène».
Le gouvernement fédéral a surestimé l'apport que pourrait jouer l'hydrogène dans l'atteinte des cibles climatiques du Canada en se basant sur des «hypothèses irréalistes», conclut le commissaire à l'environnement, Jerry DeMarco.
«À notre avis, ces hypothèses sont trop optimistes et pourraient compromettre l’atteinte des objectifs de la Stratégie canadienne pour l’hydrogène», peut-on lire dans un rapport publié mardi par son bureau.
Ce constat «soulève des questions» quant à l'approche globale du gouvernement en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), a ajouté M. DeMarco en point de presse.
«Leur optimisme est justifié dans le sens que nous devons entreprendre des changements majeurs. Notre critique est qu'on ne peut présumer que ces changements vont seulement arriver. Cela doit se baser sur des efforts fédéraux pour que les hypothèses deviennent réalité», a résumé le commissaire.
Son équipe s'est penchée sur les chiffres avancés par le ministère des Ressources naturelles pour estimer le potentiel de l'hydrogène afin de réduire les émissions de GES.
Le rapport souligne que le ministère mise sur un «scénario transformateur» évaluant que le recours à l'hydrogène pourrait permettre une réduction allant jusqu'à 15 %, mais que des données moins encourageantes ont été écartées.
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«Nous avons constaté que dans l'un de ses rapports sur les demandes croissantes en hydrogène, Ressources naturelles Canada estimait qu'en 2030, l'hydrogène ne représenterait que 0,5 % de la cible de 2030 et 5,5 % de la cible de 2040. Le ministère n'a pas trouvé cette projection attrayante et a choisi d'adopter des chiffres plus ambitieux dans la modélisation de la Stratégie canadienne pour l'hydrogène», relève-t-on.
Qui plus est, les auteurs déplorent que le «scénario transformateur» de Ressources naturelles Canada repose notamment sur des «politiques audacieuses et parfois inexistantes» dont il présumait l'adoption.
L'équipe du commissaire a aussi relevé que plusieurs coûts associés à la production d'hydrogène n'ont pas été pris en compte. En effet, on note que Ressources naturelles Canada a «supposé un prix de l'électricité très faible dans l'ensemble des provinces» et a négligé des coûts reliés aux infrastructures nécessaires.
Par ailleurs, les auteurs ont réalisé que le ministère des Ressources naturelles et celui de l'Environnement - aussi critiqué dans l'audit - n'arrivent pas aux mêmes projections de réduction des émissions de GES au moyen de l'hydrogène.
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«C'est un peu ridicule d'avoir deux bateaux qui passent dans la nuit: un avec Ressources naturelles Canada et un (autre) avec Environnement et Changement climatique Canada. Ils ont besoin de travailler ensemble et être réalistes avec leurs hypothèses pour qu'ils puissent avoir un plan solide qui va atteindre les cibles», a commenté M. DeMarco.
Le rapport, qui fait partie d'une série de cinq audits déposés mardi, recommande à Ottawa de retourner à la table à dessin en effectuant une modélisation qui prend notamment en compte la réduction d'émissions par secteur et le «déploiement réalisable des technologies et des infrastructures de soutien».
Le ministre de l'Environnement, Steven Guilbeault, a affirmé en mêlée de presse qu'il était prêt à en faire plus et qu'il accueillait les recommandations de M. DeMarco «favorablement», tant dans le dossier de l'hydrogène que sur d'autres enjeux.
«Les projections de réduction d'émissions [et] la modélisation, c'est quelque chose d'excessivement complexe. Nous travaillons à améliorer ça de façon continuelle. Dans le plan de réduction que nous avons déposé, il y a quelques semaines, la transparence et la rigueur a été saluée par à peu près tous les acteurs», a-t-il plaidé.
Aux yeux du chef bloquiste Yves-François Blanchet, le gouvernement Trudeau manque de sérieux en abordant l'hydrogène comme «la saveur du mois», ce qu'il lui reproche aussi de faire en ce qui a trait à la séquestration de carbone.
«La réalité, c'est que dans l'un et l'autre cas, les technologies sont incertaines […] et ça peut servir à des secteurs précis', a-t-il dit avant de se rendre à la période des questions.
Le néo-démocrate Charlie Angus a pour sa part soutenu que les libéraux ont «fait des promesses, mais ignoré la nécessité de mettre en place des réponses crédibles».
Les conservateurs n'ont pour leur part pas réagi publiquement aux rapports du commissaire à l'environnement.
Dans l'un de ses audits, le bureau du commissaire à l'environnement identifie des lacunes dans la tarification du carbone d'un bout à l'autre du pays. Par exemple, les auteurs évaluent que les critères fédéraux à l'égard des programmes provinciaux visant les grands émetteurs sont «peu contraignants».
«Environnement et Changement climatique Canada a déterminé que les programmes provinciaux étaient suffisamment rigoureux dans la mesure où les évaluations laissaient clairement présager que la mise en œuvre des programmes n’entraînerait pas plus d’émissions qu’un scénario sans système de tarification», peut-on lire.
Des faiblesses seront corrigées par une mise à jour pour 2023 à 2030 qui a été annoncée, mais les experts jugent ces améliorations insuffisantes.
«Les provinces et territoires continueront de pouvoir adapter les normes de rendement à leur propre situation, sans être tenues d’égaler le niveau d’efficacité du programme fédéral ou de répondre à une norme de rendement minimale. Les spécialistes ont aussi souligné le fait que la mise à jour du modèle fédéral n’avait pas traité adéquatement la question des normes de rendement faible.»
Le bureau du commissaire estime aussi que les groupes autochtones ainsi que les petites et moyennes entreprises encaissent un fardeau disproportionné des effets de la tarification du carbone.