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«Ce que je veux, c’est qu’il y ait des résultats.»
Le premier ministre François Legault affirme que le gouvernement fédéral devrait forcer la moitié des 160 000 demandeurs d'asile présents au Québec à déménager dans d'autres provinces.
«Ce que je veux, c’est qu’il y ait des résultats. Donc oui, que ce soit obligatoire, mais c'est au gouvernement fédéral à gérer ça», a-t-il déclaré lors d'une mêlée de presse dans les bureaux de la Délégation générale du Québec à Paris, mercredi.
Le premier ministre maintient que «ce n'est pas logique» que le Québec ait reçu 45 % des demandeurs d'asile alors que la province ne compte que 22 % de la population canadienne.
Mardi, il avait confirmé que son gouvernement avait demandé à Ottawa d'instaurer des «zones d'attente» pour les demandeurs d'asile comme il se fait dans l'Hexagone.
M. Legault fait du thème de l'immigration un élément central de sa visite à Paris et entend bien aborder la question lorsqu'il sera reçu à Matignon, jeudi, par le nouveau premier ministre français, Michel Barnier.
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Appelé à réagir, le ministre fédéral de l'Immigration, Marc Miller, n'y est pas allé de main morte. Selon lui, l'idée évoquée mercredi par le premier ministre Legault est «insensée, pas raisonnable». Cela pourrait même être interprété comme «inhumain», a-t-il renchéri.
«Ce que M. Legault est en train de dire, c'est: "débarrassez-nous de ces gens-là", a-t-il résumé. Sachez que c'est des gens qui ont peut-être déjà des racines au Québec, qui ont peut-être du logement. Est-ce qu’il nous demande d'aller les chercher chez eux puis les envoyer, les refouler en Ontario? Je pense qu'il faut être très précis dans sa pensée», a-t-il dit lors d'une mêlée de presse à sa sortie de la réunion du caucus libéral, à Ottawa.
Selon le ministre, les commentaires de M. Legault sont «en ligne avec sa pensée» et «ce n'est pas nécessairement non plus un enjeu de langue».
«Quand on les a approchés pour faire part à notre initiative de réunification familiale avec des familles haïtiennes, ils nous ont dit: “non”, ils nous ont dit: “faites ça en Ontario, faites ça dans le reste du Canada, on ne veut rien savoir”. C'est des gens qui parlent français», a-t-il noté.
Ottawa estime pour sa part qu'il pourrait répartir les demandeurs d'asile sur une base volontaire. Si cette répartition était équitable et que le programme fédéral fonctionnait à plein régime, le Québec recevrait environ 47 000 demandeurs d'asile en moins, ce qui amènerait leur nombre à une proportion équivalant à la taille de la population québécoise au pays.
Au cabinet de M. Miller on assure également qu'il est faux de penser qu'Ottawa forcerait des provinces à recevoir davantage de demandeurs d'asile.
Ottawa y va avec la carotte en offrant des incitatifs financiers pour les provinces qui veulent aider, mais aussi avec le bâton en menaçant de réduire notamment le nombre d'immigrants économiques que reçoivent les provinces qui résistent à coopérer à l'effort alors que nombre d'entre elles demandent davantage de places pour sélectionner des immigrants.
«Si une province est disposée à travailler avec nous sur nos priorités, elle pourrait obtenir plus de places pour désigner des immigrants qui profiteraient à son économie - contrairement aux provinces qui ne sont pas disposées à travailler avec nous», a déclaré Aissa Diop, la directrice des communications du ministre Miller.
Une chose est sûre, François Legault dépasse les bornes lorsqu'il évoque des déménagements forcés, estiment Québec solidaire (QS) et le Parti libéral du Québec (PLQ).
«On ne peut pas manu militari, face à des êtres humains qui sont en détresse, qui sont réfugiés, commencer à se saisir d'eux et à les garrocher», s'est insurgé en point de presse à Québec le chef intérimaire du PLQ, Marc Tanguay.
M. Legault «lance des propositions vraiment inquiétantes depuis la France», a acquiescé le député Guillaume Cliche-Rivard, de QS. Il croit que le premier ministre québécois manque de «jugement» et de «compassion».
«On va forcer du monde à rentrer dans un autobus? (...) Comment on va les choisir? Qui reste? Qui part?» a-t-il demandé.
«Il y a un moment donné où ça va trop loin. D'alléguer (...) des départs obligatoires, pour moi, ça dépasse la ligne. On parle de gens (...) qui sont venus demander la protection.
«Là, on va laisser poindre l'idée qu'on va les forcer de quitter une fois installés. Pour moi, ça ne fonctionne pas. Le premier ministre dépasse les bornes. Qu'il mette de l'avant des propositions constructives!» a-t-il ajouté.
M. Cliche-Rivard propose d'offrir aux demandeurs d'asile de traiter leur demande plus rapidement, ou d'accélérer la réunification avec leurs familles, s'ils vont au Nouveau-Brunswick, par exemple.
«Peut-être qu'il y a des incitatifs en matière de logement? En matière d'emploi? Peut-être que les permis de travail sortent plus vite? Il y a plein d'affaires qu'on peut faire», a-t-il insisté.
- Avec des informations d’Émilie Bergeron, à Ottawa et de Caroline Plante, à Québec