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C'est une «erreur» bien trop courante de juger de l'engagement du Canada envers la sécurité militaire mondiale uniquement sur la base de ses budgets militaires.
C'est une «erreur» bien trop courante de juger de l'engagement du Canada envers la sécurité militaire mondiale uniquement sur la base de ses budgets militaires, a déclaré vendredi l'ambassadeur du président Joe Biden à Ottawa.
David Cohen a refusé de commenter un article du Washington Post selon lequel le premier ministre Justin Trudeau aurait déclaré en privé aux responsables de l'OTAN que le Canada n'atteindrait jamais l'objectif de dépenses de 2 % de son PIB, imposé aux membres de l'Alliance atlantique.
Mais l'ambassadeur américain avait beaucoup à dire sur la question de savoir si le Canada méritait sa vieille réputation de grippe-sous en matière de dépenses militaires.
«Je pense que ce serait une grave erreur, que trop de gens commettent, selon moi (…) qu'il faille en quelque sorte mesurer l'engagement du Canada par un seul indicateur, a déclaré M. Cohen. Je ne pense pas que ce soit juste.»
M. Cohen était le conférencier principal, vendredi, parmi plusieurs ambassadeurs américains passés et présents, avocats spécialisés en droit commercial et universitaires des deux pays réunis pour la conférence annuelle du «Canada-U.S. Law Institute» à Cleveland.
Le Canada prend ses propres décisions concernant les priorités et les enveloppes budgétaires, a-t-il rappelé. En 2014, il a volontairement accepté, avec une foule d'autres alliés, d'aspirer à l'objectif de 2 % initialement établi en 2006 par l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN).
Mais M. Cohen a suggéré que le soutien du Canada à l'Ukraine dans sa guerre contre la Russie et ses plans de renforcement de la défense de l'Arctique devraient avoir plus de poids dans le débat politique. «Chaque fois qu'il y a eu un besoin, le Canada est intervenu», a-t-il dit.
La défense de M. Cohen contraste avec l'évaluation de l'un de ses prédécesseurs, David Jacobson, qui déclarait lors du banquet de remise des prix, la veille, qu'il craignait les conséquences de ce qu'aurait dit M. Trudeau.
M. Jacobson, qui a été ambassadeur de Barack Obama à Ottawa de 2009 à 2013, a déclaré que l'article du «Washington Post» pourrait rendre plus difficile pour le Canada et les États-Unis de résoudre les futurs irritants bilatéraux.
Peter MacKay, qui a été ministre canadien de la Défense nationale pendant six ans, sous le gouvernement conservateur de Stephen Harper, souligne que M. Trudeau n'a pas nié le contenu de l'article du Post.
«Il est remarquable que le premier ministre n'ait pas profité de l'occasion pour clarifier ou contextualiser ou dire que ce n'est tout simplement pas vrai. Et ainsi, toute cette affaire s'envenime», a déclaré M. MacKay à Cleveland.
«Je garde encore un peu d'espoir que nous entendrons quelqu'un au gouvernement dire, en fait, que nous atteindrons notre (objectif) de 2 %, ou nous continuerons d'aspirer à l'atteindre.»
L'article du Post était basé sur un document provenant de documents secrets du Pentagone divulgués ces dernières semaines sur un forum de discussion en ligne pour les amateurs de jeux vidéo.
Le Post a indiqué que le document non signé et non daté, que La Presse Canadienne n'a pas consulté, mentionne des lacunes militaires «répandues» au Canada qui causent des frictions avec ses partenaires et ses alliés.
Alors que l'OTAN presse depuis longtemps bon nombre de ses membres à atteindre son objectif de 2 %, les dépenses militaires aux États-Unis représentent environ 3,3 % d'un PIB qui est 13 fois celui du Canada. En comparaison, le gouvernement canadien consacre actuellement environ 1,4 % du PIB à la défense.
«Ce qui va se passer, c'est que la population américaine va se dire: pourquoi devrions-nous défendre le monde?», a soutenu l'ex-ambassadeur Jacobson. «À un moment donné, les gens vont dire: Eh bien, nous avons tous ces parasites — je déteste utiliser ce terme — et nous n'allons plus le faire.»
Cette tournure de phrase rappelle Donald Trump, qui a fréquemment semoncé les alliés de l'OTAN pour avoir compromis l'alliance – et qui se présente à nouveau pour la présidence américaine l'année prochaine.
L'article du Post n'a pas détaillé les commentaires de M. Trudeau, mais il évoquait les plaintes d'un certain nombre d'alliés au sujet de lacunes perçues au sein de l'armée canadienne.
L'OTAN, par exemple, serait «préoccupée» par le fait que le Canada n'a pas renforcé les rangs de son groupement tactique en Lettonie, qui fait partie d'une mission multinationale de dissuasion en Europe de l'Est.
Par ailleurs, la Turquie aurait été «déçue» par le «refus» apparent du Canada d'aider à transporter de l'aide après le violent tremblement de terre plus tôt cette année, tandis qu'Haïti est «frustré» par la réticence du Canada à monter une mission de sécurité là-bas, écrivait le Post cette semaine.
Mais l'ambassadeur Cohen estime que la «trajectoire» des dépenses militaires du Canada s'est améliorée graduellement au cours des dernières années.
Le gouvernement libéral s'est engagé à consacrer près de 40 milliards $ à la modernisation du NORAD et à la défense nord-américaine, et il a annoncé 8 milliards $ de dépenses militaires dans le budget de 2022.
«Dans la vision du monde de Joe Biden, aucun pays ne devrait être jugé ou évalué seulement pour ce qu'il fait dans le secteur de la défense, a déclaré M. Cohen. La question est de savoir: quel genre de partenaire êtes-vous? Nous pensons que le Canada et les États-Unis sont inextricablement liés.»
Quant à la Lettonie, la ministre de la Défense, Anita Anand, a indiqué que le Canada avait lancé un appel d'offres urgent pour équiper ses troupes de systèmes de défense antichar, antidrone et antiaérien.
Le Post écrit aussi que l'armée canadienne avait averti en février qu'une opération militaire majeure serait actuellement impossible, compte tenu du déploiement en Lettonie et du soutien militaire continu du Canada à l'Ukraine dans sa guerre contre la Russie.
Les États-Unis ont par ailleurs hâte de trouver quelqu'un pour diriger une mission de soutien multinationale en Haïti, pays ravagé par les gangs criminels, et les responsables ont même désigné le Canada comme une option valable.
Mais l'ex-ambassadeur Jacobson croit que la question du rôle du Canada en Haïti est moins un désaccord bilatéral qu'une question sérieuse sur la capacité militaire canadienne. «Vous avez encore moins de chars, de soldats et de balles si vous dépensez 1,4 % de votre PIB.»