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Le géant japonais du jeu vidéo Nintendo lance vendredi le dernier épisode de Zelda, sa saga créée il y a près de 40 ans, misant sur l'engouement qu'elle suscite pour soutenir les ventes de sa console Switch vieillissante.
Le géant japonais du jeu vidéo Nintendo lance vendredi le dernier épisode de Zelda, sa saga créée il y a près de 40 ans, misant sur l'engouement qu'elle suscite pour soutenir les ventes de sa console Switch vieillissante.
Un elfe en tunique verte armé d'une épée, une princesse à sauver: alors que ce nouveau volet, intitulé Tears of the Kingdom, déchaîne déjà les passions avec des millions de vues pour chaque extrait vidéo publié sur internet, comment expliquer le succès de la série inventée par Shigeru Miyamoto, créateur vedette de Nintendo et du personnage Mario?
«Il est difficile de mettre des mots sur ce qui fait l'aspect unique de Zelda», déclare à l'AFP Katsuhiko Hayashi, rédacteur en chef du magazine spécialisé Famitsu, une institution au Japon. «Il y a les puzzles à résoudre, les éléments d'action, un univers propre» à la série.
Le premier épisode de La légende de Zelda, sorti en 1986, détonnait à l'époque en abandonnant le joueur quasiment sans indications au milieu d'une vaste contrée parsemée de forêts, lacs, grottes et montagnes, inspirée des explorations d'enfance dans la campagne nippone de Miyamoto, qui s'est aussi dit influencé par les aventures d'Indiana Jones.
Sorti quelques mois seulement après Super Mario Bros, il est à l'opposé du célèbre jeu de plateformes où le plombier moustachu court simplement de gauche à droite: ce titre encourageait le joueur à explorer, découvrir et cartographier son univers et relever ses défis, explique Mark Brown, qui analyse sur sa chaîne YouTube la conception des jeux.
«À l'époque, les jeux n'en étaient qu'à leurs balbutiements, mais Zelda offrait cette excitation, cet émerveillement de vivre une aventure», dit M. Hayashi. Il y avait déjà toute une mise en scène, les portes de donjons qui claquent (...), un game design déjà abouti».
Le succès du jeu -dont le nom de la princesse est emprunté à la romancière américaine Zelda Fitzgerald- est immédiat, et son univers charmera des générations de joueurs mais aussi de créateurs de jeux.
La série, riche d'une vingtaine d'épisodes principaux distribués sur toutes les consoles successives de Nintendo, s'est vendue à ce jour à 125 millions d'exemplaires dans le monde.
Crédit photo | Paul Fong, AFP
Au tournant des années 2010, Zelda connaît cependant une crise d'identité, illustrée par des épisodes de plus en plus linéaires. En cherchant à conquérir un public plus large, elle perd son identité et les ventes s'en ressentent.
«L'équipe de développement avait un sentiment de crise» qui l'a amenée à «repenser les fondamentaux», raconte M. Hayashi. «C'était une période difficile pour Nintendo qui a procédé par tâtonnements en faisant divers essais.»
Le résultat de ces réflexions aboutit à Breath of the Wild, un jeu en monde ouvert, bouffée d'air frais dans la série qui renoue avec la liberté des débuts.
Lancé en 2017 en même temps que la console Switch, c'est de loin le Zelda le plus vendu (29 millions d'unités).
«Ce jeu a vraiment placé la barre très haut pour le genre action-aventure en monde ouvert, et Zelda est toujours au sommet du genre», pense M. Hayashi.
Nintendo compte sur le nouvel épisode de sa saga pour soutenir son activité en 2023/2024, alors que les ventes de Switch -qui entre dans sa septième année de commercialisation- sont attendues en net repli de 16,5%, à 15 millions d'unités, selon ses prévisions publiées mardi.
Le nouveau Zelda devrait être «de loin le plus gros contributeur aux ventes de Nintendo pour cet exercice», anticipe ainsi Serkan Toto, analyste du cabinet Kantan Games.
Pour Charles-Louis Planade, analyste chez Midcap Partners, il pourrait même devenir «la meilleure vente historique» de cette licence.
«C'est un jeu qui peut s'approcher du milliard de dollars de revenus, c'est très conséquent pour une société qui fait un chiffre d'affaires d'un peu plus de 10 milliards par an», dit-il à l'AFP.
Au global, pour son exercice 2023/2024, Nintendo s'attend à un bénéfice net de 340 milliards de yens (3,4 milliards de dollars canadiens), ce qui serait une chute de 21% sur un an.
En près de quarante ans d'existence, Zelda, la série de jeux vidéo d'action-aventure de Nintendo a influencé un grand nombre de créateurs par ses mécaniques ou son univers à part. En voici quelques exemples:
«Zelda est une référence et même une bible» pour les développeurs, affirme Katsuhiko Hayashi, rédacteur en chef du magazine japonais spécialisé Famitsu.
«Beaucoup de jeux ont cherché à reprendre des éléments de titres influents comme DOOM, Metroid ou Metal Gear Solid», rappelle à l'AFP Mark Brown, qui analyse la conception des jeux sur sa chaîne YouTube «Game Maker's Toolkit».
Crédit photo | Paul Fong, AFP
Mais Zelda, dit-il, a toujours été différent: «les développeurs ont souvent été inspirés par une sensation plus générale qu'ils évoquaient, faite d'exploration, d'aventure, de mystère, de surprise et de progression» du héros.
Parmi les créateurs ayant «confessé leur amour pour la série et créé des jeux inspirés de leur expérience», il cite Hideki Kamiya (Okami), Hidetaka Miyazaki (Dark Souls) ou Fumito Ueda (Ico). «Plus récemment, on a aussi vu des développeurs indépendants qui ont aimé Zelda dans leur enfance tenter de capturer ces sensations dans leurs créations», comme «Fez» ou «Tunic».
De Grand Theft Auto à Skyrim, les jeux en «monde ouvert», qui permettent de se déplacer librement et d'interagir à l'envi dans un monde immense, sont aujourd'hui légion.
Cet élément était déjà présent dans le premier Zelda en 1986, explique Kiyoshi Tane, auteur spécialiste de l'histoire des jeux vidéo: «l'échelle du jeu était énorme à une époque où la plupart des jeux se terminaient en une heure ou deux. La carte était conçue avec un réel accent mis sur l'exploration et, de ce point de vue, c'était en quelque sorte le pionnier de ce qu'allaient devenir les jeux en monde ouvert».
Le dernier épisode en date de la série - Breath of the Wild, sorti en 2017 - «est arrivé à un moment où les gens commençaient à se lasser du monde ouvert» et a contribué à le réinventer, dit aussi M. Tane.
Il «a remis en question de nombreuses idées préconçues, par exemple en faisant confiance aux joueurs pour explorer par eux-mêmes (l'univers), au lieu de lister tous les points d'intérêt sur la carte», détaille Mark Brown.
En travaillant sur Ocarina of Time, le premier volet en 3D sorti en 1998, ses créateurs se heurtent à un problème de taille: comment permettre au joueur de viser facilement un ennemi avec précision dans un univers en trois dimensions?
Le déclic vient aux développeurs de Nintendo en regardant un film de samouraïs, dont le héros est entouré de ninjas qu'il affronte l'un après l'autre. Un ennemi lui lance son kusarigama (une faucille reliée à une chaîne) et se déplace en cercle autour du héros, à qui il est lié par cette chaîne tendue.
Ces observations les mènent à la création d'un système dit «visée Z»: celui-ci replace la caméra derrière le héros automatiquement et l'aide à se focaliser sur un personnage à qui il souhaite parler ou sur un ennemi à attaquer.
«C'était vraiment la solution parfaite», estime Kiyoshi Tane. «Par la suite, les jeux d'action se sont multipliés -y compris sur d'autres consoles- en adoptant le même principe. Peut-être que sans Ocarina of Time, les jeux sur PlayStation et Xbox auraient été très différents.»