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Une mutation génétique qui semble protéger une infime minorité de la population islandaise contre la maladie d’Alzheimer ouvre la voie à une thérapie génétique pour combattre ce trouble neurodégénératif, laissent espérer les travaux d’un chercheur de l’Université Laval.
Utilisant une version améliorée de l’outil d’édition génomique CRISPR, le professeur Jacques-P. Tremblay et ses collègues ont réussi, lors d’expériences en laboratoire, à éditer le génome de cellules humaines pour y introduire la mutation islandaise.
« C’est vraiment une mutation très rare, a dit le professeur Tremblay, au sujet de cette mutation qu’on retrouve chez 0,1 % de la population islandaise. Dans le fond, c’est un phénomène naturel et les gens qui ont cette mutation semblent être capables de vivre un peu plus vieux et il n’y a pas d’effets adverses d’avoir cette mutation-là. »
La mutation semble interférer avec la formation des plaques amyloïdes qui finissent par engommer le cerveau des victimes de la maladie d’Alzheimer, menant aux pertes de mémoire et aux troubles cognitifs qui caractérisent la maladie.
Le professeur Tremblay entrevoit que la mutation islandaise puisse un jour être utilisée pour modifier de manière préventive le génome des individus les plus à risque de développer l’alzheimer, notamment ceux qui ont des antécédents familiaux de la maladie et chez qui les premières pertes de mémoire peuvent survenir dès l’âge de 35 ou 40 ans.
On pourrait ensuite envisager de traiter les personnes atteintes de la forme la plus courante de la maladie d’Alzheimer, celle qui se manifeste habituellement après l’âge de 65 ans. La découverte ne permettrait toutefois pas de revenir en arrière et de réparer les dommages déjà causés par la maladie.
« Les gens en Islande qui ont cette mutation ne développent pas les formes sporadiques de la maladie d’Alzheimer qui se produisent après 65 ans, alors que tous les cinq ans on double nos chances d’Alzheimer; ça ne se produit pas dans ces gens-là », a souligné le professeur Tremblay.
Le chercheur envisage qu’on puisse un jour envoyer des virus non infectieux modifier le génome des millions de cellules que contient le cerveau. La prochaine étape de ses travaux consistera à tester cette approche chez des souris qui expriment la maladie d’Alzheimer.
La technique d’édition génique utilisée par le professeur Tremblay, appelée « Prime editing » en anglais, permettrait en principe « de corriger de nombreux points de mutation responsables de maladies héréditaires », a-t-il ajouté.
Son laboratoire étudie ainsi comment on pourrait l’utiliser pour traiter la dystrophie musculaire de Duchenne, puisque chez 30 % des patients cette dystrophie est attribuable à une mutation ponctuelle.
« Il y a un seul nucléotide de changé (...) et ils ne produisent pas la protéine qui s’appelle la dystrophine, a dit le professeur Tremblay. On est capable d’aller corriger cette mutation ponctuelle, on est capable de faire ça dans des cellules de patients Duchenne actuellement. C’est une autre avenue extrêmement intéressante de recherche. »
Il y a 7000 maladies héréditaires dans le monde, a-t-il ajouté en conclusion, et bon nombre d’entre elles sont attribuables à l’altération d’un seul nucléotide.
Les détails de cette étude sont publiés dans la revue The CRISPR Journal.