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Les journalistes de The Associated Press Mstyslav Chernov et Evgeniy Maloletka ont passé plus de deux semaines à couvrir le siège de la ville ukrainienne.
Ils se disent parmi les derniers journalistes à avoir foulé le territoire de la ville assiégée de Marioupol. Et ce à quoi ils ont assisté donne froid dans le dos.
Les journalistes de The Associated Press Mstyslav Chernov et Evgeniy Maloletka ont passé plus de deux semaines à couvrir le siège de la ville ukrainienne.
Du 23 février jusqu’à leur évacuation survenue le 15 mars dernier, ils ont décrit le quotidien de la ville bombardée. Chernov, un Ukrainien qui a notamment couvert la guerre en Irak et en Afghanistan, fait le point sur ces deux semaines traumatisantes.
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«Je savais que les Russes reconnaissaient le potentiel stratégique de Marioupol, en raison de sa proximité avec la mer d’Azov. Le 23 février, Evgeniy Maloletka et moi nous sommes donc dirigés vers la ville», raconte Chernov. «[Sur le chemin], nous avons discuté avec deux hommes dans une épicerie ouverte 24 heures sur 24 et leur avons expliqué que nous nous rendions pour couvrir la guerre. Ils nous ont regardés comme si nous étions fous. Nous sommes arrivés à Marioupol à 3h30 du matin. Une heure plus tard, la guerre commençait.»
Photo: Une femme dont le mari a été tué lors d'un bombardement à Marioupol dans un hôpital de la ville. Crédit : The Associated Press / Mstyslav Chernov
Au fil des jours, les journalistes couvrent les raids aériens et le quotidien des habitants de Marioupol. «Une bombe à la fois, les Russes ont coupé les accès à l’électricité, à l’eau, aux réserves de nourriture et, finalement, aux réseaux cellulaires, de télévision et de radio», explique Chernov. Les quelques autres journalistes présents dans la ville sont partis peu avant la disparition des derniers signaux.
Photo: Le journaliste de The Associated Press Evgeniy Maloletka aide un ambulancier à transporter une femme blessée lors d'un bombardement à Marioupol le 2 mars 2022. Crédit : The Associated Press / Mstyslav Chernov
De leur côté, les collègues de The Associated Press sont demeurés à l’affût de moindres traces de réseau cellulaire. «Il restait une place avec du réseau, à l’extérieur d’une épicerie qui avait déjà été pillée. Une fois par jour, nous nous y rendions et nous cachions au-dessous d’un escalier pour partager nos photos et nos vidéos. L’escalier ne nous aurait sans doute pas vraiment protégés. Mais nous nous y sentions plus en sécurité qu’à l’extérieur», indique Chernov.
Chernov et Maloletka ont vu plus de morts qu’ils ne peuvent en compter. Ils ont entre autres couvert l’attaque d’un hôpital de maternité. Leurs efforts représentaient l’une des dernières lueurs d’espoir pour les habitants de la ville. «Les docteurs nous suppliaient de filmer les familles qui leur amenaient leurs propres morts et blessés, ils nous laissaient même utiliser leurs génératrices chancelantes pour alimenter nos caméras, raconte Chernov. Ils soutenaient que personne ne savait ce qui se passait dans leur ville.»
Photo: Eveniy Maloletka prend en photo le corps d'une jeune fille tuée lors du bombardement d'une zone résidentielle de Marioupol à l'hôpital de la ville le 27 février 2022. Crédit photo : The Associated Press / Mstyslav Chernov
Pour les dernières nouvelles sur la guerre entre la Russie et l'Ukraine, voyez le dossier Noovo Info.
Photo: Des corps sont enfouis dans une fosse commune aux abords de Marioupol le 9 mars 2022. Crédit photo : The Associated Press / Mstyslav Chernov
Les journalistes de The Associated Press ont fini par être évacués de Marioupol par des soldats ukrainiens le 15 mars. Un policier qu’ils avaient rencontré à leur arrivée et qui les avait suppliés de rapporter au reste du monde le quotidien de la ville assiégée leur a expliqué la raison de leur évacuation : «Si les soldats russes vous capturent, ils vont vous faire dire que tout ce que vous avez filmé était un mensonge. Et tout ce que vous aurez fait pour Marioupol aura été en vain.»
Ce n’est pour autant pas un sentiment de soulagement qu’ont ressenti Chernov et Maloletka en quittant Marioupol.
«Je n’ai pas ressenti ça comme une opération de sauvetage. J’ai plutôt eu l’impression d’être dirigé d’un danger vers un autre. Je me suis senti incroyablement reconnaissant envers les soldats, mais aussi vide. Et honteux de partir.»
Photo: Une automobile dont se sont servis Mstyslav Chernov et Evgeniy Maloletka à Marioupol. Crédit photo : The Associated Pres / Mstyslav Chernov