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L'astronaute de carrière et jusqu'ici détenteur du siège montréalais de Notre-Dame-de-Grâce, un bastion libéral, était au coeur d'une chicane du parti du gouvernement de Justin Trudeau sur le projet de loi C-13.
Estimant avoir gravi «toutes les montagnes», l'ancien ministre et astronaute Marc Garneau a annoncé mercredi à ses collègues qu'il tourne la page sur 14 ans de vie politique et démissionne immédiatement de son poste de député de Notre-Dame-de-Grâce-Westmount.
«Je me considère extraordinairement privilégié d'avoir pu travailler dans le Parlement du Canada, d'avoir servi mes concitoyens et concitoyennes montréalais, québécois et canadiens du meilleur de mon possible tant dans ma circonscription que dans cette auguste Chambre», a déclaré l'élu après s'être levé, en fin d'après-midi, pour prendre la parole aux Communes.
Le député montréalais avait fait l'annonce de son départ, plus tôt mercredi, à ses collègues libéraux. L'émotion dans sa voix se laissait sentir quand M. Garneau a échangé quelques mots auprès des journalistes en se rendant à la réunion hebdomadaire de son caucus.
«Mes 14 ans (comme député) furent magnifiques: sept ans dans l'opposition et sept ans dans le gouvernement, a-t-il dit. Et je comprends très bien que certains d'entre vous auraient préféré que je passe plus de temps d'un côté de la Chambre que de l'autre, mais sachez que je garde des souvenirs aussi précieux de mes sept premières années que des sept dernières.»
M. Garneau a été élu pour la première fois en 2008 comme député de Westmount--Ville-Marie. Il a ensuite remporté dès 2015 des élections dans la nouvelle circonscription de Notre-Dame-de-Grâce--Westmount.
Le député a précisé avoir informé ses proches, l'automne dernier, qu'il quitterait la vie politique une fois qu'il aurait pu déposer en Chambre le rapport final sur l'aide médicale à mourir, ce qui a été fait à la mi-février.
Voyez le récapitulatif de Louis-Philippe Bourdeau au bulletin Noovo Le Fil 17.
M. Garneau s'est excusé auprès de ses commettants de quitter avant la fin de son mandat. «J'espère qu'ils vont me pardonner cette décision personnelle», a-t-il lâché en point de presse, notant au passage qu'il approche les 74 ans.
L'ex-ministre, qui a été responsable du portfolio des Transports ainsi que des Affaires étrangères avant d'être rétrogradé député d'arrière-ban en 2021, était co-président du comité spécial sur l'aide médicale à mourir. «Compléter cette tâche était de la plus grande importance pour moi», a-t-il souligné.
Au cours des dernières semaines, le député a fait la manchette avec des prises de position controversées sur le projet de loi C-13 qui réforme la Loi sur les langues officielles où il a pris part à une charge visant à retirer toute référence à la Charte de la langue française du texte législatif de sa propre formation politique.
«Ce serait une grande erreur pour nous, en tant que députés fédéraux, dans un comité fédéral, examinant des lois fédérales, de laisser le champ libre au Québec pour faire tout ce qu'il pourrait vouloir faire en matière de langue au Québec», avait-il déclaré.
M. Garneau a plaidé être opposé à ce qu'une loi fédérale - dans ce cas-ci la Loi sur les langues officielles - réfère à une loi provinciale - ici la Charte de la langue française. Cela risque, selon lui, d'entraîner des «chicanes constitutionnelles sur l'interprétation de C-13». À l'époque, il menaçait même de voter contre ce projet de loi émanant de sa propre formation politique.
Devant les journalistes, il a nié que tant d'avoir été écarté du cabinet tant sa prise de position sur C-13 n'ont eu une influence sur sa décision de quitter. «Non, pas du tout», a-t-il lâché.
Et quant à ses positions sur la Charte de la langue française, il a admis être en conflit avec son parti et a insisté sur l'importance d'agir «par principe».
«Il y a beaucoup de gens qui n'iraient pas là parce qu'ils veulent éviter le conflit, ce n'est pas facile de prendre une position de principe et parfois même de se faire attaquer. Et ça a été le cas. (?) Il faut vivre avec ses principes. Il faut que je puisse dormir le soir.»
Le premier ministre Justin Trudeau s'est exprimé sur Twitter pour remercier cet «ami» qui lui manquera en Chambre.
«Premier Canadien à être allé dans l'espace, Marc Garneau nous a montré qu'on pouvait réaliser nos rêves. Comme politicien, il nous a aussi prouvé tout ce qu'il pouvait faire les pieds sur terre», a-t-il écrit.
Premier Canadien à être allé dans l’espace, @MarcGarneau nous a montré qu’on pouvait réaliser nos rêves. Comme politicien, il nous a aussi prouvé tout ce qu’il pouvait faire les pieds sur terre. Merci, mon ami. Tu nous manqueras en Chambre, mais on te souhaite bonne chance. pic.twitter.com/EIosOskklg
— Justin Trudeau (@JustinTrudeau) March 8, 2023
Le ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos, a dit avoir reçu la nouvelle comme «un grand choc».
«Quand je me suis présenté en 2015, c’était quelqu’un qui m’inspirait (venant) d’un milieu scientifique. Ingénieur, il a travaillé à la Marine royale canadienne. C’est une grande perte pour le caucus du Québec, mais je pense que ce l’est aussi pour les Canadiens», a-t-il dit.
Le lieutenant de Justin Trudeau au Québec, Pablo Rodriguez, a salué mercredi «un grand homme».
«C’est un homme qui a donné beaucoup à ses concitoyens, au Canada, après une carrière illustre qu’il a eue dans la marine, comme astronaute, comme président de l’Agence spatiale canadienne», a-t-il dit en refusant de confirmer si la démission est liée à ses prises de position sur la langue.
La ministre Mélanie Joly, qui lui a succédé aux Affaires étrangères, a affirmé à ce sujet que «la carrière de Marc Garneau est plus grande qu’un dossier».
«Je pense aussi que Marc a toujours été un homme très droit qui défendait ses propres convictions», a ajouté celle qui a précédemment eu le portefeuille des Langues officielles et qui est à l’origine de la réforme de la Loi sur les langues officielles.
Les élus libéraux interpellés mercredi ont tous exprimé l’admiration qu’ils avaient pour la longue carrière de M. Garneau dans le service public. L’Acadien René Arseneault, président du comité des Langues officielles, a qualifié M. Garneau de «héros».
«C’est un de mes héros nationaux», a-t-il souligné.
Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, a soutenu avoir d’abord «admiré» M. Garneau «comme citoyen alors qu’il était astronaute».
«C’est un homme qui a accompli de grandes choses et qui a une campagne de service public auprès (…) des Canadiens et des Canadiennes qui a duré toute sa vie», a-t-il résumé.
La députée montréalaise Soraya Martinez a déclaré se sentir «très heureuse et privilégiée d’avoir pu le côtoyer».
«Il nous a inspirés en ayant conquis l’espace au nom de tous les Canadiens et il a donné sa vie à l’engagement public», a-t-elle résumé.
Avant sa carrière politique, M. Garneau a été le premier astronaute canadien dans l’espace en 1984, ayant alors collaboré à la mission de la navette spatiale 41-G.
Il a également pris part à des missions en 1996, puis en 2000. Il cumule plus de 677 heures de vol dans l’espace.
Il a été élu deux fois dans Westmount--Ville-Marie, puis à trois reprises dans sa circonscription actuelle.
Son passage aux Affaires étrangères a été marqué par les efforts diplomatiques qui ont conduit au retour des Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor qui étaient emprisonnés en Chine et par l’opération d’évacuation de l’Afghanistan après la chute aux mains des talibans.
Aux transports, il a piloté les dossiers de la voie de contournement de Mégantic, de la Charte des voyageurs aériens et des difficiles remboursements des passagers qui ont annulé leurs vols en raison de la pandémie.