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Mais la communauté francophone locale se demande si ce regain sera suffisant pour assurer la sauvegarde de leur langue.
Le français connaît une certaine résurgence dans l'État du Maine, à proximité du Québec, en raison de l'immigration et d'un intérêt grandissant pour son patrimoine franco-américain.
Mais la communauté francophone locale se demande si ce regain sera suffisant pour assurer la sauvegarde de leur langue.
Pendant des décennies, Cécile Thornton était peu motivée à parler français. Née dans la communauté francophone minoritaire de Lewiston, dans le Maine, elle dit qu'elle et sa famille ont souvent été la cible de moqueries.
«J'avais honte de mes racines francophones, a-t-elle raconté, lors d'un récent entretien téléphonique en français. Il y avait beaucoup de gens qui se moquaient de nous.»
Mme Thornton, dont le nom de jeune fille est Desjardins, a épousé un anglophone et n'a pas enseigné le français à ses enfants. Cela a fini par disparaître de sa vie quotidienne et, selon elle, elle a perdu sa capacité à converser dans cette langue.
Cela a changé en 2016, lorsqu’elle a commencé à participer à des rencontres francophones animées par des immigrants locaux d’Afrique de l’Ouest. Mme Thornton dit que ces conversations l’ont inspirée à renouer avec sa langue maternelle. «La communauté africaine m'a aidée à me sentir fière d'être franco», a-t-elle déclaré.
Aujourd'hui âgée de 68 ans, Mme Thornton est devenue une défenseuse des francophones du Maine, faisant partie des nombreux membres de la communauté francophone de l'État qui s'efforcent de préserver leur langue et leur patrimoine.
Comme Mme Thornton, de nombreux Mainois francophones ont décidé de ne pas transmettre leur langue au XXe siècle. Les enfants qui parlaient français étaient confrontés à une répression encore plus forte. Une loi de 1919 interdisant l'enseignement en français «a eu un impact à long terme sur la façon dont les gens percevaient la valeur de leur langue», a déclaré Patrick Lacroix, directeur des Archives acadiennes, hébergées à l'Université du Maine à Fort Kent. Le Maine n'a abrogé la règle qu'en 1969.
Si l'assemblée législative du Maine a célébré la semaine dernière ce qu'elle a qualifié de «résurgence» de la langue française, les données du Bureau du recensement des États-Unis soulignent la vulnérabilité grandissante de la communauté francophone.
Environ 30 000 de ses 1,3 million des habitants du Maine parlaient le français à la maison en 2022, une chute d'environ 25 % par rapport à 2014.
Âgé de 76 ans, Don Lévesque, un membre de la communauté francophone du nord du Maine, dit que son optimisme sur l'avenir du français dans l'État change quotidiennement.
M. Lévesque est président du Club Français dans la ville de Madawaska, à la frontière avec le Nouveau-Brunswick, où il vit maintenant. Fondé dans les années 1990 par un groupe de résidants soucieux de la survie de leur langue, le Club Français propose aujourd'hui des programmes de français préscolaire et élémentaire parascolaire, ainsi que des cours de français conversationnels pour adultes, a-t-il précisé.
Ensuite, l'organisme souhaite créer davantage d'occasions pour les Acadiens du Maine de développer une vie sociale en français, par le biais d'activités telles que des soupers communautaires ou des soirées cinéma. Le Club Français prévoit également des excursions culturelles au Nouveau-Brunswick, a indiqué M. Lévesque.
Mais impliquer les jeunes résidents constitue un défi, a-t-il admis. «Parfois, j'ai l'impression d'être un dinosaure, a-t-il confié. Le dinosaure francophone dans un monde anglais.»
Une deuxième population francophone, dans le sud du Maine, descend des immigrants canadiens qui travaillaient dans les nombreux moulins de la région aux XIXe et XXe siècles. Jan Sullivan, une francophone d'origine qui dirige un groupe de conversation en français au Centre Franco des arts du spectacle de Lewiston, affirme que les nouveaux arrivants africains ont «réveillé» la langue dans la communauté.
Même si l’immigration a donné un élan bienvenu au français, elle pourrait ne pas suffire pour sauver la langue, a prévenu Mme Sullivan. «Je pense qu'elle survivra encore quelques années, plusieurs années, a-t-elle dit. Mais finalement, j'ai peur qu'elle meure.»
D’autres résistent au récit d’une culture en déclin inévitable. Parmi eux se trouve Susan Pinette, professeure à l'Université du Maine et directrice de son Centre franco-américain dans la ville d'Orono, l'une des nombreuses institutions de l'État œuvrant à faire connaître l'histoire de la communauté. En entrevue, elle a déclaré que le centre visait à contrer les représentations de perte linguistique et culturelle en mettant en lumière l’activisme franco-américain en cours.
«La communauté change et c'est une bonne chose, a-t-elle soutenu. Nous ne voulons pas (être) une pièce de musée de quelque chose qui est coincé dans le passé.»
M. Lacroix, des Archives acadiennes, convient que ce qu'il appelle le discours «pessimiste» ignore souvent les efforts locaux qui ont contribué à accroître la visibilité de la communauté acadienne du Maine et des organisations comme la sienne qui mettent en avant l'héritage franco-américain. «Je pense que nous attirons de plus en plus l'attention des citoyens de l'État, ce qui est vraiment la première étape avant même que nous puissions commencer à demander un plus grand soutien», a-t-il déclaré.
Malgré les défis auxquels est confronté le français dans le Maine, Mme Thornton a affirmé qu'elle gardait espoir pour son avenir. Elle a également encouragé les Québécois à chérir leur lien avec la langue.
«Si les Québécois conservent leur français et enseignent le français à leurs enfants, ce sera une très bonne chose pour la langue», a-t-elle soutenu.