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«Ces chiffres ne peuvent à eux seuls rendre compte des horreurs absolues perpétrées en Haïti.»
Plus de 5600 personnes ont été tuées en Haïti l'année dernière, alors qu'une mission soutenue par l'ONU et dirigée par le Kenya s'efforce de contenir la violence rampante des gangs, ont révélé des responsables mardi.
Le nombre de meurtres a bondi de plus de 20 % par rapport à l'année 2023, selon le Bureau des droits de l'homme des Nations unies. En outre, plus de 2200 personnes ont été blessées et près de 1500 ont été kidnappées.
«Ces chiffres à eux seuls ne permettent pas de rendre compte des horreurs absolues perpétrées en Haïti, mais ils illustrent la violence incessante à laquelle la population est soumise», a déclaré le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Türk.
Parmi les victimes figurent deux journalistes et un policier tués lorsque des hommes armés ont ouvert le feu sur une foule qui s'était rassemblée la veille de Noël pour la réouverture très attendue du plus grand hôpital public d'Haïti, l’hôpital universitaire de Port-au-Prince, que des gangs avaient forcé à fermer au début de l'année.
Au total, la violence des gangs a laissé plus de 700 000 Haïtiens sans abri ces dernières années, et beaucoup d’entre eux se sont entassés dans des abris de fortune et insalubres après que des hommes armés ont rasé leurs maisons.
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«J’ai vu des membres de ma famille se faire assassiner, et je ne pouvais rien faire pour les sauver», raconte Garry Joseph, 55 ans, qui vit aujourd’hui dans un bureau gouvernemental abandonné avec des centaines d’autres personnes qui ont fui leur quartier. «Tout le monde courait pour sauver sa vie la nuit où nous avons dû partir.»
Au nombre du bilan meurtrier de l'an dernier figurent plus de 200 personnes tuées début décembre dans un bidonville contrôlé par des gangs, dont de nombreux Haïtiens d'un certain âge, après qu'un chef de gang a cherché à venger la mort de son fils à la suite de rituels vaudou, selon les Nations unies. Il s’agit de l’un des plus graves massacres signalés à Port-au-Prince dans l’histoire récente.
«Il est temps qu’ils meurent, a déclaré Anita Jean-Marie à propos des membres des gangs criminels. Ils ont rendu la vie des gens insupportable.» Cette mère de deux garçons, âgée de 49 ans, vit dans un abri surpeuplé après que des gangs les ont chassés de chez elle. «Nous ne savons pas pourquoi ils se battent.»
On retrouve également parmi le bilan de l'an dernier 315 membres présumés de gangs ou personnes associées qui ont été lynchés et plus de 280 personnes tuées par la police lors d'exécutions sommaires présumées, a indiqué l'ONU.
«Il est clair depuis longtemps, que l’impunité pour les violations et abus des droits humains, y compris la corruption, restent répandues en Haïti», a déclaré M. Türk. Il a appelé à plus de soutien logistique et financier pour la mission soutenue par l'ONU qui a commencé début juin, alors que les États-Unis et d'autres pays appellent à une mission de maintien de la paix de l'ONU en bonne et due forme.
Environ 400 policiers kényans dirigent la mission soutenue par l'ONU et ont été rejoints il y a quelques jours par quelque 150 policiers militaires d'Amérique centrale, la majorité venant du Guatemala. La Jamaïque, les Bahamas et le Belize ont envoyé une poignée d'agents, tandis que d'autres pays, dont la Barbade, le Bangladesh et le Tchad, se sont engagés à faire de même, sans que l'on sache exactement quand ils seraient déployés.
Le nombre d'agents reste bien inférieur aux 2500 prévus pour la mission.
Autre coup dur pour la stabilité d'Haïti, le transporteur aérien Sunrise Airways a annoncé lundi qu'il suspendait temporairement ses vols à destination et en provenance de la capitale Port-au-Prince, contrôlée à 85 % par des gangs. Le transporteur n’a pas fourni de motif, affirmant seulement que la décision était basée sur des circonstances indépendantes de sa volonté, ajoutant que la sécurité des passagers et des membres d’équipage était une priorité.
Le principal aéroport international du pays est donc privé de vols commerciaux pour la troisième fois cette année.
«Il n’y a nulle part où aller», a déploré Garry Joseph, en soulignant que les gangs contrôlent également toutes les routes principales entrant et sortant de Port-au-Prince et ouvrent le feu au hasard sur les transports publics. «Personne n’est en sécurité dans ce pays, surtout à Port-au-Prince (...) Tout le monde compte ses jours.»
En novembre dernier, l'aéroport de Port-au-Prince a été fermé après que des gangs aient ouvert le feu sur trois avions, dont un appareil de Spirit Airlines en plein vol, blessant une agente de bord.
Bien que l'aéroport ait été rouvert depuis, l'Administration fédérale de l'aviation des États-Unis a prolongé en décembre l'interdiction des vols américains vers la capitale haïtienne jusqu'au 12 mars, pour des raisons de sécurité.
Rony Jean-Bernard, un ancien chauffeur de taxi-moto de 30 ans qui vit aujourd’hui dans un refuge surpeuplé, a déclaré que la violence des gangs l’avait contraint à dépendre de l’aide sociale. «Je vis de pain et de sucre la plupart du temps», a-t-il raconté, soulignant que les responsables gouvernementaux avaient cessé de distribuer des repas gratuits dans son refuge il y a environ quatre mois.
«Chaque jour est comme l’obscurité. Je ne vois pas où la vie me mène avec ce gouvernement en place qui promet que les choses s’amélioreront. J’entends cela tous les jours.»
Alors que la violence continue de s'aggraver, Volker Türk a appelé toutes les nations à mettre un terme aux expulsions vers Haïti.
«L’insécurité aiguë et la crise des droits humains qui en résulte dans le pays ne permettent tout simplement pas le retour sûr, digne et durable des Haïtiens. Et pourtant, les expulsions continuent», a-t-il déclaré mardi.
Sous l’administration du président américain Joe Biden, quelque 27 800 Haïtiens ont été expulsés, selon Thomas Cartwright, de l'organisme «Witness at the Border».
Pendant ce temps, la République dominicaine voisine, qui partage l’île d’Hispaniola avec Haïti, a expulsé plus d’un quart de million de personnes vers Haïti l’année dernière dans le cadre d’une répression continue contre les migrants.