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La Cour d’appel a annulé mercredi l’arrêt des procédures contre l’ex-juge octogénaire qui avait été ordonné par la Cour supérieure.
Dans un énième développement d’une affaire qui date de plus d’une décennie, Jacques Delisle sera jugé dans un deuxième procès pour le meurtre de son épouse. La Cour d’appel a annulé mercredi l’arrêt des procédures contre l’ex-juge octogénaire qui avait été ordonné par la Cour supérieure.
Noovo Info a obtenu une copie de la décision sur cette cause, portée en appel par le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP).
L’ex-juge patientait depuis plusieurs mois pour savoir s’il devait subir un deuxième procès en lien avec la mort de sa femme en 2009. Au cœur de cette tortueuse affaire: une faute grave commise par le pathologiste chargé de l’autopsie de la défunte.
Delisle avait été reconnu coupable en 2012 de meurtre au premier degré relativement au décès de Marie-Nicole Rainville. Il avait été condamné à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans.
L’homme soutenait à l’époque que sa femme s'était suicidée, tandis que la Couronne a plaidé que l'ancien magistrat lui avait tiré une balle dans la tête.
L'ex-juge avait passé neuf ans en prison avant d'être libéré, lorsque le ministre fédéral de la Justice à l'époque, David Lametti, avait ordonné la tenue d'un nouveau procès.
Une grande partie de l'affaire tournait autour de l'angle de tir de l'arme, qui pouvait confirmer ou déduire un suicide. Des questions sur la fiabilité de ces preuves ont permis d'ordonner la tenue d'un nouveau procès.
L'ex-magistrat s'était rendu jusqu'en Cour suprême pour tenter d'en appeler de ce verdict, mais le plus haut tribunal lui avait opposé une fin de non-recevoir en décembre 2013.
Jacques Delisle n'avait pas lâché prise pour autant, demandant en 2015 une révision au ministre de la Justice qui confiait alors le dossier au Groupe de la révision des condamnations criminelles.
Le rapport de ce dernier, basé sur les analyses de cinq pathologistes et de quatre experts en balistique concluait que le rapport d'autopsie présenté en preuve était déficient et critiquait sévèrement la perte de preuve parce que le cerveau de la victime, les coupes et la documentation photographique n'avaient pas été conservés.
En avril 2021, le ministre ordonnait la tenue d'un nouveau procès «car il était convaincu de l'existence de motifs raisonnables de croire qu'une erreur judiciaire s'était probablement produite», rappelle la Cour d'appel. Jacques Delisle avait dès lors pu recouvrer sa liberté.
Jacques Delisle avait toutefois demandé et obtenu, le 8 avril 2022, un arrêt des procédures ordonné par le juge Jean-François Émond, celui-ci estimant que la perte de cette preuve l'avait privé du droit à une défense pleine et entière.
Le banc de trois juges de la Cour d'appel, présidé par Martin Vauclair, reconnaît que «le juge n'a pas erré en concluant que la preuve était pertinente et importante et que sa perte résulte d'une négligence inacceptable de l'État».
Cependant, ajoute-t-il, «il a erré quant au caractère déterminant de cette preuve, un résultat irréconciliable avec sa propre conclusion sur la portée des expertises examinées. En effet, malgré les défaillances du dossier d'autopsie, les experts font la démonstration qu'il est possible de présenter, au sujet de la trajectoire du projectile, une preuve probante contraire à celle du pathologiste qui a procédé à l'autopsie initiale. Le préjudice n'est donc pas irrémédiable.»
D'après la Cour d'appel, «une directive au jury pourrait constituer une réparation juste et raisonnable. La jurisprudence établit que l'arrêt des procédures n'est pas la réparation appropriée si l'accusé peut néanmoins présenter adéquatement les faits qui soutiennent sa défense.»
«Il est frappant de constater que les experts ont réalisé leurs analyses et opinions à partir de la preuve, en dépit de la preuve perdue, précise le tribunal. Mais il demeure possible de présenter une preuve prépondérante selon laquelle la trajectoire n'est pas celle établie par le pathologiste.»
La Cour reconnaît toutefois que «l'État a contrevenu au droit à une défense pleine et entière de Delisle en raison d'une négligence inacceptable. Cependant, le fait qu'il soit privé de démontrer avec certitude la trajectoire du projectile ne justifie pas un arrêt des procédures.»
Bien qu'elle suggère d'inclure une directive au jury en lien avec la perte de la preuve, «la Cour préfère laisser le juge et les parties déterminer la réparation appropriée ou encore, toute autre réparation qui sera susceptible de pallier la négligence inacceptable de l'État ayant mené à la disparition de la preuve».
Rejoint par La Presse Canadienne, le Directeur des poursuites criminelles et pénales n'a pas voulu commenter cette décision.