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Les milliards d’aide gouvernementale accordés aux entreprises dans les 25 dernières années n’auraient pas contribué à accroître la productivité du Québec, qui traîne la patte par rapport aux autres économies développées, selon un rapport.
Les milliards d’aide gouvernementale accordés aux entreprises dans les 25 dernières années n’auraient pas contribué à accroître la productivité du Québec, qui traîne la patte par rapport aux autres économies développées, selon un rapport du Centre sur la productivité et la prospérité (CPP) de HEC Montréal.
Le Québec accuse un retard en matière de productivité par rapport à un échantillon de 19 économies de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), selon le bilan annuel «Productivité et prospérité au Québec» qui en est à sa 14e édition.
Le rapport, dévoilé mardi, souligne que la productivité du travail a augmenté en moyenne de 1 % par année de 1981 à 2022. Il s’agit d’un des rythmes les plus faibles parmi les économies développées. L’écart de productivité s’est ainsi creusé et la productivité est en moyenne 31 % plus élevée dans les pays développés. Autrement dit, chaque heure travaillée au Québec génère 23 $ de moins de produit intérieur brut (PIB), estime le rapport.
Le constat sur le retard du Québec en matière de productivité n’est pas nouveau en soi. Le directeur du CPP, Robert Gagné, voit dans cet écart la démonstration d’un échec des politiques industrielles du Québec depuis les 25 dernières années. «La sauce est mauvaise, mais on continue de produire la même sauce en se disant que ça va peut-être finir par marcher», déplore le professeur titulaire de HEC Montréal.
Les critères des aides gouvernementales ne correspondraient plus aux défis auxquels est confrontée l’économie québécoise, selon lui. Le rapport démontre qu’en 2022, 80 % des sommes allouées sous forme de crédit d’impôt étaient attribuées sur la base de l’emploi. «Le Québec est une société où la population vieillit, où le bassin de main-d'œuvre se rétrécit.»
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M. Gagné juge que la politique industrielle du Québec a été contre-productive en tentant d’identifier les secteurs qui méritaient un soutien. «On attire des ressources dans un secteur que des bureaucrates ont décidé que c'étaient des secteurs porteurs au détriment d'autres secteurs qui pourraient être tout aussi porteurs, mais qui n’ont pas accès à ce crédit d'impôt là.»
Le professeur n’a pas beaucoup de sympathie pour les entreprises qui argumentent qu’elles investiront ailleurs si elles n’obtiennent pas un soutien financier du gouvernement.
«En 2024, on peut peut-être se permettre que certains canards boiteux disparaissent, ajoute-t-il. Ça pourrait libérer des ressources pour d'autres entreprises qui en ont besoin et qui ne sont pas dépendantes de l'aide de l'État.»
Le rapport démontre qu’il se crée moins d’entreprises au Québec qu’en Ontario. Parallèlement, moins d’entreprises québécoises cessent leurs activités. Le CPP en vient à la conclusion que le tissu entrepreneurial se renouvelle moins au Québec. Des entreprises «zombies» resteraient trop longtemps en activité, malgré leur faible performance, grâce à l’aide de l’État.
«L'État maintient artificiellement en vie ces entreprises qui peut-être normalement ne seraient plus ici, ou seraient fermées ou seraient différentes, déplore M. Gagné. Le gouvernement les maintient dans une espèce de statut qui plombe notre productivité, donc notre niveau de vie.»
Le professeur croit que l’aide gouvernementale peut-être utile pour une entreprise en démarrage, mais il remet en question la pertinence d’accorder une aide durant de nombreuses années à une même entreprise ou industrie. «L'idée, ce n'est pas de tout arrêter et de ne rien faire», précise-t-il.
Le rapport donne en exemple l’aide accordée à l’industrie des multimédias, adoptée au milieu des années 1990. En importance, il restait le troisième crédit d’impôt destiné aux entreprises en 2022, ce qui représente une aide de 355 millions $, selon le rapport. M. Gagné croit que le crédit permet à l’industrie des multimédias d’attirer des employés convoités du secteur technologique tandis que ces professionnels pourraient mettre à profit leur expertise ailleurs.
Ce n’est pas la première fois que le crédit d’impôt pour les multimédias est remis en question. Le crédit a été critiqué à quelques reprises dans les dernières années par des hommes d’affaires québécois qui jugeaient qu'il permettait à l’industrie des multimédias de mener une concurrence «déloyale» pour recruter les talents en technologie.
L’industrie du jeu vidéo défend, pour sa part, que l’aide gouvernementale est «rentable» pour le Québec. Dans un mémoire envoyé au ministère des Finances du Québec, l’an dernier, la Guilde du jeu vidéo du Québec affirmait que les recettes fiscales liées aux emplois subventionnés étaient 19 % supérieures au coût du crédit d’impôt en 2021.
M. Gagné n’est pas convaincu. «Est-ce que c'est le rôle du gouvernement, est-ce que c’est la responsabilité des contribuables québécois, de soutenir éternellement un secteur industriel qui est, par ailleurs, très profitable?» demande le professeur.