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La crainte de voir des patients gravement malades perdre l'accès à des médicaments d'exception a été à nouveau soulevée en commission parlementaire sur le projet de loi 15.
La crainte de voir des patients gravement malades perdre l'accès à des médicaments d'exception a été à nouveau soulevée en commission parlementaire sur le projet de loi 15. Cette fois, ce sont les pharmaciens d'établissements qui ont fait part de leur incompréhension au ministre de la Santé, Christian Dubé.
Selon la manière dont est rédigé l'article 336 de la future «Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace», les pharmaciens d'établissements perdraient une certaine autonomie leur permettant d'administrer un traitement d'exception à de rares patients qui ne correspondent pas aux critères de recommandation de l'Institut national d'excellence en santé et services sociaux (INESSS).
La présidente de l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (APES), Julie Racicot, a voulu donner le bénéfice du doute au ministre en soutenant que «ça ne peut pas être l'intention derrière ce qui est écrit (dans le projet de loi) parce qu'on se retrouverait à priver des patients de traitements».
«Il y a une façon de reformuler les choses-là. Je pense qu'on ne voit pas la portée de la phrase qui priverait les patients de traitement», a-t-elle renchéri dans un échange avec le porte-parole libéral en matière de santé, André Fortin.
Or, que ce soit intentionnel ou non, des patients atteints d'un lymphome, d'un cancer ou d'une maladie rare vont perdre accès à leur traitement si aucune modification n'est apportée. L'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec (ACMDPQ) avait sonné l'alerte sur cet enjeu le mois dernier.
Dans la pratique actuelle, si l'usage d'un médicament n'a pas été recommandé par l'INESSS, mais que le comité pharmacologique d'un hôpital est au fait d'une nouvelle littérature scientifique favorable, il peut décider d'aller de l'avant et d'administrer le traitement au patient.
Toutefois, ce ne serait plus possible en raison du fameux article 336 du projet de loi 15, qui se lit comme suit: «Le comité ne peut accorder son autorisation si l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux a, dans un avis au ministre, refusé de reconnaître la valeur thérapeutique du médicament pour l'indication thérapeutique faisant l'objet de la demande d'autorisation.»
En commission parlementaire, l'APES a expliqué aux élus que selon la procédure, un médicament ayant fait l'objet d'un avis défavorable ne sera pas réévalué par l'INESSS si le fabricant ne dépose pas une nouvelle demande. Cependant, de nouvelles connaissances médicales peuvent avoir émergé sans qu'une telle demande voie le jour.
Julie Racicot soutient que «c'est irréaliste de croire» que les entreprises pharmacologiques vont redéposer des demandes à l'INESSS «chaque fois que de nouvelles données concluantes vont être disponibles».
Médecins et pharmaciens auraient également les mains liées pour prescrire de nouveaux médicaments disponibles sur le marché, mais dont les délais d'approbation nécessitent parfois plusieurs années. Entre la demande d'approbation à Santé Canada, la certification du produit, l'évaluation par l'INESSS, puis la négociation entre le gouvernement et le fabricant, il peut s'écouler quelques années. Pendant ce temps, des patients seraient privés d'un possible traitement efficace.
L'APES a aussi donné l'exemple d'un patient qui ne répond pas au traitement primaire reconnu ou qui présenterait des contre-indications à ce traitement. Dans de tels cas, médecins et pharmaciens peuvent convenir d'une exception afin de lui offrir une alternative qui peut parfois aller à l'encontre des recommandations de l'INESSS.
«Il faut garder le pouvoir du comité de pharmacologie de recevoir des demandes pour des patients, au cas par cas», a insisté Mme Racicot en rappelant que cela ne concerne que de rares patients pour qui cette exception peut faire une grande différence.
Afin de dénouer l'impasse, les pharmaciens d'établissements proposent une piste de solution, soit la création d'un registre centralisé des médicaments d'exception. En plus de faciliter la mise en commun d'information sur ces traitements, cela permettrait aussi à l'INESSS de prioriser les médicaments à réévaluer en fonction des besoins du réseau.
«L'INESSS pourrait ainsi agir en amont, sans attendre une demande du fabricant», suggère Mme Racicot.
Tout juste après le témoignage de l'APES, ce sont les représentants de l'Ordre des pharmaciens du Québec qui se sont adressés aux élus. Son président sortant, Bertrand Bolduc, a déploré lui aussi le fait que l'on «durcit les conditions d'accès» pour des médicaments décrits comme étant «de nécessité particulière».
M. Bolduc a réitéré que «la littérature scientifique (progresse) plus vite que les recommandations de l'INESSS».
Le ministre Christian Dubé s'est montré favorable à cette recommandation et a clairement manifesté son intérêt pour améliorer l'agilité et la rapidité d'action de l'INESSS.