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L'institut estime que pas moins de 26 États mettraient en place une sorte de restriction de l'accès à l'avortement dans l'année, si la Cour l'autorise.
Alors que la Cour suprême se penche sur l'avenir de la décision historique Roe v. Wade de 1973, un mouvement antiavortement résurgent cherche à prendre l'avantage dans des batailles État par État, tandis que les partisans du droit à l'avortement se préparent à jouer la défense.
Les deux parties semblent partir du principe qu'une cour remodelée par l'ancien président Donald Trump annulera ou affaiblira sérieusement l'arrêt Roe v. Wade.
«Nous avons une tempête à traverser», a indiqué Elizabeth Nash, analyste des politiques de l'État pour l'Institut Guttmacher, un organisme de recherche qui soutient le droit à l'avortement. «Nous devons résister à la tempête pour qu'à l'avenir - dans cinq, dix ou quinze ans - nous parlions de la façon dont nous avons réussi à abroger toutes ces interdictions de l'avortement».
L'institut estime que pas moins de 26 États mettraient en place une sorte de restriction de l'accès à l'avortement dans l'année, si la Cour l'autorise. Au moins 12 États ont des «interdictions de déclenchement» en cours, avec des restrictions qui entreraient automatiquement en vigueur si les juges annulent ou affaiblissent les protections fédérales sur l'accès à l'avortement.
L'affaire actuellement devant la Cour, Dobbs v. Jackson Women's Health Organization, concerne une loi du Mississippi qui interdit l'avortement après 15 semaines de grossesse. L'arrêt Roe v. Wade, qui a été réaffirmé dans une décision ultérieure de 1992 dans l'affaire Planned Parenthood v. Casey, permet aux États de règlementer, mais non d'interdire l'avortement jusqu'au point de viabilité du fœtus, à environ 24 semaines.
Le sort de l'affaire du Mississippi ne sera pas connu avant des mois, mais d'après les premières plaidoiries, l'arrêt Roe v. Wade semble être en péril. Les six juges conservateurs de la Cour, dont Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barret, nommés par l'ancien président Donald Trump, ont indiqué qu'ils confirmeraient la loi du Mississippi.
«Il ne fait aucun doute que ce que nous avons entendu de la part de la Cour suprême était incroyablement troublant», a indiqué Ianthe Metzger, directrice des campagnes médiatiques de l'État pour le Planned Parenthood Action Fund, l'un des plus grands défenseurs du droit à l'accès à l'avortement. «Ce n'était pas vraiment surprenant, mais c'était alarmant».
Susan Arnall, directrice de sensibilisation de la Ligue du droit à la vie, le Right to Life League, une organisation antiavortement, a mentionné qu'elle était particulièrement encouragée par l'accent mis par le juge Samuel Alito sur le concept de «viabilité» du f?tus comme principe directeur pour interdire l'interruption volontaire de grossesse. Elle prévoit que les progrès de la médecine moderne continueront à réduire la fenêtre dans laquelle un foetus n'est pas viable, ouvrant la porte à une multitude de débats médicalement complexes.
«La viabilité est une chose qui est soumise à la science médicale», a précisé Mme Arnall. «Cela va devenir intensément légal et intensément médical. Ce sera une bataille entre avocats et médecins».
Les deux parties semblent s'être préparées à ce moment depuis des années, notamment parce que Donald Trump a installé plus de 200 juges fédéraux et trois juges de la Cour suprême au cours de sa présidence. Les groupes proaccès à l'avortement ont fait des dons de 8 millions de dollars en 2018 et plus de 10 millions de dollars en 2020, selon Open Secrets, un groupe non partisan qui suit les dépenses politiques.
Ces chiffres dépassent les contributions publiques des groupes antiavortements, qui ont fait don de 2,6 millions de dollars en 2018 et 6,3 millions de dollars en 2020. Mais la complexité du réseau des organisations à but non lucratif et des fonds «d'argent noir» rend difficile la production d'une comptabilité complète des flux d'argent.
Si Washington est le principal champ de bataille actuel, de nombreux leaders du mouvement conservateur considèrent la bataille judiciaire comme gagnée d'avance et la disparition de l'arrêt Roe v. Wade comme une fatalité. Le prochain champ de bataille sera alors un combat du chat et de la souris dans les législatures des États et lors des élections de l'année prochaine dans tout le pays.
«Les gens se rendent compte que dans sept mois, nous serons probablement confrontés à cette question au niveau des États», a déclaré Brian Burch, président de CatholicVote. «Cela deviendra beaucoup plus important dans les courses électorales des États, en particulier les courses au poste de gouverneur».
Les législatures de nombreux États dirigés par des républicains sont prêtes à agir en fonction de la décision de la Cour suprême. Mercredi, la 6e cour d'appel de circuit des États-Unis a annulé les décisions précédentes qui avaient bloqué une loi du Tennessee prévoyant l'interdiction des avortements dès qu'un battement de coeur foetal est détecté - environ six semaines - et a ordonné une nouvelle audition par la cour plénière.
«La bataille se déroule dans les chambres d'État depuis des décennies et elle va s'intensifier», a indiqué Mme Nash.
La décision de la Cour suprême est attendue vers le mois de juin, ce qui garantit presque que la question dominera les élections du Congrès de l'automne prochain ainsi que les courses au niveau des États d'un bout à l'autre du pays.
«C'est un calendrier parfait, juste avant les élections de mi-mandat», a mentionné Mme Arnall de la Ligue du droit à la vie.
Cette décision pourrait déclencher une vague d'activités concernant les avortements médicamenteux - une option médicale qui n'existait pas lorsque Roe v. Wade est devenu une loi. Les pilules ont été approuvées par la Food and Drug Administration (FDA) en 2000, avec des restrictions telles que la nécessité d'une visite en personne dans une clinique avant de pouvoir prescrire le régime de deux pilules et l'interdiction de les envoyer par la poste.
Ces restrictions ont été assouplies pendant la pandémie de la COVID-19. Les femmes qui souhaitent obtenir ces pilules peuvent désormais les recevoir par la poste après une consultation à distance avec un médecin, sans avoir besoin de se rendre dans une clinique. La FDA devrait bientôt réexaminer cette position, mais quoi qu'il en soit, ces politiques devraient faire l'objet d'une attaque immédiate de la part des États contrôlés par les républicains.
«Les avortements médicamenteux seront en tête de l'ordre du jour», a ajouté Mme Nash. «C'est la nouvelle frontière».
Le Texas, qui a promulgué une loi interdisant effectivement la plupart des avortements chirurgicaux après six semaines, a une nouvelle restriction qui fait de l'approvisionnement des pilules d'avortement médicales après sept semaines de grossesse un crime et criminalise l'envoi des médicaments par la poste.
«Une campagne de désinformation coordonnée par des politiciens et des activistes antichoix et antiliberté a une fois de plus permis au Texas de mettre les soins hors de portée - en particulier pour celles qui sont déjà marginalisées par notre système de santé», a mentionné Mini Timmaraju, présidente de NARAL Pro Choice, dans un communiqué. «Il n'y a pas de fin aux mesures cruelles que les extrémistes antichoix vont pousser dans leur quête de pouvoir et de contrôle».
Malgré ces revers historiques, les partisans de l'accès à l'avortement affirment qu'ils sont préparés à la lutte État par État et qu'ils conçoivent de multiples moyens pour aider les femmes souhaitant avorter à se rendre dans les États où elles peuvent le faire. Mme Metzger, de Planned Parenthood, a prédit que cette nouvelle menace déclenchera une vague massive de soutien public en faveur du droit à l'avortement.
«Il ne fait aucun doute que (les opposants à l'avortement) ont joué un jeu de 40 ans», a indiqué Mme Metzger. «Pour nous, il s'agit simplement de continuer à tirer la sonnette d'alarme. Les gens voient que la menace est bien réelle. Ce n'est plus un argument théorique».