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Les démissions s’accumulent dans le réseau de la santé au Nunavik et le syndicat des infirmières sonne à nouveau l’alarme afin qu’on vienne en aide au personnel épuisé et sans ressources.
Les démissions s’accumulent dans le réseau de la santé au Nunavik et le syndicat des infirmières sonne à nouveau l’alarme afin qu’on vienne en aide au personnel épuisé et sans ressources. On dénonce un climat de travail toxique et des conditions qui mettent en danger la population inuite.
Au cours des dernières semaines seulement, ce sont au moins sept infirmières qui ont quitté leur emploi. Pour ajouter au manque de personnel, 45 % des infirmières à temps partiel auraient refusé d’offrir des disponibilités pour les mois d’avril, mai et juin en raison du climat de travail actuel qualifié d’invivable.
Par conséquent, il ne reste plus que 11 infirmières pratiquant un rôle élargi – c’est-à-dire qui peuvent poser certains actes médicaux sans la présence d’un médecin – pour desservir sept villages. Les communautés d'Akulivik, d’Umiujaq et d’Ivujivik n'ont aucune infirmière sur place en permanence, alors que la communauté de Puvirnituq dispose d’une seule infirmière.
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Pour ajouter au manque de personnel, la plateforme de recrutement de main-d'œuvre Perspective Nunavik affiche actuellement 96 postes disponibles dans le domaine de la santé et des services sociaux.
«On ne peut pas avoir des dispensaires qui roulent avec moins de la moitié de leur personnel, ou en bris de services, et dire que les communautés reçoivent les soins. C'est faux!», a résumé le président du Syndicat nordique des infirmières et infirmiers de la Baie d'Hudson (SNIIBH), Cyril Gabreau, en entrevue à La Presse canadienne.
Dans une pétition adressée à la directrice générale du Centre de santé Inuulitsivik (CSI), Sarah Beaulne, ainsi qu’au ministre de la Santé, Christian Dubé, le syndicat dénonce des conditions insoutenables et un climat de travail toxique qui règneraient dans le réseau de santé au Nunavik.
Au cabinet du ministre Dubé, on dit avoir entendu «le cri du coeur» et être très sensible à la situation. Une rencontre a d'ailleurs eu lieu récemment avec le syndicat et le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière. Québec dit vouloir mettre en place des conditions adaptées à la réalité du Nord, mais on maintient que cela doit passer par la négociation.
Mercredi matin, la pétition comptait 230 signataires, dont plusieurs personnes qui s'identifient comme des infirmières ou des travailleurs de la santé se disant solidaires avec le personnel de la Baie d'Hudson. Dans le libellé de la pétition, on peut lire que le syndicat dénonce «pour une deuxième fois, les nombreuses irrégularités qui mettent en danger l'intégrité de la pratique infirmière» par la direction du Centre de santé Inuulitsivik (CSI).
Rappelons que le mois dernier, des infirmières avaient fait un premier coup d’éclat en coordonnant un «sit-in» dans les dispensaires tout le long de la côte de la Baie d’Hudson. En réaction, plutôt que de mettre en branle un plan d’action pour améliorer le sort du personnel, le centre de santé s’était tourné vers le Tribunal administratif du travail pour mettre fin à la grève illégale et les forcer à reprendre le travail.
«Nous sommons l’employeur de faire cesser tous les irritants de gestion néfastes afin de permettre la mise en place de mesures structurantes d’attraction et surtout de rétention. (…) Il apparaît clairement que la direction du CSI continue de manquer à plusieurs de ses obligations patronales envers son personnel», écrit le syndicat dans sa pétition qui vise à récolter 250 appuis.
«Les infirmières veulent donner les soins aux communautés inuites, mais elles ne sont pas en mesure de le faire et ça vient brimer la raison pour laquelle elles sont devenues des professionnelles en soins. Ce pour quoi elles sont devenues infirmières à la base», a commenté Cyril Gabreau qui est lui-même infirmier clinicien.
«À un moment donné, les gens disent "on ne peut plus continuer"», renchérit-il.
Dans un long message transmis par courriel, mercredi, la directrice générale Sarah Beaulne reconnaît que les demandes du syndicat pour des changements aux conditions de travail ont été reçues il y a plusieurs mois et que de nombreuses rencontres ont eu lieu depuis avec le service des ressources humaines et la direction. Elle ajoute que certains souhaits n'ont pas pu être exaucés en raison du cadre restrictif de la convention collective.
Mme Beaulne dit travailler ardemment avec son équipe afin de revoir les plans de contingence dans chacune des communautés. Elle dit vouloir offrir un meilleur soutien aux équipes d'infirmières et améliorer l'organisation du travail afin d'apaiser la pression.
Au sujet de la pétition qui continue d'amasser les appuis, la directrice générale se dit déçue de cette initiative qui sort des recours habituels pour résoudre les différends. Elle dit avoir envoyé une lettre au syndicat pour dénoncer ce qu'elle considère comme étant des propos diffamatoires contre le CSI.
La directrice générale, qui a été nommée en décembre dernier, révèle aussi avoir transmis une lettre aux employés pour les rassurer au sujet des efforts faits pour améliorer la situation. Elle insiste sur l'importance de travailler pour le même objectif qui demeure d'offrir des soins de qualité à la population.
Quatre demandes sont énumérées par le SNIIBH qui réclame l’intervention immédiate du ministre Dubé. On veut qu’il donne «l’ordre formel» au comité de négociation de convenir de nouvelles disparités régionales pour le personnel de soins du Nunavik. On souhaite aussi que le ministre force le CSI à négocier l’aménagement du temps de travail.
«Quand on est supposé avoir six ou sept infirmières à Inukjuak et qu'elles sont trois ou même deux, on ne peut pas dire qu'elles donnent les soins adéquatement. Ça veut dire qu'elles sont toujours de garde, martèle Cyril Gabreau. Elles font 24, 36 heures en ligne. À un moment donné tu ne peux plus donner les mêmes soins.»
Ces professionnelles en soins doivent régulièrement prendre en charge des victimes d’accidents polytraumatisées, réanimer des patients ou traiter des blessures par arme blanche ou par arme à feu sans la présence d’un médecin.
«Nos membres tiennent les villages en donnant les soins qu'elles peuvent, mais elles ne sont plus capables», poursuit le président du syndicat.
La troisième demande vise à mettre un terme aux inégalités dans les conditions de travail qui persisteraient entre le personnel du secteur de la Baie d'Hudson et les travailleurs des secteurs de la Baie d'Ungava et de la Baie James. Finalement, la dernière requête porte sur le congédiement de la directrice générale adjointe et ex-directrice générale par intérim.