Début du contenu principal.
L'annonce est «un peu ridicule», confie une source gouvernementale à la La Presse canadienne. Et la présidente-directrice générale, Catherine Tait, «elle n'a pas compris l'exercice qu'on est en train de faire du tout».
La décision de CBC/Radio-Canada d'annoncer lundi la suppression de 600 emplois et l'abolition de 200 postes vacants, soit près de 10 % de ses effectifs, est «prématurée», juge-t-on au gouvernement fédéral.
Deux sources gouvernementales associées à des ministères différents ont utilisé ce mot pour décrire la situation. La Presse Canadienne leur a accordé l'anonymat parce qu'elles n'étaient pas autorisées à parler publiquement.
L'annonce est «un peu ridicule», confie l'une d'elles au bout du fil. Et la présidente-directrice générale, Catherine Tait, «elle n'a pas compris l'exercice qu'on est en train de faire du tout».
Cette même source souligne aussi qu'«en plus» l'entente de 100 millions $ avec Google conclue la semaine dernière avec Ottawa va permettre à CBC/Radio-Canada de générer des revenus.
En annonçant ses compressions de 125 millions $, la haute direction du diffuseur disait prendre en compte que son financement public serait amputé de 3 %, soit environ les économies qu'Ottawa disait viser dans son dernier budget.
«On a reçu des directives comme tous les ministères et les sociétés d'État. Le chiffre est dans nos prévisions», confirmait Mme Tait en entrevue.
Or, la ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, semble multiplier les signaux depuis le début de la semaine quant à l'idée que CBC/Radio-Canada pourrait être exempté, voire partiellement, de l'effort budgétaire fédéral.
«On regarde. Ce n'est pas quelque chose qui va être appliqué sans prendre en considération les impacts que ça peut avoir. Donc, la décision n'a pas été prise», déclarait-elle encore mardi à son arrivée à la réunion du cabinet.
Mais en coulisses, on ne passe pas par quatre chemins. «Nous, ce qu'on a dit, c'est: «envoyez-nous une soumission (de compressions), on va l'évaluer, puis on va vous dire si on l'approuve ou non». Puis tout le monde fait ça, sauf Radio-Canada qui n'a pas l'air de comprendre», soupire une source.
L'autre source insiste elle aussi qu'«ils (CBC/Radio-Canada) n'ont aucune indication effectivement que l'exercice va s'appliquer à eux».
Appelée à réagir, la direction de la société d'État a insisté dans un courriel que «c'est le gouvernement fédéral qui nous a demandé de trouver 3,3 % d'économie».
Advenant que le diffuseur public soit exempté de l'exercice budgétaire, le nombre de pertes d'emplois pourrait être moins important, avait indiqué la grande patronne de CBC/Radio-Canada.
Selon les calculs du Syndicat des travailleuses et travailleurs de Radio-Canada, qui est affilié à la CSN, la réduction des dépenses de 3 % représente environ 38 millions $ par an.
On note aussi que ce sont en fait 60 millions $ qui sont associés aux 800 postes coupés puisque 25 millions $ d'économies viennent de dépenses discrétionnaires et 40 millions $ des productions indépendantes.
La direction de CBC/Radio-Canada chiffre également les compressions «de 3,3 %» à 11 millions $ dès l'an prochain. Elle indique que la cible grimpera à 38 millions $ dans trois ans.
Questionnée à son arrivée à la réunion du caucus libéral mercredi, la présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand, a affirmé ne pas avoir «une opinion» sur les décisions de CBC/Radio-Canada. Il s'agit d'une «organisation indépendante», a-t-elle précisé.
À son bureau, on explique que le gouvernement cherche «en moyenne approximativement» à «recentrer» 3 % par ministère.
Un porte-parole de Mme Anand, Ronny Al-Nosir, a affirmé que le Conseil du Trésor n'a pas de juridiction sur les sociétés de la Couronne, mais que ces dernières relèvent plutôt de ministères.
Et comme CBC/Radio-Canada relève du ministère du Patrimoine canadien, «c'est Patrimoine qui va devoir se concerter avec toutes les sociétés de la Couronne pour déterminer qui met quoi dans cet exercice-là», a-t-il expliqué.
Le ministre des Langues officielles, Randy Boissonnault, a lui aussi plaidé pour l'indépendance du diffuseur, non sans signaler qu'il est «préoccupé par la façon qu'elle (Catherine Tait) va gérer ces coupures».
«Il y a des démarches à suivre, a-t-il ajouté au sujet du processus du Conseil du Trésor. Et ça c'est pour toutes les agences. Et quand on a une agence qui est aussi indépendante que CBC/Radio-Canada, c'est important que toutes ces étapes-là soient suivies.»
Tant le Bloc québécois que le Nouveau Parti démocratique (NPD) ont indiqué mardi qu'ils estiment que le diffuseur public doit être exempté des compressions de 3 %.
«Je ne suis pas un tenant des coupures ou des restrictions financières à Radio-Canada, surtout dans un contexte de crise, a déclaré le chef bloquiste Yves-François Blanchet. Il n'est pas question que l'État rejette le mandat essentiel d'information, notamment dans les régions, et beaucoup en français, de Radio-Canada.»
Plus encore, M. Blanchet demande à la société d'État de suspendre immédiatement «tout programme ou toute velléité de coupures de postes» et que sa PDG comparaisse en comité parlementaire.
Le porte-parole néo-démocrate en matière de Patrimoine canadien, Peter Julian, a affirmé qu'une exemption implique que CBC/Radio-Canada doive investir dans les nouvelles locales. Il considère que les primes aux hauts dirigeants n'ont pas leur place dans un contexte de compressions, ce à quoi la PDG, Catherine Tait, n'a pas renoncé dans une entrevue largement partagée sur les réseaux sociaux.
Le chef adjoint du NPD, Alexandre Boulerice, a ajouté que son parti est favorable à un fonds d'urgence pour «sauver les meubles». Il est ensuite passé à l'attaque en reprochant à la ministre St-Onge de «fermer les yeux» sur les compressions, ce qui contraste avec ses propos de l'époque où elle était cheffe syndicale dans le secteur des communications.
Au Parti conservateur du Canada, dont le chef Pierre Poilievre promet de «définancer» CBC s'il devient premier ministre, un porte-parole a déclaré que la formation entend toujours protéger Radio-Canada, soit le service français du diffuseur public.