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Tel un profil de réseau social, cette sépulture virtuelle peut être mise à jour après le décès.
La mort devient un peu plus virtuelle. Des codes QR commémoratifs commencent à apparaître sur les pierres tombales, créations d’une entreprise québécoise.
Par Jean-Louis Bordeleau, Initiative de journalisme local
Aux gravures traditionnelles sur les stèles — prénom, nom, date de naissance, date de mort, et peut-être une phrase et une photo — s’ajoute désormais un symbole bien moderne. Des liens URL sous forme de codes QR sont proposés depuis quelques mois dans une dizaine de salons funéraires du Québec.
La paternité de cette innovation revient à deux frères originaires des Laurentides, Samuel et Joey Paquette. Lors des obsèques d’un de leurs proches, les signets de papier et les photos défilant sur une petite télévision les ont laissés un peu… de marbre. Ils ont donc décidé de réinventer la façon d’honorer les morts en créant un cimetière virtuel au sein de leur entreprise, Itavie. Après deux ans de conception, ils ont lancé en septembre dernier leur offre de codes QR tombals.
Le pictogramme de un, deux ou trois pouces carrés est d’abord gravé sur une plaque d’aluminium. Le petit ornement est ensuite collé sur la pierre à la manière des photos de porcelaine que l’on aperçoit déjà dans les cimetières. On peut aussi demander une copie du code QR pour le faire graver directement dans la pierre tombale. Ce lien URL apposé sur le monument redirige l’endeuillé ou le simple curieux sur le site d’Itavie, dans la section « Jardin du souvenir », où s’accumulent les histoires de ceux qui nous ont précédés. Photos, vidéos, textes choisis et un livre de condoléances préparés par la famille du défunt s’affichent alors, à la manière d’un profil Facebook ou Instagram.
Tel un profil de réseau social, cette sépulture virtuelle peut être mise à jour après le décès. « Généralement », les clients penchent pour un « in memoriam » public et accessible à tous, mais il est aussi possible de garder privé ce profil posthume. La réponse à une question du type « Quel est le nom du frère de monsieur X ? » vient débloquer ces souvenirs du passé, explique Samuel Paquette.
Est-ce que cet ultime code QR fonctionnera pour l’éternité ? « On garantit 20 ans d’hébergement sur nos serveurs », indique l’entrepreneur. Un protocole permettra, en cas de faillite ou d’accident, que les pages soient transférées sur un second serveur privé. « Réellement, la page appartient à la famille. »
Ces profils concernent bien entendu les tombes et les urnes d’humains décédés, mais on peut aussi offrir une deuxième vie numérique à ses animaux de compagnie. Certaines villes ont également approché le duo d’hommes d’affaires afin d’apposer des plaques QR sur des monuments historiques et ainsi de mieux commémorer les personnalités qui ont marqué leur région.
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« On croit que le code QR va devenir courant au même titre que les signets. Les jeunes vont vouloir intégrer cette technologie », indique le cofondateur d’Itavie.
Rien de tout cela n’est contraire à la solennité des funérailles, confirme en entrevue le curé de Mascouche, Claude Ritchie. Bien au contraire, il y voit un changement normal dans l’évolution des rites funéraires. À ses débuts, il y a 35 ans, les urnes et la crémation étaient encore rares. Aujourd’hui, l’enterrement de cercueils, « on en a moins », et c’est « surtout des urnes » qu’on place en terre.