Début du contenu principal.
Un rapport final est attendu d'ici la fin de l'année.
Des membres de communautés de la diaspora ont raconté mercredi à la commission Hogue comment des régimes autoritaires pouvaient empoisonner la vie de leur famille lorsqu'ils osent les remettre en question.
La commission d'enquête fédérale sur l'ingérence étrangère a entendu mercredi le témoignage de représentants de diverses communautés sur les impacts que peut avoir une ingérence étrangère sur la vie des gens.
De nombreux Russes installés au Canada ont des parents ou d'autres membres de la famille qui sont restés au pays, a déclaré Yuriy Novodvorskiy, de l'Alliance démocratique des Canadiens russes.
Voyez l'analyse de Christopher Nardi au bulletin Noovo Info 17 dans la vidéo liée à l'article.
Les diplomates russes au Canada utilisent la vidéosurveillance et les médias sociaux pour identifier les personnes qui manifestent contre Moscou, a-t-il déclaré.
«Nous avons eu des cas où des militants russes ont été identifiés ici au Canada, et la police a ensuite lancé une sorte d'action de harcèlement contre leur famille restée au pays.»
Dans d'autres cas, les membres de la communauté russe pourraient se voir refuser l'accès aux services consulaires, ce qui signifie qu'ils ne pourront pas renouveler leurs documents de voyage ou garantir qu'ils ont toujours un statut valide de visiteur au Canada, a expliqué M. Novodvorskiy.
Le militant des droits de la personne Hamed Esmaeilion a déclaré que les membres de la communauté iranienne au Canada portent des masques, des lunettes de soleil et des chapeaux lors des manifestations, afin de ne pas pouvoir être identifiés.
«Selon certaines informations, lorsqu'ils voyagent en Iran, leurs téléphones portables sont confisqués, ils sont persécutés, interrogés, et les membres de leur famille en Iran font l'objet de pressions», a-t-il déclaré.
«Nous avons des membres qui ont rencontré des députés canadiens ici, et des membres de leurs familles en Iran ont subi des pressions ou ont été interrogés», a raconté M. Esmaeilion, représentant de l'Association des familles des victimes du vol PS752, l'avion de ligne abattu par des militaires iraniens peu après son décollage de Téhéran en 2020. La plupart des passagers étaient à destination du Canada, dont 55 citoyens canadiens et 30 résidents permanents.
Par ailleurs, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré au Parlement en septembre dernier qu'il y avait des «allégations crédibles» selon lesquelles l'Inde serait impliquée dans le meurtre du militant indépendantiste sikh Hardeep Singh Nijjar, recherché par l'Inde depuis des années et abattu en juin à l'extérieur de son temple en Colombie-Britannique. Le Canada a par la suite expulsé un diplomate indien, et l'Inde a emboîté le pas en expulsant un représentant canadien.
L'Inde est un État hostile et la communauté sikhe est la plus touchée par l'hostilité, a soutenu mercredi Jaskaran Sandhu, au nom de la Coalition sikhe.
Mehmet Tohti, du Projet de défense des droits des Ouïghours, a soutenu de son côté que la répression par Pékin auprès de membres de cette communauté est systématique. Des Canadiens ouïghours lui ont dit qu'ils ne pouvaient pas partager la nouvelle d'un événement joyeux avec leur famille restée au pays parce que la communication était bloquée.
«On ne peut pas leur envoyer de textos, on ne peut pas les appeler et on ne peut pas partager des photos», a déclaré M. Tohti, ajoutant que certains Ouïghours au Canada ne savent même pas si des membres de leur famille sont vivants ou morts.
Il a évoqué le fait que le gouvernement chinois procédait à des arrestations pour avoir communiqué avec des personnes à l'étranger ou retenait des documents de voyage.
Ottawa a déjà déclaré qu'il existait des informations crédibles faisant état de violations des droits de la personne contre les Ouïghours et d'autres gens dans la région du Xinjiang, notamment des détentions arbitraires massives, la séparation forcée d'enfants de leurs parents et la suppression des pratiques religieuses et culturelles.
La juge Marie-Josée Hogue, qui préside la commission d'enquête sur les ingérences étrangères, a souligné mercredi matin, au début de deux nouvelles semaines d'audiences, que la nécessité de ne pas révéler d'informations secrètes sur ce sujet sensible n'avait pas entravé son travail jusqu'ici.
La juge Hogue, de la Cour d'appel du Québec, a admis que la commission devrait marcher sur le fil du rasoir, entre les devoirs de confidentialité et de transparence.
Cette nouvelle phase d'audiences, jusqu'au 10 avril, porte sur les allégations d'ingérence étrangère proprement dites et sur les mesures prises par le gouvernement. Ces audiences portent sur d'éventuelles ingérences de la Chine, de l’Inde, de la Russie et «d'autres acteurs étrangers» lors des deux dernières élections générales au Canada.
La commission devrait entendre au cours des deux prochaines semaines des dizaines de témoins, notamment le premier ministre Justin Trudeau, des ministres, des représentants de partis politiques et des responsables d'Élections Canada.
La commission Hogue avait tenu une première série d'audiences fin janvier et début février pour solliciter des idées sur la manière de divulguer publiquement autant d'informations que possible sans compromettre la sécurité nationale.
Malgré cela, la juge Hogue a déclaré récemment qu'elle avait accepté une demande du gouvernement fédéral de présenter certaines preuves à huis clos, en l'absence des autres participants et du public.
Dans ses remarques préliminaires mercredi matin, la commissaire a souligné que la confidentialité liée aux questions de sécurité nationale n'avait en aucun cas altéré sa capacité à rechercher la vérité.
La commission a eu accès à un grand nombre de documents classifiés, dans leur intégralité, ce qui signifie qu'ils n'ont pas été caviardés pour protéger la sécurité nationale, a déclaré la présidente de la commission.
Mais elle convient que les impératifs de confidentialité «posent de réelles difficultés» puisque la juge Hogue veut «maintenir un processus transparent et ouvert».
La commissaire est consciente que des gens peuvent réagir avec méfiance lorsque des informations détenues par le gouvernement sont tenues secrètes. Mais elle estime qu'au moins une «certaine forme de secret gouvernemental» est essentielle pour assurer l'intérêt public.
Les premières audiences ont démontré que la rétention de certains types d'informations pouvait être essentielle pour que le Canada puisse mener des activités vitales pour la sécurité nationale et ses engagements internationaux, a expliqué la juge Hogue.
Les audiences préliminaires ont également révélé que cette discrétion était particulièrement importante dans le domaine de l'ingérence étrangère, puisque des «acteurs étatiques étrangers sophistiqués» peuvent être engagés dans la collecte d'informations sur le Canada et ses citoyens, a-t-elle plaidé.
«Dans ce contexte, les informations susceptibles de révéler les sources des renseignements, les méthodes de collecte ou les cibles des enquêtes sont particulièrement sensibles, a expliqué la juge Hogue. La divulgation de telles informations à des acteurs hostiles pourrait causer de graves dommages, tant aux citoyens canadiens qu'au Canada dans son ensemble.»