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Les apiculteurs québécois, et les producteurs fruitiers qui dépendent de leurs activités pour polliniser leur champ, entament le printemps avec appréhension. L’industrie craint que le taux de mortalité des abeilles ait été plus important cet hiver.
Les apiculteurs québécois, et les producteurs fruitiers qui dépendent de leurs activités pour polliniser leur champ, entament le printemps avec appréhension. L’industrie craint que le taux de mortalité des abeilles ait été plus important cet hiver.
Pierre Giovenazzo, spécialiste des sciences apicoles au département de biologie de l’Université Laval, s’inquiète pour ses quelque 400 ruches utilisées dans le cadre d’un projet de recherche. «Moi, je suis inquiet, confie-t-il. Je demande à mon personnel d’aller vérifier dans le caveau. Pour le moment, ça a l’air beau. Mais là, qu’est-ce qui va sortir dans trois semaines quand la neige va partir?»
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Perdre des abeilles au printemps est un phénomène normal dans le cycle de production des apiculteurs. L’hiver est une période difficile pour les ruches avec la maladie et le manque de nutrition.
«Les abeilles sont en claustration d’octobre-novembre jusqu’à avril, explique le professeur. C’est “toffe” pour eux autres. Les mortalités hivernales au Canada, c’est souvent autour de 20 % à 30 %, normalement. Les bonnes années, on va peut-être être à 18 %.»
Il faudra encore attendre environ un mois pour avoir un portrait clair de la situation au Québec, mais les conditions météorologiques de l’été dernier ont été propices à la propagation du varroa, un parasite. «L’an dernier, l’été était assez long. Le varroa, c’est un parasite qui a un cycle sur une vingtaine de jours. Plus l’été est long, plus le nombre de cycles augmente. À tous les cycles, le parasite double de population.»
Il est encore trop tôt pour confirmer s’il le taux de mortalité sera plus élevé cette année, répond Raphaël Vacher, président des Apiculteurs et des apicultrices du Québec (AADQ), mais il reconnaît que ses membres sont inquiets.
Les dépistages effectués l’automne dernier laissent croire que le traitement contre la maladie n’a «pas bien fonctionné». «Dans nos dépistages, on se rendait compte qu’il y avait trop de varroas dans nos ruches comparativement à d’habitude, raconte M. Vacher. Dans le passé, quand on a eu cette problématique-là, on s’est toujours retrouvé avec un taux de pertes beaucoup plus élevées au printemps.»
Dans les pires années de propagation du varroa, les conséquences peuvent être dramatiques pour les apiculteurs, ajoute M. Giovenazzo. «La dernière grosse mortalité au Québec, c’était en 2003. J’étais là. Les apiculteurs pleuraient. Il y en avait qui avaient perdu 80 % de leur ruche.»
Si elle se concrétise, cette surmortalité arrivera à un moment où il est plus coûteux de les remplacer. La perturbation de la chaîne d’approvisionnement crée un effet inflationniste, même pour l’importation d’abeilles.
L’importation des abeilles, qui ne peut se faire uniquement que par avion, est devenue un «calvaire» depuis le début de la pandémie au printemps 2020, déplore M. Vacher. Il souligne que les prix du transport ont quadruplé.
La situation préoccupe les producteurs de bleuets du Québec, qui louent près de 30 000 ruches chaque année pour polliniser leur champ. «C’est un gros dossier pour nous», répond Nicolas Pedneault, le président du Syndicat des producteurs de bleuets du Québec (SPBQ).
Avoir un champ bien pollinisé peut faire toute la différence pour un producteur, souligne M. Pedneault. «On peut parler du double ou du triple de rendement pour une bleuetière bien pollinisée, versus une bleuetière qui n’est pas bien pollinisée. Il y a des impacts vraiment majeurs.»
Des entreprises recourent au bourdon pour diversifier leurs pollinisateurs, mais les producteurs ont peu de temps pour s’ajuster si le varroa fait plus de ravages que prévu. «Le problème, c’est qu’on a jusqu’à la fin mars pour passer des commandes 1/8de bourdons 3/8, précise M. Pedneault. La date est pas mal passée. Ça devient un peu un coup de dé, de voir c’est quoi le nombre de ruches probables qu’ils pensent pouvoir nous amener et de décider la quantité de bourdons à commander.»
La rareté anticipée de ruches survient à un bien mauvais moment pour les producteurs, poursuit-il. Avec la montée de l’inflation qui exerce une pression sur le coût des intrants, l’optimisation des récoltes est encore plus importante pour les producteurs.
L’année précédente avait été mauvaise pour les bleuetières, en raison des conditions météorologiques, cette fois. Dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, où se trouve la grande majorité de la production, il s’est produit «30 à 32 millions de livres de bleuets» contre une production moyenne de «65 à 70 millions de livres» dans les cinq à dix dernières années. Bien des producteurs espéraient une meilleure année pour récupérer d’une année difficile, ajoute le président du SPBQ.