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Amazon Canada doit cesser ses activités antisyndicales à son entrepôt de l’arrondissement Lachine, à Montréal, et est condamnée à verser une compensation à la CSN pour la manière dont elle a cherché à contrer la syndicalisation de ses travailleurs.
Le Tribunal administratif du travail tranche que l’entreprise a bel et bien entravé et cherché à s’ingérer dans la campagne de syndicalisation qu’y mène la CSN par le biais d’une série de messages antisyndicaux. Il rejette toutefois la prétention syndicale à l’effet que l’entreprise s’est livrée à des menaces et à de l’intimidation auprès des employés.
Le juge administratif Henrik Ellefsen ordonne ainsi à Amazon de retirer et de détruire tous les messages antisyndicaux diffusés dans l’entreprise par divers moyens.
L’entreprise diffusait par exemple des messages tels que «Une carte syndicale est un document juridique», «Les syndicats ne peuvent pas garantir les changements en milieu de travail», «Les syndicats vous facturent des cotisations» ou encore «Vous n’avez pas à fournir vos renseignements personnels».
Ces messages étaient diffusés en boucle sur les écrans réservés aux ressources humaines, déposés sur les tables de la cafeteria, dans la salle de repos «et même dans les panneaux d’affichage qui se trouvent dans les salles de toilettes», note le juge.
Dans sa décision, il souligne que les employés «sont pour la plupart des travailleurs immigrants au statut précaire. Souvent, ces derniers sont plus méfiants à l’égard du syndicat, étant très peu informés sur les lois qui encadrent les relations de travail au Québec» et que «les salariés se montrent plus hésitants à adhérer au syndicat, soucieux de l’impact de ce geste sur leur emploi et sur leur statut dans leur pays d’adoption».
Pour le magistrat, il est clair qu’«Amazon ne s’adresse pas à la réflexion des personnes, il tente de soulever leurs émotions». Selon lui, ces messages prennent une signification qui n’est pas neutre «dans le contexte où les salariés auxquels ils s’adressent peuvent être préoccupés par la précarité de leur emploi et de leur statut d’immigrant ou de résident».
Il souligne que de décrire une carte syndicale comme étant «un document juridique», par exemple, a mené un salarié à témoigner, lors de l’audience, qu’il comprend de ces messages «que sa signature pourrait l’amener en Cour».
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Quant au fait d’affirmer qu’un syndicat ne peut garantir des changements en milieu de travail, mais qu’il facture des cotisations, le juge Ellefsen y voit une volonté de créer l’impression qu’un syndicat coûte cher mais n’est pas utile.
Bref, dit-il, ces messages «visent surtout à susciter de l’inquiétude et de l’aversion envers le syndicat».
«L’objectif d’Amazon, conclut-il, est de contrecarrer le processus de syndicalisation.»
Le juge Ellefsen condamne donc Amazon à verser à la CSN 10 000 $ en dommages moraux et 20 000 $ en dommages punitifs. En contrepartie, puisqu’il estime que les employés n’ont pas subi de menaces ou d’intimidation, il ne constate aucun préjudice envers ceux-ci et rejette la demande de verser 1000 $ en dommages exemplaires à chacun des employés.
Appelée à réagir, Amazon a transmis cette déclaration:
« Nous sommes heureux que le Tribunal administratif du travail du Québec ait rejeté les accusations non fondées voulant qu’Amazon ait menacé ou intimidé tout employé lié à cette tentative de syndicalisation», a indiqué une porte-parole d'Amazon, Barbara M. Agrait.
«Nous sommes en profond désaccord avec la conclusion limitée selon laquelle nos communications factuelles avec les employés au sujet du processus étaient en quelque sorte inappropriées et nous contesterons cette partie de la décision. Nous sommes convaincus qu’il est important de présenter les faits et l’information aux employés afin qu’ils puissent prendre des décisions libres et éclairées en matière de représentation.»
L’entrepôt de Lachine, nommé YUL2, emploie plus de 300 personnes, principalement à la manutention de marchandises.
L'entrepôt DXT4, de Laval, est devenu en mai dernier le premier établissement d'Amazon syndiqué au Canada. L'entreprise, qui a échoué dans une première contestation de la procédure, conteste toujours cette accréditation.
Note de la rédaction: Une version précédente indiquait que le nom de l'entrepôt avait été changé de YUL2 à DXT6, mais l'entrepôt se nomme toujours YUL2. DXT6 est un autre entrepôt.