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Le système de santé afghan ne peut fonctionner qu'avec la bouée de sauvetage des organisations humanitaires.
Le diesel nécessaire à la production d'oxygène essentiel pour les patients atteints de COVID-19 est épuisé -- tout comme d'ailleurs les réserves de dizaines de médicaments essentiels. Le personnel, qui n'a pas été payé depuis des mois, se présente toujours au travail, par devoir, mais il a du mal à joindre les deux bouts à la maison.
C'est le sort de l'Hôpital nippo-afghan pour les maladies transmissibles, seul établissement qui accueille les patients atteints de la COVID-19 dans la capitale, Kaboul, qui compte plus de 4 millions d'habitants. La situation pandémique en Afghanistan semble s'être améliorée par rapport à il y a quelques mois, alors que les cas atteignaient leur apogée, mais c'est maintenant l'hôpital lui-même qui a besoin de réanimation. Et alors que le variant Omicron pointe à l'horizon.
La situation difficile de cet hôpital illustre la crise du système de santé afghan, qui est au bord de l'effondrement et ne peut fonctionner qu'avec la bouée de sauvetage des organisations humanitaires. Or, ces organisations ont du mal à trouver du financement depuis l'arrivée au pouvoir des talibans.
«L'oxygène est un gros problème pour nous parce que nous ne pouvons pas faire fonctionner les génératrices», a déclaré le docteur Ahmad Fatah Habibyar, responsable de la logistique administrative de l'hôpital. Il ajoute que certains employés connaissent de telles difficultés financières qu'ils doivent vendre leurs meubles pour joindre les deux bouts. Et avec le variant Omicron, les médecins s'attendent à davantage d'infections.
Sans aide extérieure, «nous ne sommes pas prêts pour l'Omicron. Ce sera la catastrophe», a déclaré le docteur Shereen Agha, 38 ans, chef de l'unité des soins intensifs de l'hôpital. L'établissement manque déjà de fournitures de base comme des gants, a-t-il dit, et ses deux ambulances sont immobilisées à cause de la pénurie de carburant.
Le gouvernement précédent en Afghanistan avait signé un contrat avec une organisation d'aide néerlandaise, «HealthNet TPO», pour gérer l'hôpital. Mais le contrat a expiré en novembre et il était financé par un fonds géré par la Banque mondiale qui, comme l'a fait la communauté internationale, a gelé les paiements versés au nouveau gouvernement taliban.
Le directeur du programme HealthNet TPO, Willem Reussing, a déclaré que son organisation était en négociations pour obtenir un nouveau financement, «mais les donateurs sont très réticents à continuer de soutenir, et imposent des conditions strictes». L'Organisation mondiale de la santé et l'UNICEF ne parviennent qu'à maintenir des services minimaux et ne couvrent pas la réponse au coronavirus, a-t-il ajouté.
«Cet hôpital est un terrible exemple, où nous supplions presque les donateurs d'intervenir et de sauver des vies», a déclaré M. Reussing.
Pénuries, sécheresse, famine
Lorsque les talibans ont pris le contrôle de l'Afghanistan, en août, au milieu d'un retrait chaotique des troupes américaines et de l'OTAN, la communauté internationale a retiré tous les financements et gelé des milliards de dollars d'actifs afghans à l'étranger. Pour un pays fortement dépendant de l'aide étrangère, les conséquences ont été désastreuses.
L'économie était déjà profondément troublée sous le gouvernement précédent, avec des employés de l'État souvent impayés. L'année dernière, près de la moitié de la population vivait dans la pauvreté, la situation étant aggravée par la pandémie et une sécheresse qui a fait grimper les prix des denrées alimentaires.
Le gouvernement taliban souhaite que la communauté internationale assouplisse les sanctions et libère les avoirs afghans à l'étranger afin de pouvoir payer les fonctionnaires, y compris les médecins et les enseignants.
Les Nations unies ont tiré la sonnette d'alarme au sujet d'une crise alimentaire, avec 22 % des 38 millions d'habitants de l'Afghanistan au bord de la famine et 36 % faisant face à une insécurité alimentaire aiguë.
C'est on ne peut plus évident dans le service de malnutrition de l'hôpital pour enfants Indira-Gandhi, où des mères anxieuses sont assises à côté d'enfants émaciés.
Mohammad, deux ans, les joues creuses et les cheveux clairsemés, a siroté une tasse de lait nutritif avec sa mère, Parwana, à ses côtés. Originaire de la province centrale de Wardak, elle dormait à l'hôpital depuis six nuits.
«Je n'ai même pas d'argent pour changer ses couches», a déclaré la jeune femme de 20 ans. Son mari, un tailleur, a perdu ses deux jambes dans l'explosion d'une bombe au bord de la route il y a plusieurs années.
Le vice-ministre de la Santé, le docteur Abdul Bari Omar, déclarait la semaine dernière que l'Afghanistan comptait 3,5 millions d'enfants souffrant de malnutrition, bien qu'il ait souligné que ces chiffres provenaient du gouvernement précédent.
Le directeur adjoint de l'hôpital pour enfants, Mohammad Latif Baher, a déclaré que l'établissement avait vu 3000 cas de malnutrition au cours des quatre derniers mois. Parmi ceux-ci, 250 ont été hospitalisés et les autres ont été soignés à domicile. Les employés de l'hôpital sont également aux prises avec des pénuries et ils n'ont pas été payés depuis des mois.
«Nous sommes fidèles à notre patrie et à notre profession, explique le directeur Baher, notant qu'ils sont restés sans salaire pendant cinq mois. C'est pourquoi nous continuons à travailler et à fournir des services à nos patients.»
La situation était similaire à l'hôpital national Wazir Mohammed Akhbar Khan, où les stocks de médicaments et d'équipement de protection s'amenuisent. Comme dans la plupart des autres hôpitaux publics, ses patients doivent acheter leurs propres médicaments, le personnel ne puisant dans les fournitures d'urgence que pour ceux qui n'en ont vraiment pas les moyens.
Parfois, les médecins sont obligés de donner de plus petites doses de médicaments parce qu'ils n'en ont tout simplement pas assez, a déclaré Ghulam Nabi Pahlawi, l'infirmière en chef du service des urgences.