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Les outils numériques prennent de plus en plus de place au travail et en sont un facilitateur. Mais ils portent aussi le risque d'un «stress numérique», alors qu'une étude récente indique que 31% des salariés sont exposés à une hyper-connexion.
Les outils numériques prennent de plus en plus de place au travail et en sont un facilitateur. Mais ils portent aussi le risque d'un «stress numérique», alors qu'une étude récente indique que 31% des salariés sont exposés à une hyper-connexion.
«Les courriels, les outils de télé-réunion, les messageries internes, l'accès à internet (...). Tous ces outils ont bouleversé notre vie», a rappelé cette semaine William Dab, épidémiologiste et ex-Directeur général de la santé lors d'une conférence intitulée «Le stress numérique, un risque émergent».
«Se pourrait-il que ces outils, ou plus exactement les usages de ces outils, soient en train de se retourner contre nous?», a-t-il questionné, lors de cette intervention dans le cadre du salon Préventica dédié à la santé et la sécurité au travail.
«Ce que je trouve compliqué depuis relativement récemment, post-Covid et confinements, c'est la multiplication des canaux, qui fait qu'on ne sait plus d'où ça vient», entre les courriels, messages par Teams, WhatsApp, Zoom, les SMS..., témoigne auprès de l'AFP Adrien Debré, avocat dans un cabinet d'affaires. «Ça rend la gestion des flux pénible. C'est comme des poupées russes qu'il serait nécessaire d'ouvrir», dit-il.
Avec le télétravail et des organisations «de plus en plus éclatées physiquement», «on est toute la journée derrière nos écrans», rapporte aussi Jérôme, cadre dans le secteur bancaire, qui n'a pas souhaité donner son nom de famille. Même au bureau, les réunions en visio s'enchainent «à un train d'enfer». «Ça fatigue», dit-il.
Pour le Pr Dab, «on va parler de "stress numérique" quand la quantité d'informations disponibles que nous devons traiter dépasse notre capacité», un sujet «en train de monter» sous différentes appellations: "«nfobésité», «pénibilité numérique» ou «technostress».
Aux yeux de l'épidémiologiste, «le phénomène central est celui de "surconnexion" qui peut entraîner une surcharge mentale». Il pointe «un cercle vicieux avec une sorte de pression continue qui nous fait zapper d'une source d'information à l'autre», et le sentiment à un moment de «perdre le contrôle». Une situation de stress «dont la forme extrême est le burn-out».
«Comme médecin, j'analyse cela comme une nouvelle forme d'addiction» dont on connait encore peu les conséquences même si celles du stress sont «très bien connues», dit William Dab.
«Pas que mentales», celles-ci sont associées à une «augmentation des risques cardio-vasculaires, des risques métaboliques», ainsi qu'à des effets «immunitaires».
Le stress diminue en outre les performances, et les outils numériques, «s'ils ont ouvert la porte au travail à distance, nous mettent aussi en situation d'isolement». «En somme, ces outils qui nous rendent tellement service peuvent également altérer la santé et la qualité de vie au travail», dit-il.
Pour illustrer les «quelques données» sur le sujet, M. Dab cite une étude publiée mi-mai.
Menée par l'Observatoire de l'infobésité et de la collaboration numérique, elle a été réalisée notamment via l'analyse de courriels de près de 9000 personnes en continu pendant deux ans.
Sans prétendre avoir une valeur statistique au vu du faible échantillon d'entreprises (10), elle montre que 31% des salariés sont exposés à l'hyper-connexion en envoyant des courriels après 20H00 plus de 50 soirs par an (117 soirs pour des dirigeants).
En outre, plus de 50% des courriels ont une réponse en moins d'une heure et ces messages sont générateurs de «beaucoup de bruit numérique» avec 25% dus au «répondre à tous».
L'étude a aussi mesuré les créneaux de «pleine concentration» (une heure sans envois de courriels). Pour les dirigeants, leur part hebdomadaire n'est que de 11% (24% pour les cadres et 42% pour les collaborateurs).
Pour l'épidémiologiste, cela signifie «une perte de sens, d'efficacité et de profondeur d'analyse». «On est peut-être en train d'atteindre un seuil de toxicité».
Mais «nous pouvons agir», assure l'épidémiologiste: en restreignant les informations à «ce qui est réellement essentiel», en gardant «des plages où l'écran est fermé» ou encore par des activités physiques ou relaxantes.
Il s'agit, in fine, de «ne pas se laisser posséder comme on se laisse posséder par des drogues dures»...