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Une chaire de recherche avance que le Québec n’atteindra pas ses objectifs climatiques, tout comme il n’a pas atteint sa cible de réduction de gaz à effet de serre (GES) de 2020, et que globalement, le secteur de l’énergie n’évolue pas au Québec à la hauteur des ambitions des politiques.
Dans un document intitulé l’État de l’énergie au Québec 2022 publié jeudi, Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, signale qu’après que la pandémie de COVID-19 eut fait reculer les ventes de produits pétroliers de 11 % au Québec en 2020 par rapport à 2019, la consommation reviendra au niveau de 2019 si la reprise économique et les ventes de véhicules énergivores se maintiennent.
L’engouement pour les gros véhicules et la croissance dans le transport de marchandises expliquent l’essentiel de la hausse.
Même s’il y a un nombre croissant de bornes électriques, que les gouvernements financent les achats de voitures électriques (VÉ) et qu’il y a de plus en plus de ce type de véhicules sur le marché, les ventes de gros véhicules continuent d’augmenter.
« Les VÉ ne représentaient que 7% du marché en 2020, comparativement à 71% pour les camions légers. Il s’est ainsi vendu environ 15 camions légers pour chaque VÉ vendu en 2020. Ces tendances sont contraires à l’atteinte des cibles de réduction des émissions de GES », souligne le rapport.
L’analyste en mobilité chez Équiterre, Andréanne Brazeau, souligne que « 97% de toute l’énergie consommée en transport provient des produits pétroliers raffinés », preuve que notre dépendance aux énergies fossiles est encore « très, très forte ».
« Il faut mettre en place des politiques qui sont plus ambitieuses, que ce soit au niveau de la réglementation comme la publicité et il faut des normes d’émissions plus sévères, des investissements dans le transport collectif et actif », croit Mme Brazeau.
Elle souligne « qu’en ce moment, tous les gains qu’on a en termes d’émission de GES par les véhicules électriques sont annulés par l’engouement pour les gros véhicules ».
Depuis longtemps, Équiterre réclame la mise en place d’un système de « bonus malus », également appelé « redevance-remise ».
Un tel programme gouvernemental permettrait l’octroi d’un bonus à l’acheteur d’un véhicule neuf qui consomme moins que celui qu’il possédait avant. À l’inverse, un montant supplémentaire, une taxe, serait imposé à l’achat d’un gros véhicule énergivore.
« Comme ça, on finance les véhicules à zéro émission, et on décourage l’achat des plus gros véhicules », souligne Andréanne Brazeau.
De 1990 à 2019, le parc de véhicules personnels au Québec a augmenté de 66%, soit une hausse trois fois plus importante que la croissance démographique de la province, selon le rapport de HEC Montréal.
Pendant la même période, la distance moyenne parcourue par les camions lourds de marchandises a augmenté de 61%, en partie en raison de la croissance du commerce globalisé et électronique, ainsi que de la pression du mode de livraison « juste à temps », selon le rapport.
« Le Québec doit se poser de sérieuses questions sur ses façons de consommer et d’acheter des biens », selon l’analyste en mobilité chez Équiterre, qui souligne que « le fait d’avoir un produit commandé en ligne le lendemain par exemple, ça ajoute une grande pression sur la demande énergétique du transport ».
Elle suggère que le gouvernement oblige les commerçants à indiquer « l’option la plus écologique » lorsqu’un consommateur veut se faire livrer un produit.
« On n’a aucune information là-dessus, donc c’est très difficile pour une personne qui ne connaît pas ça de faire le choix le plus écologique. Je pense que si on donne l’information aux gens, les gens sont capables de prendre la bonne décision », souligne Mme Brazeau.
La Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal écrit que les données mensuelles canadiennes de 2021 de Statistique Canada montrent que les ventes de produits pétroliers ont rebondi en 2021 et ont presque retrouvé leur niveau prépandémique. En août dernier, pour l’essence, les ventes canadiennes ont même dépassé celles de 2019.
Par ailleurs, le document signale que la consommation d’électricité au Québec est fortement dépendante de la température, chaque degré de refroidissement l’hiver nécessitant près de 400 mégawatts (MW) de capacité de production supplémentaire. Rien dans les tarifs résidentiels ne reflète cependant les coûts de cette puissance supplémentaire, car les tarifs continuent d’être subventionnés par un interfinancement venant des consommateurs commerciaux.
Cependant, les auteurs du document ont observé qu’en 2021, cet interfinancement a continué de diminuer.
D’autre part, la Chaire rappelle qu’Hydro-Québec évaluait ses surplus à environ 40 térawattheures (TWh) par année en 2019. Elle signale que ceux-ci pourraient s’effacer à l’horizon 2029 avec les nouveaux contrats d’exportation, la croissance de la demande et l’électrification, notamment.
Le document constate aussi que les filières des bioénergies et de l’hydrogène se développent très inégalement. Alors que des projets d’hydrogène vert prennent forme, des usines de biocarburants ferment ou restent inactives.
Le professeur Pierre-Olivier Pineau signale que malgré la succession de plans d’action contre les changements climatiques, les émissions de gaz à effet de serre (GES) n’ont cessé de croître depuis 2014.